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Asile / Enfance - Le projet de fichier des mineurs non accompagnés a du mal à passer

Le projet de création d'un fichier biométrique centralisant les informations sur l'identification et la détermination de l'âge des mineurs non accompagnés (MNA) se heurte à des résistances croissantes. Très attendu par les départements confrontés à un nombre croissant de jeunes se présentant comme MNA, il devrait être mis en œuvre dès le mois de janvier 2019, après publication d'un décret en Conseil d'Etat en précisant le fonctionnement (voir notre article ci-dessous du 31 octobre 2018).

Pour les associations, "une finalité encore plus répressive que la loi"

Prévu par l'article 51 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, ce fichier biométrique devrait comprendre "les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers se déclarant mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille". Ce fichier national sera consultable par les préfectures, à la demande des conseils départementaux. Interrogée au Sénat il y a moins de deux mois, Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, avait alors rappelé que "la question de l'évaluation de la minorité est essentielle" et affirmé que ce fichier "fiabilisera les évaluations et permettra d'orienter de façon définitive les personnes qui se présenteront" (voir notre article ci-dessous du 31 octobre 2018).

Invitées à participer à une réunion au ministère de l'Intérieur sur le projet de décret relatif au fichier des MNA, quatre organisations ont adressé le 12 décembre une lettre au cabinet du ministre pour faire part de leur refus de participer à cette réunion. Il s'agit en l'occurrence de la Cimade, du Gisti, d'Infomie et de l'Unicef. Les quatre associations rappellent que "dès l'annonce de la création de ce fichier dans le cadre des débats sur la loi asile et immigration", elles se sont opposées "au principe même de cette disposition qui porte gravement atteinte à la vie privée de ces mineurs sans apporter la moindre amélioration de leurs conditions d'accueil et de protection". Les signataires estiment que "ce texte affiche une finalité encore plus répressive que la loi puisqu'il vise à permettre aux préfectures d'identifier et de localiser les jeunes déclarés majeurs par les conseils départementaux afin de préparer leur éloignement forcé". Ils considèrent donc "que ce décret ne peut être ni amendé ni amélioré" et que "le gouvernement doit renoncer à mettre en œuvre les dispositions sur le fichage des mineurs isolés". Sans pour autant proposer de réponses sur la question de la détermination de la minorité.

Le Défenseur des droits plaide pour une harmonisation des procédures d'évaluation

Dans un communiqué du 13 décembre, le Défenseur des droits demande lui aussi "l'abandon du projet de décret relatif à la mise en œuvre du fichier national biométrique des mineurs non accompagnés". Il a également adressé des courriers sur ce point aux ministres de l'Intérieur, de la Justice et des Solidarités et de la Santé.

Reprenant un avis du 11 octobre 2017 sur la question, il estime que ce dispositif "porte atteinte au respect de la vie privée et au droit à l'égalité des personnes se disant mineures et réclamant une protection au titre de l'enfance en danger". Pour le Défenseur des droits, "l'enregistrement des empreintes digitales et d'une photographie des jeunes se disant mineurs non accompagnés formalise le fait qu'ils sont considérés d'abord comme des étrangers fraudeurs plutôt que comme de potentiels enfants en danger". Le communiqué estime également que "l'efficacité du dispositif élaboré par le ministère de l'Intérieur pour lutter contre le phénomène de 'réévaluation' par les départements est incertaine", rien n'empêchant un département de procéder à une nouvelle évaluation sur un jeune reconnu comme MNA dans un autre département.

Le Défenseur des droits se veut toutefois plus constructif que les associations. Si le projet de fichier est abandonné, il propose de mettre en place, "en concertation avec les associations et la société civile, des procédures uniformisées d'évaluation de minorité et d'isolement respectueuses des droits et de l'intérêt supérieur de ces enfants conformément aux dispositions de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant". Sans préciser toutefois si les départements, pourtant les premiers concernés, seraient associés à cette concertation...

 

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