Habitat - Le logement en Ile-de-France : plus confortable, plus cher et plus rare
La direction régionale de l'équipement, l'Institut d'aménagement et d'urbanisme (Iaurif) et l'Insee Ile-de-France publient l'édition 2009 de l'étude sur "Les conditions de logement en Ile-de-France". Les chiffres portent sur l'année 2006, c'est-à-dire avant la crise et les plans de relance. Mais cette étude récurrente, réalisée environ tous les quatre ans depuis 1973, n'en apporte pas moins des enseignements très riches sur une région qui concentre une grande part des difficultés en matière de logement.
Ainsi, entre 2002 (année de référence de la dernière étude) et 2006, la construction en Ile-de-France a atteint son niveau le plus bas des trente dernières années. Seules 31.000 résidences principales ont été achevées chaque année entre 2002 et 2006 (pour un parc total de 5,33 millions de logements, dont 4,89 millions de résidences principales), contre une moyenne annuelle de 47.000 au milieu des années 90 et de 71.000 à la fin des années 70. Le rythme de la construction en Ile-de-France est deux fois inférieur à celui enregistré au niveau national. L'étude n'explique pas vraiment les raisons de ce recul, mais estime qu'il "conduit à s'interroger sur l'efficacité des dispositifs fonciers, juridiques et financiers destinés à stimuler la construction de logements et à développer la production de logements, tant en location qu'en accession dans la région". Cet effondrement de la construction est d'autant plus pénalisant que la croissance de la population francilienne s'accélère depuis le début des années 2000.
Les conséquences d'une telle situation ne se sont pas fait attendre. L'offre insuffisante réduit le niveau de vacances de logements - qui atteint lui aussi son niveau le plus bas (5,7% du parc) - mais elle engendre surtout une explosion des prix. Entre 2002 et 2006, les acquisitions des Franciliens leur ont ainsi coûté 70% de plus (en euros constants) qu'entre 1993 et 1996. Le prix moyen d'acquisition d'un logement en Ile-de-France atteint près de 2.800 euros le m2, contre 1.700 euros en moyenne nationale (qui inclut l'impact des prix franciliens). Les loyers ont progressé moins vite (+11,6% entre 2002 et 2006), mais néanmoins plus rapidement qu'en France métropolitaine (+7,8%). Si les Franciliens continuent de privilégier la propriété - le taux de propriétaires est passé de 45,9% en 2002 à 48,4% en 2006 -, ils pâtissent de l'effondrement de l'accession aidée. Celle-ci ne concerne plus que 7% des accédants en 2006, contre 31% en 1992 et 59% en 1973. Le même phénomène s'observe en province, mais dans des proportions nettement moindre (25% en 2006 et 46% en 1992). Cette différence traduit toutefois, pour une part, les écarts dans les niveaux moyens de revenus entre Paris et la province. L'offre locative n'est pas mieux lotie, avec seulement 13.400 logements annuels produits entre 2002 et 2006. Facteur aggravant : les résultats sont plus mauvais encore pour le parc locatif social avec une moyenne annuelle de seulement 5.500 logements construits, contre 10 à 15.000 au cours des périodes antérieures.
Le logement représente ainsi une charge croissante pour les deux tiers de Franciliens qui, en 2006, remboursaient des annuités d'emprunt ou payaient un loyer. La charge liée au logement évolue beaucoup plus vite que les revenus : +1,5% par an pour les locataires entre 2002 et 2006, contre +0,9% pour les revenus de ces mêmes locataires. Conséquence : le taux d'effort s'accroît, même si les aides au logement (aides à la personne) permettent de le réduire. Le taux d'effort brut est ainsi de 21,8% pour les locataires du secteur HLM, ramené à 9,1% pour ceux qui bénéficient d'aides au logement. Ces taux sont respectivement de 39,7% et de 24,5% - un quart du revenu disponible - pour les locataires du secteur libre. En outre, si l'on tient compte des charges locatives, ces taux sont à majorer d'environ 8 points dans le parc HLM et de 5 points dans le secteur libre. Du côté des accédants, la hausse des prix se traduit par un allongement de la durée moyenne des prêts, passée de 15 à 18 ans entre 2002 et 2006 et par une hausse des mensualités : 1.030 euros par mois en moyenne pour un accédant en 2006, contre 830 euros en 2002.
Ces différents éléments pénalisent les ménages les plus modestes. Leurs difficultés en matière de logement sont encore aggravées par la forte régression du "parc social de fait", qui accueillait les ménages pauvres. Ces derniers se sont donc reportés sur le secteur libre - mais dans de mauvaises conditions (surpeuplement, logements dégradés...) - et sur le parc HLM, qui accueille désormais 38% de ménages pauvres, contre 32% en 1998.
Dans ce tableau plutôt sombre, les points positifs se font rares. On peut néanmoins en retenir deux. Le premier est qu'en dépit de ces difficultés, les Franciliens continuent d'accéder toujours plus nombreux à la propriété et ont bénéficié, de ce fait, d'une valorisation de leur patrimoine. Le second, qui se retrouve également au niveau national, est que les conditions de logement et la qualité des logements "se sont globalement améliorées en Ile-de-France".
Jean-Noël Escudié / PCA