Mutations économiques - Le gouvernement veut développer les pratiques de GPEC territoriale
Après la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) d'entreprise et de branche, le gouvernement compte bien développer la GPEC territoriale. Une circulaire transmise le 29 juin 2010 incite les préfets de région à constituer avant la fin de l'année 2010 un dispositif régional dédié à la coordination de la GPEC afin de "faciliter le développement de pratiques de GPEC et la mise en cohérence des actions de GPEC sectorielle et des opérations de GPEC territoriale". Objectifs : optimiser la sortie de crise et faire face à des évolutions structurelles de l'emploi accélérées par des restructurations industrielles qui touchent encore et durement nombre de bassins d'emploi.
La circulaire demande ainsi aux préfets de désigner d'ici juillet 2010 un référent chargé de l'avancement du dispositif, de mettre en place un dispositif de coordination s'appuyant sur des comités départementaux ou sur un ou plusieurs comités locaux de GPEC, d'identifier avant septembre 2010 les projets territoriaux existants ou en cours d'élaboration, en mettant en exergue les actions à destination des PME-PMI qui pourraient servir de base à la promotion d'une GPEC territoriale, et d'élaborer avant fin octobre 2010 un plan d'action décliné à l'échelle des bassins d'emploi et visant à accompagner en 2011 le plan d'action régional pour développer la GPEC.
"C'est une bonne chose de favoriser les dispositifs territoriaux, la gestion territoriale des emplois et des compétences. Le côté prévisionnel est plus évident quand on raisonne sur un territoire, explique Pierre Ferracci, PDG du groupe Alpha. Il y a des territoires à l'intérieur des régions extrêmement touchés. L'idée de mettre en oeuvre tous les acteurs de ces territoires est utile, mais c'est relativement compliqué." Car si la GPEC d'entreprise peut s'appuyer sur la stratégie de l'employeur, la GPEC territoriale implique davantage d'acteurs (collectivités territoriales, Etat, maisons de l'emploi, grandes entreprises, PME, TPE,…) avec des stratégies qui ne sont pas toujours clairement exprimées. "C'est à la fois indispensable et compliqué car il faut se servir de ce qui existe en matière de GPEC d'entreprise et de branche", ajoute Pierre Ferracci.
Trouver le bon acteur capable de fédérer tout le monde
La question de l'organisation et du pilotage de cette GPEC est délicate. La circulaire du gouvernement propose que le dispositif de coordination soit présidé par la Dirrecte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi), mais ouvert à l'ensemble des acteurs économiques et sociaux locaux : partenaires sociaux, collectivités territoriales, Pôle emploi, chambres consulaires, organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), etc.
Pour Pierre Ferracci, "il ne faut pas avoir une idée fixe de ce que doit être le pilote, il faut surtout trouver le bon acteur capable de fédérer tout le monde." Il cite en exemple le cas de la GPEC organisée dans le Sud-Alsace. Une démarche pilotée par la maison de l'emploi et de la formation du pays de la région mulhousienne. "Dans le nouveau cahier des charges des maisons de l'emploi, il y a un axe de travail dédié à l'animation d'une GPEC, explique Noëlle Baele, chargée de projets à la maison de l'emploi. On a essayé d'anticiper." Résultat : la mise en place d'une démarche, intitulée TransverS'AL, de gestion territoriale des ressources humaines pour sécuriser les parcours professionnels des actifs (demandeurs d'emploi et salariés) dans une logique d'anticipation des mutations économiques.
Soutenue par l'Etat et la région Alsace, TransverS'AL réunit les OPCA, le Fongecif, les chambres consulaires, les partenaires sociaux, certains réseaux d'entreprises et des branches professionnelles autour de quinze objectifs communs à atteindre dans le moyen et le long terme. Parmi les premières actions qui seront mises en oeuvre : la mise en ligne, dès septembre 2010, d'une application internet permettant à tout actif ou à toute entreprise de connaître les passerelles possibles (formations notamment) entre un métier de moins en moins demandé par les entreprises et un métier émergent, et de découvrir des parcours de transition réussis sous forme de vidéos.
"On a commencé par la filière textile qui nous avait sollicités, avec 15 métiers fragiles et 60 métiers porteurs, ensuite on va élargir la base des métiers", détaille Noëlle Baele. D'autres actions sont également prévues, comme la mise en place d'outils pour informer le réseau de l'emploi et de la formation, les entreprises et les actifs sur les dispositifs de formation mobilisables en fonction de leurs besoins et objectifs professionnels, l'analyse de transitions professionnelles réussies, la réalisation de diagnostics sectoriels et la mise en place d'un système de partage d'information visant à connaître les métiers en déclin et les métiers en développement dans le Sud-Alsace.
Reste que ce type de démarche demeure encore rare, même si le gouvernement a récemment fait état de 300 projets dans le domaine de la GPEC en 2009, touchant directement ou indirectement 80.000 bénéficiaires. Pour développer la GPEC, "il faut une culture de l'anticipation qui se développe sur les territoires et dans les branches : prévoir, c'est-à-dire regarder les difficultés mais aussi les choses positives, et ne pas avoir peur du dialogue social autour de ces prévisions, explique Pierre Ferracci. Et chez nous, cette culture est un peu défaillante".
Emilie Zapalski