PLF 2012 - Le Sénat et les dispositions logement du PLF : un coup d'épée dans l'eau ?
Le Sénat à majorité de gauche a adopté a son tour le 6 décembre par 175 voix contre 168 le projet de loi de finances (PLF) pour 2012, dans une version largement transformée. L'opposition sénatoriale de droite a voté contre. Outre les dispositions relevant des finances locales (auxquelles Localtis a consacré plusieurs articles au fil de cette seule lecture sénatoriale : voir nos articles du 6 décembre, du 5 décembre, du 1er décembre et du 24 novembre), notamment sur le nouveau fonds de péréquation, ce détricotage concerne évidemment plusieurs politiques sectorielles. Parmi celles-ci, le logement a été l'un des thèmes les plus débattus. L'environnement et l'emploi aussi (voir encadré ci-dessous).
Dans le texte adopté le 6 décembre, plusieurs dispositions relatives au logement reviennent sur les articles votés par l'Assemblée nationale ou ajoutent des mesures nouvelles. Avec toutefois un bémol de taille : dans la nouvelle situation créée par le récent changement de majorité au Sénat, la portée de ces modifications risque d'être très limitée. La quasi-totalité - sinon la totalité - d'entre elles seront écartées par l'Assemblée, qui aura le dernier mot après l'échec très probable de la commission paritaire. Dans ce contexte particulier, la plupart des amendements votés par le Sénat ont surtout valeur de témoignage et préfigurent, pour nombre d'entre eux, le programme en la matière du candidat socialiste à la présidentielle.
Retour à l'indexation des aides personnelles au logement
Parmi les amendements les plus emblématiques, on retiendra notamment le retour à l'indexation de droit commun des aides personnelles au logement sur l'indice de référence des loyers, au lieu de la progression de 1% votée par l'Assemblée dans le cadre du plan de réduction des déficits annoncé par le Premier ministre. De même, le Sénat a rétabli le montant de 45.000 euros - au lieu des 30.000 euros votés par l'Assemblée - pour le cumul entre l'éco-prêt à taux zéro et le crédit d'impôt développement durable (Cidd), qui servent à financer les travaux de mise à niveau énergétique des logements.
Dans le même esprit, le Sénat a remonté à 1,2 milliard d'euros le plafond de dépenses générationnelles (autrement dit par génération de prêts) pour le nouveau prêt à taux zéro (PTZ+). Fixé initialement à 2,6 milliards d'euros dans le PLF initial, ce plafond avait été ramené à 800 millions dans le cadre du plan de rigueur. Les sénateurs ont jugé cette réduction "trop brutale". Ils n'ont toutefois pas rétabli le niveau de dépenses initial, mais ont ramené le plafond au niveau de celui de l'ancien PTZ. Le Sénat a également rétabli, pour les demandeurs du PTZ+, le plafond de ressources de 64.875 euros (celui de l'ancien PTZ). L'Agence nationale de l'habitat (Anah) a également bénéficié d'une attention particulière, avec l'apport d'une nouvelle ressource, fondée sur l'extension aux bailleurs personnes physiques de la contribution annuelle sur les revenus tirés de la location de locaux (article 234 nonies du Code général des impôts).
Une réponse aux demandes du mouvement HLM
Une autre série d'amendements répond très directement aux demandes du mouvement HLM. Nombre d'entre eux étaient d'ailleurs portés par Thierry Repentin, sénateur de la Savoie et qui se trouve être aussi le président de l'Union sociale pour l'habitat (USH). Parmi les mesures adoptées figurent ainsi une refonte de la garantie du risque locatif, à travers la mise en place d'un contrat unique d'assurance de perte de loyers, remplaçant à la fois la garantie des loyers impayés (GLI) et la garantie des risques locatifs cofinancée par Action logement et l'Etat. Les sénateurs ont aussi retenu une mesure simplifiant les modalités permettant aux organismes HLM de bénéficier du dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des logements vacants depuis plus de trois mois, dès lors que cette vacance est justifiée par un projet de démolition de l'immeuble ou de travaux de rénovation.
