Le plan Logement d'abord 2 se précise, sur fond de production "notoirement insuffisante"
Le ministre Olivier Klein, qui participait le 1er février à la journée de la fondation Abbé-Pierre sur le mal-logement, a évoqué les priorités du deuxième plan Logement d'abord (2023-2027), jugé essentiel pour sortir un maximum de personnes de la rue ou de l'hébergement d'urgence. Il est aussi revenu sur la trop faible production de logements sociaux, enjoignant les maires à redevenir bâtisseurs.
Le premier plan Logement d'abord (2018-2022) "allait dans le bon sens", a permis de faire évoluer les choses et représente "la bonne façon d'aborder le problème du sans-abrisme". On n'est toutefois pas encore allés suffisamment loin et il faut donc aujourd'hui "monter en puissance". Et "encourager les collectivités qui se mobilisent". Ce verdict nuancé est celui de Christophe Robert, le délégué général de la fondation Abbé-Pierre, qui s'exprimait le 1er février à Paris lors de la journée consacrée à la présentation du 28e rapport sur le mal-logement (sur le contenu de ce rapport, voir notre article du 31 janvier).
À ses côtés, Olivier Klein, le ministre délégué chargé du logement, ancien maire de Clichy-sous-Bois et ancien président de l'Anru. Pour qui ce plan est "un succès". Logement d'abord aurait permis à "440.000 personnes" de "sortir de l'hébergement d'urgence ou du sans-abrisme", grâce à l'attribution de logements sociaux ou très sociaux (doublement entre 2017 et 2022), au développement des pensions de famille et résidences sociales et à la mobilisation du parc privé via l’intermédiation locative. Grâce, aussi, aux 45 territoires qui ont été partie prenante, a souligné Olivier Klein, qui avait quelques heures plus tôt évoqué le sujet en conseil des ministres, où il avait mis en avant "un resserrement des liens entre les bailleurs sociaux et les associations du secteur social" et "un partenariat renforcé des services de l’État et des collectivités territoriales". "C'est avec ces mêmes collectivités et associations que nous lancerons le plan Logement d'abord 2", a-t-il indiqué à Christophe Robert, insistant sur l'utilité de "capitaliser" et "tirer les leçons" du premier plan.
Le ministre a listé "six priorités" pour le deuxième plan 2023- 2027 :
- "Créer et produire plus de logements adaptés et abordables". Il s'agit, développe la communication en conseil des ministres, de fixer "des objectifs ambitieux de mobilisation du parc privé à des fins sociales, de production de pensions de famille et de résidences sociales et de logements très sociaux, en lien avec les besoins des territoires".
- "Prévenir les ruptures", qu'il s'agisse par exemple des jeunes sortant de l'ASE ou de prévention des expulsions.
- "Accompagner". Le premier plan aurait péché sur ce point, a reconnu Olivier Klein. Le gouvernement évoque "une logique d’accompagnement pluridisciplinaire associant logement, emploi et santé pour les personnes sans domicile ou hébergées".
- Accompagner de façon renforcée les personnes logées à l'hôtel. Pour la seule nuit du 31 janvier au 1er février, 61.000 nuitées hôtelières ont été comptabilisées, a témoigné Olivier Klein, estimant que le recours à l'hôtel est "nécessaire" mais doit, donc, être mieux encadré.
- "Moderniser le 115 et les SIAO". Avec pour ambition de faire des services intégrés d’accueil et d’orientation "de véritables plateformes départementales de coordination des parcours". Un soutien accru aux "dispositifs de veille sociale, notamment les maraudes et les accueils de jour", est envisagé.
- Prendre en compte "la question du travail social, des travailleurs sociaux" – reconnaissance, salaire, formation…
Rappelant que 44 millions d'euros en faveur de la première année de ce deuxième plan ont été inscrits dans la loi de finances pour 2023, Olivier Klein a indiqué que les acteurs "travaillent encore dessus" mais qu'une présentation officielle aura lieu prochainement. En soulignant qu'il faut bien évidemment "en même temps" continuer à travailler sur l'hébergement d'urgence, pour lequel l'État "dépense 5,7 millions d'euros chaque soir".
Concernant l'hébergement d'urgence, pour Christophe Robert, "s'il y a autant de monde, c'est parce que cela compense les insuffisances d'autres politiques" (ASE, expulsions, problèmes psy…), parce que cet hébergement fait fonction d'"amortisseur". Si de surcroît "en aval, on n'a pas de solutions suffisantes", alors oui le nombre de personnes "va continuer à grossir", prévient-il.
Le ministre avait relevé que "plus de la moitié des personnes accueillies en hébergement d'urgence sont en situation irrégulière". "Cela fait combien de temps qu'on dit ça ? On en parle tout le temps et pourtant cela ne bouge pas", a réagi le délégué général, désignant cette fois les politiques de régularisation.
