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Hébergement - Le rapport Damon propose de décentraliser la prise en charge des sans-abri

En adoptant, en 2008, une déclaration écrite dont l'objectif affiché est de "mettre fin au sans-abrisme", le Parlement de Strasbourg a donné à la question de la prise en charge des personnes sans abri une dimension européenne. Cette tendance devrait d'ailleurs s'accentuer puisque, dès cette année, le sans-abrisme et l'exclusion du logement doivent devenir l'un des thèmes de travail du "Comité de la protection sociale" au sein de la Commission européenne, amenant ainsi chacun des Etats membres à produire un rapport sur le sujet. Suivront en 2010 - année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion - une conférence de consensus européenne puis, en 2011, le premier recensement harmonisé des sans-abri dans l'ensemble des Etats membres.
Dans ce contexte, Julien Damon - professeur à Sciences-Po et ancien directeur du département recherche et prospective de la Caisse nationale des allocations familiales - a remis, le 8 avril, à Christine Boutin le rapport sur "Les politiques de prise en charge des sans-abri dans l'Union européenne" qu'elle lui avait commandé le 5 février. Dans un domaine encore peu exploré, celui-ci s'efforce de dresser un tableau comparatif de la situation dans les 27 Etats membres. Il en ressort notamment deux éléments importants. Le premier concerne le degré d'avancement des Etats membres en matière de politique en faveur des sans-abri, qui présente une très grande hétérogénéité. A partir d'une batterie d'indicateurs - dont l'auteur reconnaît toutefois qu'ils devront être améliorés dans le cadre de la conférence de consensus européenne -, le rapport dresse ainsi un classement par points, allant de huit (Royaume-Uni et Irlande) à zéro (Grèce, Slovaquie, Roumanie...). Le second enseignement concerne ce que le rapport appelle "la singularisation du cas français". Bien placée en matière de politique de prise en charge, la France se caractérise néanmoins par un certain nombre de signes distinctifs : forte centralisation des politiques de prise en charge, moyens conséquents, offre importante, consensus élevé et faible criminalisation (contrairement à certains anciens pays de l'Est).
Le rapport formule également un certain nombre de propositions, au niveau français ou européen. Parmi celles de portée nationale figure notamment la suggestion d'"envisager la décentralisation de la politique de prise en charge des sans-abri". Ainsi, "sous l'impulsion de l'Etat et la responsabilité stratégique des régions, les départements pourraient planifier et agréer, quand les villes seraient responsables de l'offre et des résultats". Le rapport préconise aussi de rationaliser l'offre sur trois types d'hébergements en fonction de la situation des intéressés ou, encore, de faire systématiquement évaluer les services par les usagers. A l'échelle européenne, le rapport recommande l'établissement de standards minimaux de qualité de service, la création d'une agence européenne dédiée, l'organisation d'une conférence annuelle des capitales ou encore l'intégration d'une partie spécifique sur les sans-abri dans les rapports nationaux sur la protection sociale et l'inclusion sociale que doivent produire tous les Etats membres.

 

Jean-Noël Escudié / PCA