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Aménagement du territoire - Aéroport de Toulouse : la région oscille entre vigilance et colère

Les acteurs locaux oscillaient vendredi 5 décembre entre vigilance et colère après la cession contestée à un consortium chinois de près de la moitié de l'aéroport de Toulouse-Blagnac.
"L'Etat hypothèque l'avenir": Jean-Louis Chauzy, président du conseil économique social et environnemental de Midi-Pyrénées (Ceser) ne décolère pas depuis l'annonce, jeudi soir, de la cession de 49,99% de la société Aéroport Toulouse-Blagnac (ATB).
"La France vend ses parts à l'Etat chinois et donc au Parti communiste car ces sociétés sont détenues par l'Etat chinois. Le loup est dans la bergerie", affirme à l'AFP celui qui a pris depuis des mois la tête de la fronde anti-chinoise au nom du "patriotisme industriel européen".
Du côté de l'Association contre les nuisances aériennes, on parle de "catastrophe". "Les Chinois veulent doubler voire tripler le trafic (7,5 millions de passagers en 2013, ndlr). Ce n'est pas envisageable dans un aéroport qui est déjà le plus enclavé de France (...) on brade la santé des gens", a accusé Chantal Demander, sa présidente, en annonçant "des actions" à venir.
Vendredi, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, a une nouvelle fois souligné que l'Etat restait "propriétaire des pistes et des bâtiments".
"L'Etat régule toutes les lignes qui pourraient être ouvertes. Les collectivités locales gardent évidemment toute latitude sur le terrain et autres. C'est juste la société de gestion dont nous cédons une partie minoritaire. Les collectivités publiques restent majoritaires", a-t-il déclaré en marge d'un congrès, à Paris.
La vente d'ATB avait suscité une levée de boucliers mais les responsables locaux étaient vendredi résignés, au nom de la realpolitik, sans toutefois baisser la garde.
La cession de 49,99% d'ATB permet aux collectivités publiques de rester potentiellement majoritaires, avec 50,01%: 10,01% à l'Etat, 25% à la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse (CCIT) et 5% chacun à l'agglomération Toulouse métropole, au département de Haute-Garonne et à la région Midi-Pyrénées.
L'appel d'offres, lancé en juillet pour les 49,99% d'ATB, prévoyait de plus une option de vente pour les 10,01% restant des 60% que détient actuellement le public.
Cette option cristallisait l'opposition locale à la cession à des étrangers du quatrième aéroport de France, jugé stratégique.
Mais Emmanuel Macron a assuré que "le gouvernement n'avait pas aujourd'hui l'intention d'exercer" cette option.
"Nous resterons vigilants pour que l'Etat conserve les 10,01%", prévient le maire UMP de Toulouse, Jean-Luc Moudenc.

Pacte d'actionnaires régionaux

Le consortium chinois s'est de plus "montré ouvert à la possibilité de faire entrer des partenaires industriels à hauteur de 16% au capital de leur société", a indiqué M. Macron dans une interview au quotidien régional La Dépêche du Midi de vendredi.
"J'attends la traduction concrète de l'hypothèse avancée d'une cession de 16%, à un pool d'investisseurs régionaux par exemple", a averti Bernard Keller, le maire radical de gauche de Blagnac.
Alain Di Crescenzo, le président de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse (CCIT), voit lui aussi dans la possible cession de 16% "une opportunité pour réaliser un pacte local qui pourrait détenir la majorité d'ATB". "Nous sommes d'ores et déjà en contact avec des investisseurs", a-t-il ajouté.
Dès jeudi soir, le président de la région Midi-Pyrénées, Martin Malvy, s'était déclaré favorable à un tel "pacte d'actionnaires". "Nous pourrions nous réunir au tout début de la semaine prochaine" à ce sujet, avait-il dit.
Sans préjuger de l'émergence d'une telle force, le président socialiste du conseil général de Haute-Garonne Pierre Izard a souligné qu'il "restera extrêmement vigilant. Il fera tout pour consolider la minorité publique de blocage" des trois collectivités et de la CCI.
Au-delà de la méfiance de M. Izard, Jean-Louis Chauzy dénonce carrément un "marché de dupes". "Le protocole de vente prévoit un pacte d'actionnaires entre l'Etat et le concessionnaire qu'il a choisi", assure le président du Ceser, en écho à une source bancaire proche du dossier.
Le consortium retenu, baptisé Symbiose, a mis sur la table 308 millions d'euros. Il regroupe les chinois Shandong Hi-Speed Group (gestion d'infrastructures de transport), et Friedmann Pacific Asset Management, une société de gestion d'actifs de Hong Kong. Il bénéficie en outre de l'appui technique du canadien SNC-Lavalin (ingénierie et infrastructures).