Transport aérien - Le low-cost creuse les écarts entre aéroports régionaux
Comme l'année précédente, le trafic des aéroports français a augmenté de plus de 2% en 2014, selon les résultats annuels présentés le 12 février par l'Union des aéroports français (UAF). Une dynamique à relativiser au regard des 5% de croissance qu'affichent leurs concurrents européens. Derrière la confortable hausse du trafic international, qui profite essentiellement à Paris-Charles de Gaulle et à Paris-Orly, la situation est plus fragile et contrastée dans les autres. Ainsi, les aéroports civils d'intérêt national - écartés du champ de la décentralisation entamée il y a dix ans – de Bâle-Mulhouse (franco-suisse), de Bordeaux-Mérignac et de Nantes-Atlantique affichent une belle progression. De même, les plus petits et "décentralisés" corses (Figari, Bastia, Ajaccio et Calvi) progressent ou maintiennent la barre. Tout comme celui de Montpellier, dont l'éventuel transfert aux collectivités intéressées par son développement est évoqué dans le cadre du projet portant Nouvelle Organisation territoriale de la République (Notr), qui sera examiné en séance à l'Assemblée à partir du 17 février. Arguments mis en avant pour justifier un tel transfert : avec celui de Strasbourg, lui aussi resté dans le giron de l’État, l'aéroport de Montpellier dépasse certes le million de passagers mais Lille-Lesquin et surtout Beauvais, paradis du low-cost, font bien mieux tout en étant décentralisés. Par ailleurs, leur part de trafic à l'international est faible.
Des contrastes à bord
En revanche, les voyants sont au rouge dans deux aéroports bretons : Lorient, avec un quart de trafic en moins en 2014, et Dinard-Saint-Malo (-12,8%). Non loin, Rennes et Brest compensent en maintenant leur niveau de fréquentation. Le trafic plonge aussi à Deauville et Rodez. "A l'opposé, la croissance est insolite à Dole-Jura : +44% (115.000 passagers, soit plus qu'à Caen ou Poitiers, ndlr)", relève Jean-Michel Vernhes, président de l'UAF et directeur de l'aéroport de Toulouse-Blagnac. L'aéroport franc-comtois est sous le feu des projecteurs puisque la Cour des comptes, dans son dernier rapport annuel (tome II, troisième partie, chapitre IV, pages 401 à 435), pointe la concurrence et l'ombre qu'il fait à son voisin de Dijon, les deux ayant absorbé des aides publiques tout en étant situés à cinquante kilomètres de distance. "D'un aéroport à l'autre, en province, les écarts sont marqués. Et c'est la présence ou non d'une offre low-cost - laquelle pèse aujourd'hui sur un tiers du trafic aéroportuaire métropolitain, ce qui reste faible au niveau européen – qui les creuse", ajoute-il. Et Philippe Aliotti, délégué général de l'UAF, de poursuivre : "Il y a en région un fort mouvement de concentration. Ainsi, les aéroports de Nice, Lyon-Saint Exupéry, Marseille-Provence, Toulouse-Blagnac et Bâle-Mulhouse pèsent à eux cinq sur 60% du trafic en région. Plus largement, les dix plus grands aéroports de province représentent 80% du trafic, la centaine d'autres plus modestes assurant les 20% restants". Notons aussi qu'en outre-mer, le trafic se redresse, notamment à Nouméa (Nouvelle-Calédonie).
Mettre de l'ordre
Depuis que la Commission européenne a adopté en avril dernier de nouvelles règles sur les aides d’État aux compagnies locales, le couperet est tombé, sans sévérité, mais l'enjeu reste pour autant vif. La direction générale de l'Aviation civile (DGAC) soumettra bientôt à Bruxelles ses propositions. "Il y a de l'ordre à mettre pour que nos aéroports puissent pleinement se développer. Actuellement, cela est pensé de façon trop hiératique, sans forcément de justification sur le plan économique. Avec la réforme de décentralisation, les aéroports ont fait leur mue. Il reste aux collectivités concernées à engager une réflexion sur leur utilité, leur densité d'implantation et les investissements qu'elles veulent y réaliser", conclut Jean-Michel Vernhes.
