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Départements - A l'approche du congrès de l'ADF, les négociations continuent

Le congrès de l'Assemblée des départements de France se tiendra du 7 au 9 novembre à Rennes. Les présidents de département espèrent que d'ici là, les négociations en cours avec le gouvernement, notamment sur le financement des allocations individuelles de solidarité, auront avancé. Dominique Bussereau, le président de l'ADF, s'est entretenu le 16 octobre avec le chef de l'Etat, qui aurait pris à cette occasion un certain nombre d'"engagements".

"Notre congrès est dans quinze jours, il reste du temps !" Du temps… pour que le gouvernement mette sur la table des propositions acceptables et cohérentes avec les récents engagements du chef de l'Etat : Dominique Bussereau, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), restera ferme là-dessus. Il l'a redit ce 24 octobre en présentant à la presse les enjeux du 88e congrès de son association, qui se tiendra du 7 au 9 novembre en Ille-et-Vilaine, à Rennes. Pour l'heure, la venue d'aucun membre du gouvernement ne figure au programme de ce grand rendez-vous annuel des présidents de département. Et pour cause : "Si les négociations en cours aboutissent, tant Edouard Philippe que Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu seront les bienvenus, sinon…" Sinon, le congrès se déroulera bien sans eux, prévient Dominique Bussereau.
Pour Jean-Luc Chenut, le président du département breton, il faut que "ce congrès soit utile" et donc que celui-ci permette d'"acter des engagements fermes". "Notre précédent congrès, à Marseille, avait posé un certain nombre de problématiques : reste à charge sur les allocations individuelles de solidarité (AIS), mineurs non accompagnés (MNA), modalités de contractualisation avec l'Etat… Or un an plus tard, disons que le temps n'a rien arrangé à l'affaire… Il y a des déclarations d'intention, des perspectives, mais à ce stade, le compte n'y est pas", ajoute Jean-Luc Chenut.

Un remaniement, un rendez-vous… et des "engagements"

Il y a aussi quelques éléments nouveaux. Il y a eu fin septembre le vigoureux "appel de Marseille" et la constitution de "Territoires unis" (dont les statuts vont être bientôt déposé), bannière commune à l'Association des maires de France, l'ADF et Régions de France pour réclamer davantage de "libertés locales".
Mais depuis, le ton semble avoir un peu changé. Depuis en effet, il y a eu le remaniement. Comme d'autres représentants des collectivités, Dominique Bussereau porte un jugement positif sur la création de ce grand ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités, indiquant même en avoir lui-même soufflé l'idée au chef de l'Etat en juin dernier lors d'une visite présidentielle dans son département de Charente-Maritime. "Nous avons été entendus. Et Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu, nous les connaissons bien, ils ont par leur culture personnelle un intérêt pour les collectivités".
En outre, le jour même du remaniement, le 16 octobre, Emmanuel Macron entamait une série de rendez-vous avec des responsables de collectivités en recevant à l'Elysée Dominique Bussereau et Hervé Morin, le président de Régions de France. Ceci en présence d'Edouard Philippe, de Jacqueline Gourault et de Gérard Larcher, le président du Sénat. Un entretien dont le représentant de l'ADF était ressorti "plutôt satisfait".
Le chef de l'Etat aurait en effet ce jour-là pris plusieurs engagements touchant les départements. A la fois sur les AIS, les MNA, la réforme de la fiscalité locale, la contractualisation et les compétences.

Fiscalité, contractualisation, compétences : des ajustements en vue

S'agissant de la fiscalité locale, Emmanuel Macron envisagerait un texte de loi prêt en juin prochain, à l'issue d'un "travail collectif" associant les trois principales associations d'élus locaux durant le premier semestre 2019. A charge pour ces associations de parvenir à se mettre d'accord sur les transferts de ressources fiscales à envisager (en sachant que l'ADF ne veut pas entendre parler d'un transfert au bloc local des parts départementales de foncier bâti et de CVAE).
Concernant la contractualisation sur la maîtrise des dépenses, le président de la République aurait convenu de la nécessité de "retravailler le contenu de ce que l'on met dans le 1,2%", tel que le formule Dominique Bussereau. "Face, notamment, à la hausse de l'inflation et à la hausse des dépenses de RSA, il faut qu'on rediscute des modalités de cette contractualisation, sachant que les négociations avec les préfets s'engageront dès le printemps", insiste le président de l'ADF, qui a en outre demandé la "révision" de l'instruction de mars dernier relative à ces contrats.
Sur le volet compétences, l'ADF continue de demander un toilettage de la loi Notre et de ses décrets d'application afin de corriger toutes ces petites "imperfections". Des corrections "techniques" qui n'impliqueraient pas d'innombrables journées de débats mais simplifieraient sensiblement la vie locale... L'association a d'ailleurs fourni à l'exécutif "des tableaux" listant tous ces "points d'amélioration". Emmanuel Macron aurait exprimé son accord de principe pour de telles "évolutions pragmatiques".