Enfin, et comme on pouvait s'y attendre, le Sénat a supprimé la ponction sur la trésorerie des organismes HLM qui n'investissent pas suffisamment (dite taxe sur les "dodus dormants"), instaurée par la loi de finances pour 2011 et devenue la bête noire de l'USH.
Une balle dans le pied ?
Trois autres amendements présentent un cas particulier. Le premier, présenté par le groupe socialiste, a été adopté sans opposition du gouvernement - ce dernier s'en remettant à la sagesse du Sénat - et pourrait donc figurer dans le texte final. Il a pour objet de prolonger jusqu'au 31 décembre 2013 la période durant laquelle est facilitée la cession d'immeubles par des organismes qui œuvrent pour le logement des personnes défavorisées, mais n'assurent plus la maîtrise d'ouvrage d'opérations. Le second a été présenté par Philippe Dallier, sénateur (UMP) de Seine-Saint-Denis et a été adopté après que le gouvernement et la commission s'en sont remis à la sagesse du Sénat. Il autorise les communes à exonérer les propriétaires bailleurs personnes physiques de tout ou une partie de la taxe sur le foncier bâti, sous réserve qu'ils conventionnent les logements concernés pour en limiter les loyers. Pour inciter à la mise en place de cette disposition, l'amendement prévoit que les communes candidates pourront déduire le coût de ces exonérations du prélèvement éventuel opéré au titre de l'article 55 de la loi Solidarité et renouvellement urbains (SRU).
Enfin, la disposition la plus surprenante est la suppression de l'article 42, qui prévoyait la mise en place d'une taxe sur les loyers abusifs des micro-logements de moins de 14 m2 (en pratique, essentiellement les chambres d'étudiants en région parisienne). Sur un plan pratique, les arguments évoqués par Nicole Bricq, rapporteur général de la commission des finances, ne sont pas infondés : risque de réunion de plusieurs surfaces pour échapper au seuil de 14 m2, risque de voir les bailleurs jusqu'alors "raisonnables" se porter juste en dessous du niveau de loyer maximum... Mais sur un plan politique, la mesure semble pour le moins maladroite. Les députés socialistes avaient en effet voté cette disposition avec la majorité. Laurent Wauquiez, le ministre de l'Enseignement supérieur, et Benoist Apparu, le secrétaire d'Etat chargé du logement, n'ont d'ailleurs pas manqué de s'engouffrer dans la brèche. Dans un communiqué commun, ils dénoncent "un mauvais coup porté aux plus fragiles".
Jean-Noël Escudié / PCA
L'environnement et l'emploi aussi
Outre les volets finances locales et logement, le champ de l'environnement et celui de l'emploi figurent en bonne place parmi les sujets sensibles ayant donné lieu à l'adoption de nombreux amendements sénatoriaux. Focus sur les plus importants d'entre eux.
Environnement
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Efficacité énergétique : un amendement vise à appliquer la TVA à taux réduit pour les travaux d'amélioration de la performance énergétique, y compris lorsque ceux-ci sont réalisés par des tiers investisseurs.
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Déchets dans les DOM-TOM : un amendement propose de surseoir aux pénalités de retard dues par les collectivités d'outre-mer et leurs groupements du fait de la déficience de leurs décharges publiques jusqu'en 2015, date à laquelle les pénalités seront maximales pour les installations non conformes aux normes communautaires.
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Redevance des installations hydroélectriques : un amendement supprime l'article 14 bis du PLF qui faisait disparaître la part communale de cette redevance. Il propose de revenir à la rédaction initiale de l'article L.521-23 du Code de l'énergie qui répartissait la redevance des installations hydroélectriques de la manière suivante : la moitié pour l'Etat, un tiers pour les départements et un sixième pour les communes concernées par ces installations. Un autre amendement de suppression de l'article 14 bis vise à maintenir la quote-part affectée aux communes de la redevance sur les nouvelles concessions hydroélectriques.
