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Le Sénat détricote la proposition de loi "Ségur"

Le texte adopté par le Sénat n'a plus grand-chose à voir avec la proposition de loi LREM initiale, présentée comme "la traduction législative des mesures issues des conclusions du Ségur de la santé qui ne relèvent pas du domaine budgétaire". Les sénateurs ont entre confirmé la suppression de l'article qui prévoyait la création d'une "profession médicale intermédiaire" entre les infirmiers et les médecins.

La proposition de loi "visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification", dite aussi proposition de loi "Ségur", est en passe d'achever son parcours rapide – le texte a été déposé le 22 octobre dernier et l'urgence a été déclarée – mais passablement chaotique. Le texte vient en effet d'être adopté à son tour par le Sénat et doit maintenant être examiné en commission mixte paritaire (CMP), avec des perspectives réduites d'un accord tant les versions divergent. Les sénateurs ont en effet détricoté le texte de l'Assemblée, déjà profondément modifié par les députés et qui n'a plus grand-chose à voir avec la proposition de loi initiale.

"La traduction législative des mesures issues des conclusions du Ségur"

La proposition de loi a été déposée par Stéphanie Rist, députée du Loiret, et Christophe Castaner, le président du groupe LREM à l'Assemblée, et cosigné par l'ensemble des membres du groupe. Elle a été adoptée en première lecture le 8 décembre (voir notre article ci-dessous du même jour). Selon l'exposé des motifs, le texte se veut "la traduction législative des mesures issues des conclusions du Ségur de la santé qui ne relèvent pas du domaine budgétaire". Sa préparation ne s'est pas faite sans échanges entre le groupe LREM et le gouvernement, qui s'est pourtant opposé à certaines de ses dispositions. Enfin, s'agissant d'une proposition de loi, il n'y a pas eu d'étude d'impact, ni d'avis du Conseil d'État, ni apparemment de concertation très poussée. D'où les très vives réactions sur certains articles et les émondages successifs de certaines de ses dispositions et, à l'inverse, l'ajout de nouveaux articles.

La commission des affaires sociales du Sénat avait déjà supprimé 10 des 37 articles du texte issu de l'Assemblée, remanié profondément les autres et s'était dite "déçue par une proposition de loi à l'ambition limitée, et ne répondant pas aux attentes des acteurs de santé". Seules avaient trouvé grâce aux yeux de la commission la revalorisation du rôle du chef de service et l'association plus étroite du personnel médical à la gestion de l'établissement.

La "profession médicale intermédiaire" disparaît

Lors de l'examen en séance publique, les 17 et 18 février, Olivier Véran a défendu – modérément – le texte, en expliquant qu'"il était normal que la représentation nationale s'empare du sujet". Il a également voulu rassurer ceux qui "se sont émus en commission du manque d'ambition de ce texte, craignant une dissonance normative et une insécurité juridique". À l'inverse, Alain Million, le rapporteur (LR) de la commission des affaires sociales a estimé que "le choc de confiance n'est pas au rendez-vous" et que la cohérence du texte "a été mise à mal par les discussions concomitantes autour des ordonnances structurantes de la loi Ma Santé 2022", en cours de concertation.

Après avoir écarté une question préalable du groupe CRCE et une motion de renvoi en commission du groupe socialiste, les sénateurs ont apporté plusieurs modifications significatives au texte de l'Assemblée. Ils ont ainsi confirmé la suppression, opérée par la commission des affaires sociales, de l'article Ier. Celui-ci prévoyait à l'origine la création d'une "profession médicale intermédiaire", entre les infirmiers et les médecins, et avait suscité une véritable levée de boucliers. Les députés l'avaient d'ailleurs vidé de son contenu en le réduisant à la simple production d'un rapport du gouvernement sur le sujet.

Les sénateurs ont en revanche accru le champ de compétences et le droit de prescription des sages-femmes et permis aux laboratoires d'analyses de biologie et aux pharmaciens des pharmacies à usage intérieur (PUI) d'effectuer certaines vaccinations, notamment contre le Covid-19. Des autorisations ont également été accordées aux médecins de ville et aux infirmiers, en vue de la délivrance de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à réaliser des autotests de détection de maladies infectieuses transmissibles ("autotests VIH").

Pas de "bénévolat individuel" en hôpital

Les sénateurs ont rejeté la possibilité d'un "bénévolat individuel" au sein des établissements de santé, dans lequel les opposants aux texte voyaient une "ubérisation" de la santé. Les bénévolat en hôpital reste bien sûr possible, mais uniquement, comme aujourd'hui, dans un cadre associatif, comme le fait par exemple la Ligue contre le cancer.

Sur la simplification de la gouvernance des établissements publics de santé, les sénateurs ont maintenu, pour les centres hospitaliers, la nomination des chefs de service par décision conjointe du directeur d'établissement et du président de la commission médicale d'établissement (CME), après avis du chef de pôle. Dans les CHU, les chefs de service sont nommés par décision conjointe du directeur d'établissement, du président de la CME et du directeur de composante ou d'unité de formation et de recherche médicale, pharmaceutique et odontologique, et après avis du chef de pôle. En cas de désaccord, la décision revient au directeur d'établissement. Les sénateurs ont conservé également l'article consacré à l'élaboration du projet médical. Ils ont précisé l'articulation entre le Samu et le service d'accès aux soins et renforcé l'implication des élus locaux au sein du conseil de surveillance des établissements publics de santé, en prévoyant notamment une présence du président du conseil régional ou de son représentant.

Enfin, les sénateurs ont rejeté l'article relatif à la lutte contre les abus en matière d'intérim médical, après l'adoption d'un amendement du gouvernement qui aurait conduit à une adoption conforme de l'article.  Le Sénat souhaite en effet que la discussion sur cet article se poursuive en CMP.

Référence : proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 8 décembre 2020 et par le Sénat le 18 février 2021).
 

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