Archives

Logement : l'Assemblée adopte la proposition anti-squat

L'Assemblée nationale a adopté vendredi 2 décembre la proposition de loi durcissant les sanctions contre les squatteurs et accélérant les procédures en cas de loyers impayés, malgré l'opposition de la gauche et d'associations inquiètes de voir les expulsions se multiplier.

Le texte, porté par les groupes Renaissance et Horizons (majorité présidentielle) et soutenu par la droite et le RN, a été voté en première lecture par 40 voix contre 13, et doit désormais être examiné par le Sénat (sans date programmée pour le moment), où il devrait faire l'objet de modifications.

Il triple les sanctions encourues par les squatteurs, jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende. Des sanctions alignées sur celles visant actuellement un "propriétaire qui change la serrure", a fait valoir Guillaume Kasbarian (Renaissance), selon lequel le texte doit permettre une meilleure protection des "petits propriétaires qui ne roulent pas sur l'or". Député d'Eure-et-Loir, Guillaume Kasbarian avait déjà fait voter en 2020 des dispositions contre les squats via un projet de loi, en partie censurées par le Conseil constitutionnel.

Un amendement adopté en séance entend établir une distinction plus nette entre l’occupation par une personne n’ayant jamais été titulaire d’un droit sur le logement (le squatteur) et le cas d’un locataire défaillant qui se maintiendrait dans les lieux au terme d’une procédure judiciaire.

La proposition de loi précise que le délit d'introduction dans le domicile concerne également les résidences secondaires, et étend la procédure d'expulsion express, sans recours à un juge, aux logements vacants, vides de meubles.

Un amendement a été adopté pour élargir au maire la faculté de constater l’occupation illicite constitutive d’un squat de domicile. Sachant que "les officiers de police judiciaire sont bien souvent insuffisamment nombreux pour pouvoir procéder au constat de manière réactive", le maire "peut également être habilité à procéder à ce constat", a expliqué son auteur.

Pour couvrir juridiquement tous les cas de figure, et plus seulement la "violation de domicile", la proposition de loi crée un délit d'occupation sans droit ni titre, incluant les locaux à usage économique.

Accélérer certaines expulsions

Les députés ont alourdi, par ailleurs, les sanctions pour les "marchands de sommeil" se faisant passer pour des propriétaires dans le but de louer un bien.

Dans son volet sur les loyers impayés, le texte accélère les procédures judiciaires dans les litiges locatifs, en intégrant notamment de manière systématique dans les contrats de bail une "clause de résiliation de plein droit". Activer cette clause permettrait à un propriétaire d'obtenir la résiliation du bail sans avoir à engager une action en justice, et de pouvoir ainsi obtenir plus rapidement une expulsion du locataire. Contrairement à ce qui était prévu dans sa version initiale, le texte prévoit que le juge pourra suspendre cette clause, à condition que le locataire le demande. Le Modem, soutenu par la gauche et le gouvernement sur ce point, souhaitait que le juge puisse se saisir d'office pour suspendre cette clause, sans demande venant du locataire, pour tenir compte des situations de fragilité. Mais l'amendement en ce sens a été rejeté.

L'Assemblée a également adopté un article visant à accélérer la procédure contentieuse des litiges locatifs, en réduisant notamment le délai minimal entre une assignation et la tenue d'une audience. Lors des travaux en commission, le rapporteur du texte a évalué la durée moyenne de l'ensemble des procédures - du premier impayé au départ des occupants - "entre 24 et 36 mois".

L'un des amendements adoptés prévoit la pérennisation du dispositif expérimental permettant de mobiliser, pour de l’occupation temporaire, des locaux vacants, notamment dans l’attente d’une prochaine opération d’urbanisme, d’une vente immobilière ou d’un changement d’affectation. Issue de la loi Elan, cette expérimentation était prévue jusqu'à fin 2023.

Un texte "équilibré" ?

La gauche s'est insurgée contre une loi "anti-locataires" et la "criminalisation de tous les mal-logés". De concert avec les associations, elle reproche notamment au texte de pouvoir mettre à la rue des locataires fragilisés par l'inflation et la hausse des factures énergétiques. "On parle énormément des squatteurs, mais la plupart des gens qui vont être impactés sont des gens qui sont entrés régulièrement dans un logement avec un bail et qui se retrouvent dans une procédure d'expulsion à cause d'impayés de loyers", a fustigé le député LFI William Martinet.

La cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot, a invité les promoteurs du texte à lire l'avis publié par la Défenseure des droits, Claire Hédon. Cette dernière estime que la réforme proposée ne "parvient pas à garantir un équilibre nécessaire entre les droits des occupants illicite et ceux des propriétaires". "Le renforcement de la pénalisation de l'occupation illicite, ou l'assouplissement des procédures d'expulsion en raison de loyers impayés, ne sont ni nécessaires, ni proportionnés", ajoute-t-elle.

Tout en apportant son soutien au texte, le gouvernement avait prudemment prôné un "équilibre". "L'assimilation entre un squatteur et un locataire mauvais payeur n'a pas lieu d'être", avait ainsi insisté le ministre du Logement, Olivier Klein. Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, avait lui aussi défendu le texte, tout en étant "un peu plus réservé" quant aux "difficultés constitutionnelles" de l'article qui étend la notion de domiciles à ceux vides de meubles.

Côté associations, Droit au logement (DAL) avait déployé des banderoles près de l'Assemblée - "Se loger n'est pas un crime" – et d'autres, à l'instar de la fondation Abbé-Pierre, avaient estimé qu'on "se trompe de cible" : "La France compte 4 millions de mal-logés, c'est la crise du logement qu'il faut venir combattre, pas ses victimes." La proposition de loi tend à "criminaliser les précaires", estime de son côté le syndicat des avocats de France. À l’opposé, la Fnaim avait salué le 14 novembre "une amorce de rééquilibrage des droits et devoirs entre locataires et propriétaires".

Référence : Proposition de loi visant à lutter efficacement contre le squat et à protéger la propriété immobilière