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Plans de prévention des risques technologiques (PPRT) : un amendement vise à augmenter les plafonds de dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt pour les travaux obligatoires de renforcement des habitations situées dans le périmètre d'un PPRT, introduit dans le cadre de la loi Grenelle 2. Ce plafond est porté de 5.000 à 10.000 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée et de 10.000 à 20.000 euros pour un couple soumis à imposition commune. Un autre amendement défendu par Nicole Bricq (PS, Seine-et-Marne) rapporteure du PLF 2012, vise à revenir au taux de 40% (au lieu de 30%) pour le crédit d'impôt dédié aux dépenses de financement de travaux prescrits par les PPRT. "La situation actuelle, issue du dispositif de projet de loi de finances pour 2011, pose un gros problème aux propriétaires concernés, souligne l'exposé des motifs. Ces derniers sont bien souvent des ménages aux revenus modestes, qui éprouvent de grandes difficultés pour financer les travaux, au détriment de leur sécurité. La conjonction du doublement du plafond de ce crédit d'impôt (…) et du relèvement de son taux (…) devrait permettre de couvrir la très grande majorité des situations."
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Agences de l'eau : un amendement supprime l'article 51 bis du PLF encadrant le volet recettes de la prochaine programmation des agences de l'eau sur la période 2013-2018. "Il s'agit par là d'exprimer au gouvernement la désapprobation du Parlement face à la méthode retenue qui consiste à faire passer un article important par voie d'amendement sans donner ni le temps, ni les informations nécessaires à un examen approfondi du sujet par la représentation nationale", justifie la commission des finances dans l'exposé des motifs. Ronan Dantec (EELV, Loire-Atlantique) a en outre obtenu que le plafond de dépenses pour la prochaine programmation des agences de l'eau "reste stable, à hauteur de 14 milliards" afin que les établissements "soient en mesure d'assumer leurs différentes missions". Selon l'exposé des motifs, "la baisse de 1,4% des dépenses des agences de l'eau n'est pas acceptable au vu des enjeux financiers que représentent la mise aux normes des stations d'épuration et des installations d'assainissement non collectif et la modernisation du réseau d'eau potable". Un autre amendement adopté à la demande de Jacques Mézard (RDSE, Cantal) propose de faire passer le plancher des dépenses de solidarité des agences de l'eau aux communes rurales de 1 à 1,12 milliard d'euros. "Parallèlement une réduction du plafond des contributions versées à l'Onema, le faisant passer à 750 millions au lieu de 900 millions pour le dixième exercice de l'agence, s'impose, souligne l'exposé des motifs. Le pourcentage de ces contributions réservé à la solidarité inter-bassin avec l'outre-mer et la Corse passe quant à lui à 23% au lieu de 20%".
Emploi
Les sénateurs ont voté une augmentation de 7 millions d'euros du budget des maisons de l'emploi par rapport au budget initial. Celui-ci prévoyait une diminution de 34% de ces crédits après une baisse de 21,45% en 2011.
Ils ont également supprimé la ponction de 300 millions d'euros du
fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) avec laquelle le gouvernement entendait financer les actions de formation de l'Afpa, de l'ASP (Agence de service et de paiement) et de Pôle emploi.
Ils ont par ailleurs rétabli
l'allocation spéciale du Fonds national de l'emploi (ASFNE) destinée aux préretraites versées dans le cadre de plans sociaux.
Un amendement limite à un an, au lieu de deux, la prorogation des exonérations fiscales et sociales en faveur des entreprises qui exercent une activité dans les
bassins d'emploi à redynamiser (BER). Ce dispositif créé en 2006 pour les communes fragilisées des Ardennes et de l'Ariège devait expirer fin 2011. Les députés avaient voté un amendement visant à le prolonger jusqu'au 31 décembre 2013 afin de le faire coïncider avec le dispositif communautaire des aides à finalité régionale.
Enfin, sur le terrain du développement économique des territoires, les sénateurs ont adopté une rallonge de 9 millions d'euros pour le
Fisac (fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce), jugé comme un "outil précieux pour répondre aux menaces pesant sur l'existence d'une offre commerciale et artisanale de proximité dans des zones rurales ou urbaines fragilisées".
A.L. et M.T.