AIS : le "compromis" de juin qui a capoté

Enfin, toujours selon les termes de Dominique Bussereau, le chef de l'Etat souhaiterait que l'on parvienne, "avant le congrès", à "des avancées fortes sur les AIS" et à "un accord sur la prise en charge financière des MNA". Avec des dispositions à inscrire dans le projet de loi de finances en cours d'examen à l'Assemblée et dans un futur projet de loi de finances rectificative.
Il semblerait pourtant que sur les AIS, la partie soit loin d'être gagnée. Pour l'heure, les négociations continuent. Ce fut d'ailleurs l'un des points à l'ordre du jour du rendez-vous que Dominique Bussereau venait d'avoir ce 24 octobre au matin avec la ministre Jacqueline Gourault.
L'ADF reste sur les propositions qu'elle avait formulées au printemps dernier. Et qui avaient fini par donner lieu à un "compromis" avec le gouvernement. Ce compromis se serait traduit par le dispositif suivant : l'Etat aurait accordé aux départements une contribution annuelle de 200 millions d'euros pour renforcer la "péréquation verticale" (auxquels se seraient ajoutés les 50 millions de crédits existants du Fonds d'appui aux politiques d'insertion) et dans le même temps, les départements auraient mis en place une "péréquation horizontale" pour environ 350 millions d'euros, à condition que le plafond des DMTO soit relevé de 4,5% à 4,7%. Le Premier ministre avait donné son feu vert et les départements, qui espéraient initialement obtenir davantage, avaient "pris acte".
Sauf que l'on avait assisté fin juin à un petit coup de théâtre : Matignon avait indiqué par voie de presse qu'il faisait marche arrière. "L'ADF a dit non aux contrats, dont acte, il n'y aura pas de hausse des droits de mutation", avaient indiqué les services du Premier ministre au quotidien Les Echos. Selon l'ADF, Edouard Philippe avait pourtant d'emblée précisé qu'il ne comptait pas lier les deux dossiers (l'accord sur les AIS et le fait qu'une majorité de départements acceptent ou pas de signer avec l'Etat un contrat sur la maîtrise de leurs dépenses). Il avait d'ailleurs ensuite précisé que le "retrait" du gouvernement était simplement lié au fait que la "proposition" ne "convenait pas" aux départements (voir ci-dessous nos articles de juin dernier). Selon l'ADF, l'explication serait plutôt à chercher du côté de Bercy qui aurait notamment freiné l'idée d'une augmentation du taux des DMTO.

MNA : près de 40% de jeunes de plus cette année

En tout cas, résultat, les négociations sont peu ou prou revenues à la case départ. Peu de temps avant sa démission, Gérard Collomb aurait ainsi proposé une contribution annuelle de 100 millions d'euros (au lieu des 200 millions actés en juin). "Et aujourd'hui, c'est sur cette base de 100 millions que l'on nous dit que l'on va tenter de faire un peu mieux, on est donc loin du compte", explique-t-on à l'ADF.
Les "quinze jours" restant avant le congrès de Rennes ne seront donc sans doute pas de trop. D'autant moins que sur le dossier des MNA aussi, le nombre de jeunes pris en charge par l'aide sociale à l'enfance des départements s'emballe et les négociations sont là aussi encore en cours. "Sur les 3.100 jeunes pris en charge par l'ASE de mon département, 550 sont des MNA. Pour nous cela représente un budget de 21 millions d'euros, dont 1 million seulement apporté par l'Etat", témoigne Jean-Luc Chenut. "L'an dernier, on comptait 25.000 mineurs non accompagnés, à la fin de cette année, ils seront sans doute 40.000. Nous attendons a minima que la part du coût pris en charge par l'Etat soit la même que l'an dernier pour l'ensemble de ces 40.000 jeunes", résume Dominique Bussereau.