Le "choc de l'offre n'a pas eu lieu"
Olivier Klein était par ailleurs attendu sur la question de "la baisse de la production de logements". "On attendait un choc de l'offre, il n'a pas eu lieu", dit Christophe Robert, sachant qu'aujourd'hui, entre inflation et "enjeux de sobriété foncière", on a connu contexte plus favorable. D'où, selon lui, la nécessité de "flécher différemment les moyens pour aider les collectivités qui veulent produire plus à produire mieux" – mieux "écologiquement et socialement" parlant. "Construire, même dans une période de sobriété, on peut le faire", juge-t-il.
"Oui, aujourd'hui les chiffres sont notoirement insuffisants, il y a un déficit entre les permis de construire et la production" malgré les "efforts faits", admet le ministre, mentionnant 110.000 agréments (90.000 hors Anru). Et évoquant plusieurs leviers. Dont celui d'"aller plus loin dans la seconde vie du logement social", notamment par des exonérations après rénovation lourde. Plus globalement, il s'agit, "avec l'USH, dans le cadre du pacte de confiance, de définir ensemble des objectifs de production, de réhabilitation, ainsi que les différents leviers financiers et techniques". Le tout "dans un cadre complexe" marqué par la hausse du taux du livret A, la hausse des coûts de construction…
"On ne pourra rien faire sans les élus locaux", insiste l'ancien maire de Clichy-sous-Bois, disant avoir trop entendu l'adage "Maire bâtisseur, maire battu" et rappelant aux maires réticents que "si on ne construit pas, la population [communale] baisse". Pour leur "redonner l'envie", il pourrait s'agir de "réfléchir par exemple à une part de TVA restituée aux maires qui construisent". L'enjeu, insiste-t-il, est sérieux : "Oui, il y a un risque. Le logement peut être la bombe sociale de demain. Le logement social ne doit pas être un épouvantail. La loi SRU est une loi fondamentale (…) et doit être respectée partout et par tous."
Estimant qu'il "n'y a pas vraiment de discours sur le logement aujourd'hui", Christophe Robert espère que le CNR logement sera "l'occasion de réaffirmer qu'il s'agit d'une question centrale". Et de remettre en avant la dimension budgétaire, au-delà de l'apport d'Action logement. Regrettant que la loi de finances pour 2023 ait reconduit "la ponction RLS" (réduction de loyer de solidarité), il estime indispensable de "stopper la RLS à partir de l'année prochaine".
La proposition de loi durcissant les sanctions contre les squatteurs sobrement intitulée "proposition de loi visant à renforcer l'action des collectivités territoriales en matière de politique du logement", en discussion au Parlement, est "équilibrée", a défendu Olivier Klein devant la fondation Abbé-Pierre. "Elle sera équilibrée, parce que le pouvoir du juge est renforcé, parce que les délais entre l'assignation et les impayés seront rallongés ; elle sera équilibrée parce que nous aurons mis un certain nombre d'outils qui ne sont pas là aujourd'hui pour lutter contre les marchands de sommeil", juge le ministre, ajoutant : "Moi, je crois à l'équilibre entre les propriétaires et les locataires. Si aujourd'hui les propriétaires n'ont pas confiance et se retirent, (...) ce n'est pas dans l'intérêt de ceux qui cherchent un logement." Les sénateurs devaient achever ce jeudi 2 janvier l'examen de la proposition de loi du député Renaissance Guillaume Kasbarian, déjà adoptée à l'Assemblée (voir notre article du 5 décembre), qui prévoit de porter jusqu'à trois ans de prison les sanctions contre les squatteurs (Localtis y reviendra dans une prochaine édition). Ce texte, qui entend mieux protéger les propriétaires contre l'occupation illégale, suscite un fort rejet du monde associatif, qui craint une "criminalisation" du mal-logement. Dans la salle de la Maison de la Mutualité, des militants du collectif Droit au logement (DAL) ont déployé une banderole sur laquelle était écrit "Se loger n'est pas un crime". Christophe Robert s'est inquiété de "voir une proposition de loi de la majorité co-adoptée avec Les Républicains, avec des députés du Rassemblement national, qui criminalise les plus pauvres et les mal-logés, qui constitue la première loi Logement de ce nouveau Parlement". "Il faut absolument qu'il y ait un message hyper clair du gouvernement qui dise : ça n'est pas possible de s'attaquer aux pauvres", a-t-il réclamé. "Bien évidemment, cette loi, elle ne met pas un signal égal entre le squat et les personnes en impayés de loyer. Personne n'ira en prison parce qu'on est en impayés de loyer, bien évidemment !", a assuré Olivier Klein. "La priorité, c'est la prévention des expulsions locatives", a-t-il ajouté. |