Environnement - Le médiateur de l'eau de plus en plus sollicité
D'année en année, le médiateur de l'eau enregistre davantage de saisines de la part des consommateurs en litige avec leur service d'eau. Selon son rapport annuel présenté le 18 juin, plus de 1.800 cas lui ont été soumis en 2014, soit 17% de plus qu'en 2013 et 586 dossiers ont été jugés recevables (+16%). Une hausse qui tient moins à une augmentation des litiges qu'au fait que le médiateur est mieux connu et donc plus facilement saisi, estime Marc Censi qui, après six ans à la tête de l'institution, s'apprête à passer la main.
Fuites sur les canalisations
Les motifs de saisine restent relativement constants d'une année sur l'autre. 39,5% des saisines ont concerné en 2014 des consommations "anormalement élevées menant à une contestation des volumes d'eau facturés" par un service d'eau à son abonné, a relevé la Médiation de l'eau. Viennent ensuite (28,5% des cas) les conditions d'application de la réglementation sur les surconsommations liées à des fuites d'eau sur les canalisations des abonnés, qui représentent "un volume croissant" des dossiers. L'article 2 de la loi de simplification du droit, dite loi Warsmann, du 17 mai 2011 - codifié à l'article L. 2224-12-4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) - permet en effet, sous conditions, le plafonnement de la facture d'eau lorsque l'abonné d'un service d'eau peut prouver qu'une surconsommation est due à une fuite après le compteur et qu'elle a été réparée. Alors que la facture d'eau annuelle moyenne est de 400 euros, le montant moyen des litiges liés aux fuites est d'environ 2.500 euros, a indiqué Marc Censi. Par ailleurs, 15% des litiges ont concerné des régularisations de facture, "par exemple quand le compteur n'a pas été relevé pendant un certain temps et qu'une facture intervient en l'absence de relevé sur une consommation qui est donc estimée", a-t-il poursuivi.
En revanche le médiateur n'est pas saisi pour des questions de coupures d'eau, une situation "d'urgence" à laquelle la médiation n'est pas adaptée, avec un temps moyen de durée de traitement des dossiers de 4 à 5 mois. Légalement, il ne peut pas non plus statuer sur des dossiers de contestation du prix de l'eau car celui-ci est fixé par l'assemblée délibérante de la collectivité en charge du service.
Besoin de pédagogie
Pour Marc Censi, le médiateur a avant tout vocation à "apaiser les litiges" et à faire œuvre de pédagogie. Dans 85,5% des cas sur lesquels il est intervenu en 2014, il a pu mettre fin aux désaccords entre le fournisseur et son client. Plus des deux tiers des propositions de règlement amiable ont été acceptées par les deux parties. Dans 18% des cas, la simple "information pédagogique" a permis de résoudre les litiges. "Un très grand nombre d'entre eux ne sont pas vraiment des litiges mais illustrent un manque de compréhension des abonnés qui ne sont pas forcément informés des arcanes de la réglementation", avance Marc Censi. "Les explications objectives fournies par un organisme indépendant du service de l'eau avec lequel le consommateur est en conflit, permettent alors de 'dépassionner les débats' et de renouer le dialogue", assure-t-il dans son rapport. Toutefois, moins de 15% des dossiers traités n'ont pu déboucher sur une solution amiable, les refus provenant dans les mêmes proportions du consommateur ou du service d'eau concerné.
Globalement, le médiateur pointe un manque d'information de la part des services d'eau envers leurs abonnés. Sur le plafonnement de la facture en cas de surconsommation supérieure au double de la consommation moyenne, il note des "explications trop floues ou générales de la part des services d'eau concernant les conditions requises". "Il est important que les services d'eau expliquent bien les conditions dans lesquelles l'abonné peut voir la loi Warsmann s'appliquer", et donc sa facture plafonnée, affirme Marc Censi et notamment que l'abonné sache qu'il doit "le plus rapidement possible faire intervenir un plombier professionnel" en cas de fuite.
Il recommande également la mise en place de "systèmes d'alerte plus systématiques" lorsqu'un service d'eau détecte une augmentation anormale de la consommation d'un abonné. Les services d'eau devraient aussi "donner des instructions plus détaillées aux abonnés pour auto-contrôler l'absence de fuites".
Contexte juridique favorable à la médiation
Le rôle de la médiation de l'eau devrait augmenter dans les prochaines années du fait de l'évolution de son contexte juridique, prédit Marc Censi. Tout d'abord, la loi Hamon sur la consommation du 17 mars 2014 oblige aujourd'hui les professionnels à mentionner à leurs abonnés dans leur contrat la possibilité de recourir à un médiateur. De plus, la France doit transposer par ordonnance d'ici le 9 juillet prochain la directive européenne du 21 mai 2013 concernant le règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, qui renforce la possibilité de recours à un médiateur pour régler des litiges.
Aujourd'hui, avec une petite équipe de quatre personnes, la médiation de l'eau est susceptible de traiter les litiges de 70% de la population française couverte par les gestionnaires des services d'eau et d'assainissement (opérateurs privés ou régies publiques) qui ont adhéré par convention. Fondée sous le statut d'association loi 1901 par des associations d'élus (Association des maires de France, Assemblée des communautés de France) et la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E), la médiation a été rejointe par la Fédération des distributeurs d'eau indépendants (FDEI) puis progressivement depuis 2012 par des opérateurs publics (entreprises publiques locales) et des collectivités en régie (métropoles, communautés d'agglomération, communautés de communes). Si son intervention est totalement gratuite pour le consommateur, elle s'est dotée cette année d'un barème pour ses prestations, alors qu'elle fonctionnait précédemment avec des subventions provenant des membres de l'association. Ses adhérents doivent désormais s'acquitter d'une cotisation annuelle proportionnelle au nombre d'abonnés du service et payer un coût de traitement par dossier. A l'avenir, son objectif est de couvrir tous les consommateurs, soit 38 millions de foyers.