Emploi - Le Grenelle de l'insertion achève ses travaux
Le Grenelle de l'insertion, lancé en novembre dernier par Martin Hirsch à la demande du chef de l'Etat, approche de son dénouement. Après six mois de travaux, c'est en effet ce mardi 27 mai qu'a lieu la clôture de ce large processus de discussion et de négociation avec, à la clef, la présentation d'une "feuille de route" qui devrait au moins reprendre en partie les principales propositions ayant fait consensus et donner lieu à une série de décisions gouvernementales.
Cette clôture a été prévue dans la "salle des accords" du ministère du Travail, soit quarante ans jour pour jour après les accords de Grenelle. Pour tenir cette date hautement symbolique, les choses se sont d'ailleurs accélérées ces derniers jours. Vendredi 23 mai, les membres des trois groupes de travail du Grenelle se réunissaient une dernière fois pour finaliser et présenter leurs recommandations. Sur la base de cette journée de synthèse, la version de travail du "rapport général" diffusée vendredi a été amendée pendant le week-end. Ce mardi, le rapport général définitif doit être présenté par le sociologue Julien Damon et les présidents des groupes de travail. Suivra une intervention de François Fillon puis une ultime réunion à huis clos des parties prenantes sur la feuille de route.
Qu'en sortira-t-il précisément ? Des mesures immédiates et précises ou de simples pistes de réforme ? Difficile de le dire. "On est vraiment dans un processus de négociation. On ne peut donc préjuger du document final qui sera adopté", explique-t-on au cabinet du haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté.
Certaines lignes directrices émergent toutefois bien du rapport provisoire et des échanges de vendredi - et devraient donc figurer dans les propositions finales. En sachant d'emblée que par "insertion", on entendra presque exclusivement "insertion professionnelle", insertion par l'activité. Quelques participants l'ont d'ailleurs relevé : quid de la notion plus large de l'insertion sociale incluant d'autres dimensions telles que l'accès au logement ou l'accès aux soins ?
Le service public de l'emploi comme point d'entrée unique
L'une des idées centrales faisant consensus est de replacer les personnes en insertion dans le lot commun des demandeurs d'emploi. Martin Hirsch l'a lui-même réaffirmé vendredi : il faut "bâtir une politique d'insertion sur le droit commun et non sur des droits spécifiques qui, sous prétexte d'être protecteurs, sont relégateurs". "L'insertion ne doit pas être un statut, l'insertion est un parcours", rappelle également le rapport général. Cela doit se traduire, ont convenu les parties prenantes, par des mesures très concrètes telles que la suppression de toute mention du type de contrat sur le contrat de travail ou la fiche de paye des salariés en contrat aidé. Mais surtout, cela implique d'envisager un point d'entrée de droit commun pour toute personne en recherche d'emploi ou en situation d'insertion, quels que soient son statut et son âge. Ce point d'entrée serait le Service public de l'emploi, à savoir le nouvel opérateur unique issu de la fusion Anpe / Unedic, avec la désignation d'un référent unique. A charge pour lui, en fonction du profil et des besoins du demandeur, de déléguer tout ou partie de l'accompagnement à une collectivité territoriale, une association, etc. Cette perspective nécessiterait, souligne le rapport, à la fois des moyens nouveaux pour le Service public de l'emploi et l'organisation de modes de coopération avec les autres acteurs de l'accompagnement, notamment les conseils généraux. Le dossier unique du demandeur d'emploi (Dude) deviendrait le support de suivi de chaque usager.
"Il y a un consensus là-dessus", souligne Nicole Maestracci, présidente de la Fnars (fédération d'associations de réinsertion), en notant que cela permettra par exemple à certains de bénéficier d'offres de formation professionnelle qui leur étaient jusqu'ici inaccessibles en raison de tel ou tel statut. D'autres, comme ATD-Quart monde, recommandent cependant une "certaine prudence" dans cette "avancée vers le droit commun" et souhaitent des expérimentations préalables.
Il a de surcroît été convenu que "les jeunes sont dans une situation particulière vis-à-vis de l'emploi, qui justifie une politique dédiée", tel que l'a exprimé Pierrette Catel au nom du Conseil national des missions locales. Mais aussi qu'il apparaît souhaitable de mettre en synergie voire de fusionner les différents réseaux d'information et d'orientation dédiés aux jeunes (missions locales et PAIO, réseau Jeunesse et sports, Onisep, Cio, réseau de prévention spécialisée...), "même si cela risque de bousculer", a indiqué Annie Thomas, vice-présidente de l'Unedic et co-présidente du Groupe B du Grenelle, consacré à "la mobilisation des employeurs".
Plus que deux types de contrats aidés
Autre axe fort des propositions formulées : celui d'une simplification des contrats aidés. Tout en assurant que "la continuité avec le dispositif existant est privilégiée", le rapport général recommande de ne retenir que deux régimes juridiques de contrats : "L'un dans le secteur marchand, sur la base de l'actuel Contrat initiative emploi (CIE), l'autre dans le secteur non marchand, sur la base du contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE)." Chacun de ces contrats serait construit "dans un cadre national souple" (qui fixerait notamment une durée hebdomadaire minimale et la durée totale du contrat), "laissant aux instances territoriales de programmation le choix de la modulation des paramètres en fonction des publics et des territoires".
Beaucoup d'autres thématiques et pistes de réforme ont été abordées : accès à la formation, rôle des structures d'insertion par l'activité économique, implication des entreprises et des employeurs publics, place des associations. A chaque niveau, l'un des engagements pris a porté sur "l'association des publics concernés à l'élaboration, au suivi et à l'évaluation des politiques d'insertion", a souligné vendredi Martin Hirsch. "Leur participation aux travaux du Grenelle a eu une influence sur nos réflexions, a été un ferment important", a-t-il ajouté. Et le haut commissaire de mettre par ailleurs l'accent sur le fait que nombre de propositions ne prennent sens qu'au regard d'autres chantiers de réformes en cours : le RSA (Revenu de solidarité active) bien sûr, mais aussi la réforme du service public de l'emploi, la réforme de la formation professionnelle, etc. Le rôle de ces propositions est donc aussi, a-t-il glissé, d'"aller briser les incohérences d'autres politiques".
Claire Mallet