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Petite enfance - Le HCF prudent sur la réalisation de l'objectif de création de 200.000 places

Le Haut Conseil de la famille (HCF) publie un point sur l'évolution de l'accueil des enfants de moins de trois ans. Cette note s'appuie sur les éléments qui lui ont été présentés, lors de sa séance du 13 janvier dernier, par le ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale, la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) et le ministère de l'Education nationale. L'objectif fixé par le chef de l'Etat dans son discours sur la politique familiale (voir notre article ci-contre du 16 février 2009) et matérialisé dans la convention d'objectif et de gestion 2009-2012 signée avec la Cnaf est de créer 200.000 "solutions d'accueil" de la petite enfance, dont au moins 100.000 en accueil collectif.

Abondance de réformes

La note commence par passer en revue les actions mises en œuvre, depuis 2009, pour atteindre ces objectifs. Du côté de l'accueil collectif, elle retient les 330 millions d'euros d'autorisations de programme inscrits au budget de la Cnaf, la diversification de l'offre opérée à travers le dispositif "Espoir banlieue" et la création des jardins d'éveil, mais aussi les assouplissements apportés par le décret du 7 juin 2010 (voir nos articles ci-contre des 5 et 9 juin 2010). Du côte des solutions de garde individuelles, le HCF cite la valorisation du métier d'assistante maternelle (renforcement de la formation initiale, prime à l'installation, création d'un prêt à taux zéro pour l'aménagement du logement...), les aménagements réglementaires (et notamment le passage de 3 à 4 enfants pour l'agrément de base) et la création des maisons d'assistantes maternelles (voir notre article ci-contre du 4 novembre 2010). Le lancement d'un plan "Métiers de la petite enfance" est également porté au crédit de la démarche.
La note est en revanche plus prudente sur les éléments quantitatifs, même s'il est encore trop tôt pour se prononcer sur la faisabilité de l'objectif de 200.000 places supplémentaires à l'horizon 2012. Cette prudence s'impose d'autant plus que le HCF se cantonne aux résultats 2009, les seuls exhaustifs et finalisés à ce jour. Ainsi, en matière d'accueil collectif, la note recense 20.000 créations de places en 2009 : 12.500 nouvelles places physiques agréées par les services de PMI des départements et 7.500 places "optimisation" (issues d'une hausse de l'utilisation de places existantes, sur la base de 1.600 heures par place). Ces 20.000 places ont permis d'accueillir 46.000 enfants supplémentaires : 25.000 enfants sur les nouveaux agréments (places x 2) et 21.000 enfants sur les places optimisées (places x 2,6). Ce chiffre de 20.000 places est donc inférieur au chiffre théorique de 25.000 places par an (100.000 places collectives divisées par les quatre années de la COG), mais il concerne l'année de lancement du plan. En outre, ce chiffre de 20.000 places est susceptible d'un certain nombre de corrections. Ainsi, une bonne part des places créées en 2009 ont été lancées avant cette date, sachant qu'il faut en moyenne trois à quatre ans pour créer un établissement d'accueil de la petite enfance. En revanche, les coûts de fonctionnement supplémentaires de ces établissements s'imputent bien sur la COG 2008-2012.

Vases communicants entre les maternelles et les modes de garde

Du côté des modes de garde individuels, le HCF recense 21.200 enfants supplémentaires de moins de trois ans accueillis par des assistantes maternelles et un accroissement de l'effectif de ces dernières de 16.125 unités (+5%). Contrairement au cas de l'accueil collectif, la note se livre à une extrapolation sur l'exercice 2010. Pour l'an dernier, les résultats seraient ainsi de 20.275 enfants supplémentaires de moins de trois ans accueillis et de 14.505 assistantes maternelles supplémentaires (+3,8%). Ainsi que l'indique le HCF, "ces chiffres sont à examiner au regard de l'objectif de 100.000 enfants accueillis [...]". Si les projections sur 2010 se révèlent justes, le nombre de places créées à la moitié de la COG serait d'environ 41.500. Il resterait donc 58.500 places à créer sur les deux dernières années de la COG.
Le HCF s'est également penché sur l'accueil des enfants de moins de trois ans à l'école maternelle. La note rappelle que le "baby boom" des années 2000 a conduit à réorienter la politique de scolarisation précoce au bénéfice des enfants de trois à cinq ans. Le taux de scolarisation des enfants de deux ans connaît donc une baisse tendancielle depuis dix ans, passant de 35% en 2000 à 15,6% à la rentrée 2009. Le nombre d'enfants de moins de trois ans scolarisés a ainsi diminué de 130.000 sur la même période (dont -25.000 entre 2008 et 2009), ce qui pèse d'autant sur les modes de garde. Cette tendance globale à la baisse n'a cependant pas fait disparaître les écarts géographiques. Le taux de scolarisation des enfants de deux ans va ainsi de 32% dans le ressort de l'académie de Lille à 4% sur celle de Créteil et 1,5% sur celle de Paris. La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005 a par ailleurs prévu que "l'accueil des enfants de deux ans est étendu en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d'outre-mer". Il n'existe toutefois pas de bilan sur le respect de ces priorités. Conclusion de ces différentes évolutions : "Le ministère de l'Education nationale ne prévoit pas de retournement de la tendance à la diminution de la préscolarisation des enfants de moins de trois ans." 

