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Le Conseil d'État encadre la procédure de transfert des demandeurs d'asile "dublinés"

Un demandeur d'asile peut-il être transféré contre son gré de la France vers un autre État membre de l'UE, en l'occurrence vers l'État "responsable", à savoir le premier dans lequel il a déposé une demande d'asile ? Et ce, même s'il craint que cet État ne le renvoie dans son pays d'origine ? Le Conseil d'État répond par l'affirmative.

Un arrêt du Conseil d'État apporte des précisions sur la procédure de transfert des "dublinés" (du nom du règlement Dublin III du 26 juin 2013). Ce mécanisme repose sur le principe selon lequel une demande d'asile présentée sur le territoire de l'Union est examinée par un seul de ses États membres, dit alors "responsable". Un des objectifs est de prévenir l'engorgement du dispositif d'asile par des demandes multiples introduites par une même personne. Le règlement Dublin III fixe également les conditions du transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa prise en charge par l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile (le plus souvent le pays d'entrée dans l'UE), mais aussi le transfert d'un tel demandeur en vue de sa reprise en charge, soit par l'État qui doit déterminer quel pays est responsable, soit par l'État responsable alors que sa demande est en cours d'examen, a été retirée ou a déjà été rejetée.

Un première demande déposée dans un autre État de l'UE...

L'affaire concerne M. A..., ressortissant afghan entré illégalement en France, qui contestait une décision par laquelle la préfète d'Ille-et-Vilaine avait prononcé son transfert auprès des autorités suédoises – après accord de ces dernières – pour l'examen de sa demande d'asile et l'avait assigné à résidence en attendant le transfert. Dans un premier temps, le tribunal administratif (TA) de Rennes a rejeté la demande de M. A... Mais la cour administrative d'appel (CAA) de Nantes a annulé le jugement du TA et enjoint la préfète d'Ille-et-Vilaine d'autoriser M. A... à déposer sa demande d'asile auprès de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale. Une décision qui a suscité un recours du ministère de l'Intérieur devant le Conseil d'État.

Dans son arrêt, le Conseil d'État rappelle que la consultation du fichier Eurodac a montré que M. A... avait bien sollicité précédemment l'asile auprès des autorités suédoises. Or, pour annuler la décision de la préfète d'Ille-et-Vilaine (et le jugement du TA de Rennes), la CAA de Nantes a jugé qu'il appartenait à la préfète de s'assurer auprès des autorités suédoises que l'intéressé ne courrait aucun risque de renvoi en Afghanistan.

... et des garanties de principe sur le traitement de la demande

Mais, dans son arrêt, le Conseil d'État estime qu'en annulant pour ce motif l'arrêté de transfert, la cour a commis une erreur de droit. En effet, "eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les États membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un État autre que la France, que cet État a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet État membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire".

En outre, la seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet État membre, l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet État de ses obligations.

Référence : Conseil d'État, 2e et 7e chambres réunies, arrêt n°447956 du 28 mai 2021 (mentionné aux tables du recueil Lebon)

 

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