Communication - Le rapport Brucy sur France 3 invite les collectivités à financer... mais sans le dire
Anne Brucy - ancienne directrice du réseau France Bleu (1.500 salariés dans 43 stations locales) - a remis à Aurélie Filippetti, le 1er juillet, son rapport sur l'avenir de France 3. Ce document a été élaboré avec l'appui d'un comité de suivi regroupant six parlementaires, cinq représentants de France Télévision et trois personnalités qualifiées. Intitulé "France 3 : un avenir régional", il offre une description fouillée et argumentée des enjeux de la chaîne et propose un certain nombre d'orientations précises et de propositions concrètes.
Un "positionnement éditorial unique"
Le rapport valide notamment le "positionnement éditorial unique [de la chaîne] qui doit enfin être assumé, à travers une formule imagée mais sans ambiguïté : "France 3 sans les régions n'a pas de sens, les régions sans France 3 n'ont pas de force". Au-delà de ce positionnement, le rapport exclut également un recentrage exclusif des antennes régionales sur l'information, tout comme la mise en place de chaînes régionales autonomes (à l'image de Via Stella en Corse).
Mais le rapport ne passe pas pour autant sous silence les principales faiblesses de France 3 : audiences défaillantes, organisation peu rationnelle, manque de cohésion, qualité très variable de l'offre de programmes régionaux, difficulté d'articulation entre le national, le régional et le local...
Des implantations à repenser avec la nouvelle carte des territoires
Pour éviter "une marginalisation progressive de l'offre régionale" qui "aboutirait inexorablement" au déclin de France 3, le rapport Brucy formule une quinzaine de recommandations. Celles-ci passent notamment par une "véritable refondation de l'offre de proximité du service public", avec un renforcement de l'information régionale, mais aussi une remise à plat de l'organisation de la chaîne. Le rapport précise ainsi que "le réseau devra également repenser ses implantations et ses zones de diffusion, pour accompagner la nouvelle carte des territoires et adapter son offre à leur grande diversité. Cela suppose de revenir sur la division éditoriale artificielle en quatre pôles".
Quels moyens pour la refondation ?
Comme ne manque pas de le relever Anne Brucy, une réforme d'ampleur suppose des moyens financiers supplémentaires, même si des économies peuvent être espérées à terme. Or, il n'y a rien à attendre du côté de l'Etat, qui compte au contraire sur des économies de la part de France Télévision. Prudente, Anne Brucy se contente d'ailleurs de renvoyer au futur contrat d'objectifs et de moyens de France Télévision, qui doit entrer en vigueur à compter de 2015.
Curieusement, le rapport est quasi muet sur les financements des collectivités, qui jouent pourtant un rôle croissant. Plus précisément, il ne consacre aucun de ses quarante chapitres à la question. Il est vrai que cette dernière est quelque peu taboue depuis l'affaire de FR3 Pays de la Loire. A la suite d'un accord entre la chaîne locale et la région, qui laissait la porte ouverte à une immixtion de cette dernière dans les contenus éditoriaux, Aurélie Filippetti avait alors déclaré : "Je ne souhaite pas que les collectivités locales investissent dans les antennes de France 3 en région, pour des questions d'indépendance éditoriale" (voir notre article ci-contre du 22 février et du 18 octobre 2013).
Un rapport à lire entre les lignes
Le rapport Brucy évite donc soigneusement la question. Pourtant, en se plongeant dans le document, il apparaît vite que les collectivités demeurent très largement perçues comme des financeurs potentiels. Sur le projet de création de neuf chaînes de plein exercice (sur le modèle de Via Stella), le rapport évoque clairement la possibilité de financements régionaux, comme dans le cas de la chaîne corse (667.000 euros par an apportés par la collectivité). Ce projet de création de chaînes de plein exercice semble toutefois avoir du plomb dans l'aile, compte tenu de son coût.
Les financements locaux sont également évoqués - comme cela se fait déjà - pour la production de documentaires et la structuration de la filière des producteurs en régions. Même chose pour le financement des émissions en langues régionales où France Télévision - s'appuyant sur l'exemple de la Bretagne - envisage un financement 50/50 avec les régions. Il en va de même pour le lancement d'expérimentations d'offres de complément sur des canaux dédiés, avec à nouveau un partage de la dépense avec les collectivités. En d'autres termes, les collectivités ont tout intérêt à lire le rapport Brucy entre les lignes...