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Habitat - Des logements plus nombreux, plus confortables et plus difficiles à payer

Comme chaque année, l'Insee publie son "Portrait social" de la France. L'édition 2008 propose une synthèse très complète sur le logement. Ayant choisi de s'inscrire dans la durée, les auteurs mettent en valeur les tendances de fond et tracent un bilan en demi-teinte. En termes quantitatifs, l'effort récent est incontestable. Après avoir progressé de façon régulière entre 1950 et 1973 - passant de 100.000 à 550.000 livraisons annuelles - la construction a ensuite reculé, avant de se stabiliser au début des années 1990 autour de 300.000 unités par an. Depuis 2004, la remontée est très nette, puisque le nombre de constructions neuves dépasse 400.000 en 2007. Autre point positif, l'amélioration continue du confort. Depuis 20 ans, la surface moyenne par personne a augmenté de 11 m2 dans l'habitat individuel et 6 m2 dans l'habitat collectif, pour atteindre respectivement 44 et 33 m2 par personne. Les améliorations en matière de confort semblent toutefois plafonner. Un peu plus de 350.000 logements - accueillant 1,3% des ménages - manquent de l'un des trois éléments de confort que constituent l'eau courante, une installation sanitaire ou des WC intérieurs. De plus, le surpeuplement ne diminue que très faiblement depuis le début des années 1990 et plus de 1,3 million de logements peuvent être considérés comme surpeuplés, dont 340.000 "de façon prononcée". La combinaison de ces différents éléments permet d'aboutir aux 520.000 à 530.000 logements qui, en France métropolitaine, répondraient aux critères de la loi Dalo.
Autre tendance de fond : la progression continue de la part des propriétaires, passée de 51% à 57% entre 1982 et 2006. Sur la période 2002-2006, environ 652.000 ménages sont devenus, chaque année, propriétaire d'un logement, dont 516.000 par achat à crédit. L'accès à la propriété reste toutefois fortement corrélé au niveau de revenus. L'achat du logement se révèle en effet de plus en plus coûteux, ce qui se traduit notamment par un allongement de la durée des emprunts. En 1996, 11,6% des emprunts affichaient une durée de moins de 10 ans et 28,1% une durée de 20 ans et plus. En 2006, ces proportions sont respectivement de 7,1% et 30,1%.


Double phénomène

De façon plus large, l'étude montre que le logement occupe une part croissante dans le revenu des ménages, quel que soit leur statut. La dépense courante de logement est ainsi passée de 17% du revenu disponible brut en 1984 à près de 26% en 2006. Au plan macroéconomique, la dépense de logement est passée, sur la même période, de 19% à 23% du PIB. Cette évolution est la résultante d'un double phénomène. D'une part, une hausse généralisée des prix à partir du début des années 2000, principalement pour les prix de l'immobilier, mais aussi, dans une moindre mesure, pour les loyers. D'autre part, une baisse du taux de couverture des aides - que l'élévation du niveau de vie ne suffit pas à expliquer -, notamment pour les ménages les plus modestes. Ces derniers restent toutefois nombreux à bénéficier de ces aides (près de 70% dans le secteur libre et plus de 80% dans le logement social), mais la part des locataires du logement social appartenant au premier quartile du niveau de vie et bénéficiant d'une aide au logement est passée de 85,1% des ménages concernés en 2002 à 80,7% en 2006. Conséquence de cet effet de ciseaux : en 2006, les dépenses brutes des ménages pour leur logement (hors aides éventuelles) étaient de plus de 10.000 euros pour les accédants à la propriété, de 7.300 euros pour les locataires du secteur libre et de 5.700 euros pour ceux du secteur social.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Vers des défaillances accrues ? 
Un chiffre de l'étude retient particulièrement l'attention, dans le contexte actuel de crise immobilière. Selon l'Insee, "de nombreux ménages ont rencontré des accidents de paiement en 2006". Plus précisément, dans les deux ans précédant l'enquête Logement de 2006, près de 1,8 million de locataires ont rencontré des difficultés pour acquitter leur loyer et 500.000 se sont trouvés en situation d'impayés. Du côté des propriétaires, 565.000 ménages propriétaires ou accédants ont connu des difficultés à payer leurs charges ou leurs remboursements d'emprunts et 70.000 se sont retrouvés en situation d'impayés. Dans un communiqué, l'Insee conteste en revanche les informations qui ont circulé sur une hausse de 30% du nombre de défaillances entre 2002 et 2006. S'il est vrai que le nombre de ménages déclarant avoir des difficultés à payer leur loyer est passé de 1,372 million en 2002 à 1,789 million en 2006, l'Institut indique que "l'accroissement du nombre d'impayés constaté entre les enquêtes Logement 2002 et 2006 n'est pas interprétable, le protocole de questionnement ayant été modifié d'une enquête à l'autre".