Jean-Noël Escudié / PCA

Vous avez dit optimisation ?

Interrogés fin janvier par la presse sur la nature des 7.500 places correspondant à "l'optimisation de places existantes" en accueil collectif – places qui viennent s'ajouter, donc, aux 12.500 places réellement nouvelles -, les dirigeants de la Cnaf ont rappelé qu'une place de crèche étant occupée en moyenne 1.300 heures (et seulement 600 heures si l'on inclut les haltes-garderies), alors qu'une occupation à "temps plein" est établie à 1.600 heures, une place peut bien "accueillir plusieurs enfants". Certes, reconnaît le président de la Cnaf, Jean-Louis Deroussen, "il est vrai qu'on ne pourra pas continuer à optimiser indéfiniment". En toute logique, la part des places nouvelles devra donc s'accroître si l'on veut poursuivre le rythme permettant d'atteindre les objectifs fixés par la COG. "Mais ce moment-là n'est pas arrivé, il y a encore une marge", nuance le président. La Cnaf relève d'ailleurs qu'elle dispose d'un "instrument d'incitation" financière pour que les collectivités augmentent le taux d'occupation des crèches – instrument qui n'est autre que le contrat enfance jeunesse… Et qu'elle "suit aujourd'hui beaucoup mieux les heures consommées, dans le cadre du Fnas" (fonds national d'action sociale). On saura également que la caisse a lancé une étude visant à "mieux comprendre les disparités entre structures en termes de taux d'occupation", enquête qui sera reconduite tous les ans. Parallèlement, une enquête devrait être menée à la rentrée prochaine auprès des usagers afin de mesurer leur satisfaction par rapport aux solutions proposées en termes, notamment, de temps d'accueil – et d'estimer ainsi la part éventuelle de "contraintes imposées par les gestionnaires".
S'agissant de l'offre en ZUS liée au plan Espoir Banlieues, Jean-Louis Deroussen rappelle qu'il s'agit d'une offre devant répondre à des contraintes spécifiques telles que la situation des familles monoparentales et/ou les horaires de travail atypiques des parents. "Cela a mis du temps à se mettre en place", constate-t-il. Résultat : "Il est encore trop tôt pour faire un bilan précis."
Pas de "chiffre fiable" non plus, selon la Cnaf, sur les regroupements d'assistantes maternelles. "Le chiffre qui circule, c'est entre 150 et 200", indique-t-on simplement. De même, six mois après la parution du décret initié par Nadine Morano, alors secrétaire d'Etat chargée de la famille, venant assouplir les normes régissant les modes d'accueil de la petite enfance (taux d'encadrement, accueil en surnombre…), quels effets en termes d'augmentation de l'offre ? "On a peu de recul. Mais pour le moment, nous n'avons pas de remontées témoignant d'un fort impact. Il faut dire que le décret est en partie venu traduire ce qui se pratiquait déjà", reconnaît-on.
Quant aux fameux jardins d'éveil, dont l'existence a été inscrite dans la COG à titre expérimental puis entérinée par ce même décret... là, les choses sont claires : à ce jour, seuls 13 jardins ont été "homologués", dont 10 ne sont qu'à l'état de projet... soit, en tout et pour tout, 3 jardins d'éveil ouverts ! Un jardin comptant en moyenne 24 places, le calcul est vite fait. "Ils n'ont pas répondu à la demande des collectivités, pour lesquelles il s'agissait de surcroît d'un positionnement de principe", commente une représentante de la Cnaf.

Claire Mallet

 

 

 

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