Aménagement du territoire - Privatisation de l'aéroport de Toulouse : les collectivités seront consultées
L'affaire était rondement menée. Au cœur de l'été, l'Etat annonçait sa décision de céder ses parts dans l'aéroport de Toulouse-Blagnac : 49,9% dans un premier temps, avec une option de vente sur 10% supplémentaires. Après une première tentative avortée en 2011, l'idée était d'aller vite. Le choix du repreneur des 49,9% de l'Etat devait être connu avant le 17 novembre, mais l'annonce vient d'être reportée pour permettre la consultation des partenaires locaux. Ces derniers, actionnaires des 40% restants (25% pour la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse et 15% pour les collectivités territoriales : région Midi-Pyrénées, département de Haute-Garonne, communauté urbaine de Toulouse-Métropole), n'ont été informés des trois candidatures en lice que vendredi, alors que les dossiers avaient été envoyés fin octobre à l'Agence des participations de l'Etat (APE), chargée d'examiner les offres.
La décision de l'APE de reporter l'annonce officielle du repreneur fait suite à un courrier envoyé au Premier ministre par le président du conseil économique social et environnemental régional (Ceser), Jean-Louis Chauzy. "La lecture des documents réalisés par les trois candidats (...) va nécessiter une expertise longue et approfondie de toutes les clauses", souligne Jean-Louis Chauzy, dans un communiqué de vendredi 7 novembre.
Les trois candidatures retenues sont celles d'Aéroports de Paris (ADP), avec l'assureur Predica (Groupe Crédit Agricole) ; celle de Vinci en partenariat avec CDC Infrastructure et EDF Invest ; et celle d'un consortium composé du canadien SNC-Lavalin conjointe avec deux investisseurs chinois : FPI (Friedmann Pacific Investment) et du fonds d'investissement Shandong High Speed Group. Cette dernière est séduisante à plus d'un titre, mais c'est aussi celle qui fait grincer le plus de dents.
300 millions d'euros
Selon Le Monde daté du 11 novembre, "l'offre sino-canadienne, proche de 300 millions d'euros", serait supérieure à celle de ses deux concurrents. Au-delà du prix, le consortium a quelques cartes en main. SNC-Lavalin est loin d'être un inconnu. Spécialiste de l'aviation d'affaires, il est déjà gestionnaire de 16 aéroports de province et c'est lui qui vient de reprendre la gestion de celui de Dijon, après que la CCI de Côte-d'Or a été contrainte de se retirer (voir ci-contre notre article du 22 octobre 2014). Et c'est toujours SNC-Lavalin qui, en juin dernier, a décroché la concession de l'ancienne base militaire de Toulouse-Francazal, reconvertie dans le tourisme d'affaires (le groupe canadien en avait déjà la gestion depuis 2011) ! Or SNC-Lavalin y est associé avec l'aéroport de Toulouse-Blagnac et à la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse, deux des actionnaires de Toulouse-Blagnac…
Quant au partenaire chinois FPI, il est l'actionnaire principal de Calc (China Aircraft Leasing Company), qui détient près de 30% du marché chinois de la location d'avion et vient de signer un protocole d'accord pour l'achat de 100 moyen-courriers de la famille A320, d'une valeur de 10,2 milliards de dollars au prix catalogue !
Le consortium sino-canadien affiche enfin de grandes ambitions. Toujours selon Le Monde, "l'objectif serait de faire de la plateforme régionale un hub pour le trafic entre l'Europe et l'Asie, en détournant sur la Ville rose une part des 100 millions de Chinois qui voyagent chaque année".
"Faux nez des Chinois"
Mais le Ceser ne s'en laisse pas conter, qui invoque des critères stratégiques, sur fond de patriotisme économique, voire d'espionnage industriel, alors que Toulouse est le centre névralgique de l'aéronautique français. Selon Jean-Louis Chauzy, "Lavalin n'est que le faux nez des Chinois". Le Ceser ne saurait admettre qu'"un groupe chinois devienne propriétaire d'un aéroport aussi stratégique et rentable que celui de Toulouse-Blagnac (8 à 10 millions de bénéfices par an) où se situent les activités des leaders mondiaux de l'aéronautique que sont ATR et Airbus", estime-t-il, dans son communiqué.
Les élus s'étaient déjà mobilisés au mois d'octobre pour permettre à Airbus, qui utilise une des pistes de l'aéroport pour ses essais, ne soit pas lésé par une majoration des redevances. Ils ont obtenu gain de cause. Mi-octobre, ils s'étaient par ailleurs entretenus avec Régis Turrini, commissaire aux participations de l'Etat, pour lui demander que soit "pris en compte les intérêts économiques majeurs liés à l'aéroport, et les garanties apportées au personnel".
Avec 7,56 millions de passagers en 2013 l'aéroport de Toulouse-Blagnac est le quatrième aéroport régional de France.