Morgan Boëdec / Victoires Éditions
L'Assemblée nationale donne son feu vert à la privatisation des sociétés de gestion des aéroports de Nice et Lyon
Les députés ont voté jeudi 12 février au soir l'article 49 du projet de loi Macron pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques qui autorise le transfert au secteur privé de la majorité du capital des sociétés gérant les aéroports de la Côte d'Azur et de Lyon. Les infrastructures aéroportuaires et le foncier demeureront la propriété de l'Etat. Et celui-ci devra approuver chaque année les tarifs des redevances d'aéroport.
Face aux critiques de députés UMP, du Front de Gauche ou des députés du groupe socialiste (aile gauche, chevènementistes), qui ont échoué à faire supprimer l'article, Emmanuel Macron a affirmé qu'il ne s'agissait nullement pour le gouvernement de "brader des bijoux de famille" mais de mener une "gestion active de son portefeuille d'actions" pour participer au "désendettement du pays" et "réinvestir dans nos priorités", comme par exemple "sauver des entreprises" telles PSA Peugeot Citroën. Récusant toute comparaison avec "une vente forcée comme celle du port du Pirée" en Grèce mais aussi avec la privatisation des concessions d'autoroutes, le ministre de l'Economie a aussi rétorqué à des députés de droite et de gauche que ces privatisations ne se faisaient pas "sous pression de Bruxelles". Devant les inquiétudes de certains orateurs, qui ont mentionné notamment la compagnie Emirates qui souhaite créer de nouvelles liaisons, le ministre a assuré que "rien ne changera sur les ouvertures de lignes car la DGAC [direction générale de l'Aviation civile, ndlr] décidera toujours". La rapporteure thématique Clotilde Valter (PS), qui a vanté les garde-fous ajoutés en commission, a notamment plaidé qu'"une opération telle que celle de Toulouse ne pourra plus intervenir de la même façon car il y aura une intervention de la loi et du Parlement" préalable.
L'un des opposants les plus vigoureux, le maire UMP de Nice Christian Estrosi a accusé Emmanuel Macron de dire des "contre-vérités". Il a dénoncé entre autres "un fusil à un coup" et "une spoliation de collectivités sur le dos de contribuables locaux". "L’aéroport international de Nice, deuxième plate-forme aéroportuaire de France, n’a pas besoin (...) que l’on vende la majorité de son capital à des acteurs privés afin que ceux-ci y réalisent des investissements patrimoniaux, a affirmé l'élu. S’il est désormais le deuxième aéroport international de France, c’est parce que l’État et les collectivités territoriales ont toujours fait le nécessaire pour assurer son développement, mission que nous sommes en mesure de poursuivre". A l'inverse, l'UMP Hervé Mariton s'est montré sur le fond pour ces privatisations. Hostile à la privatisation "extrêmement grave" de la société de gestion des Aéroports de la Côte d'Azur, l'élu UDI des Alpes-Maritimes Rudy Salles a pour sa part martelé que "tous les maires et élus du département de droite comme de gauche ont voté contre". "Offrir à la gestion du privé un équipement public rentable, c'est offrir une rente au privé", a notamment protesté le socialiste Pascal Cherki.
Chacun des aéroports concernés par la privatisation est actuellement détenu à 60% par l'Etat, à 25% par les chambres de commerce et d'industrie et à 15% par les collectivités (5% pour le conseil régional, 5% par le conseil général et 5% par la métropole). Deuxième aéroport de France après Paris, Aéroports de la Côte d'Azur regroupe trois plateformes : Nice-Côte d'Azur pour l'international, Cannes Mandelieu et Golfe de Saint-Tropez. Aéroports de Lyon regroupe quant à lui deux plateformes : Lyon Saint-Exupéry, quatrième aéroport de France en nombre de passagers, et Lyon-Bron, troisième aéroport d'affaires du pays.
Anne Lenormand avec AFP