Près des trois quarts des demandeurs d'asile vont être orientés en régions, pour soulager l'Île-de-France
Un nouvel arrêté, pris dans le cadre de "l'orientation régionale directive" prévue par la loi de septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, prévoit désormais l'orientation de 77% des demandeurs d'asile en régions, pour soulager l'Île-de-France qui accueille actuellement 46% d'entre eux. Ce même arrêté fixe aussi la capacité d'hébergement par région, selon les différents types de structures. Du fait notamment de cette concentration en Ile-de-France, un décret examiné ce 21 avril en Conseil des ministres donne par ailleurs au préfet de police de Paris de coordination en matière d'immigration et d'asile sur l'ensemble de la région. Un préfet délégué à l'immigration sera nommé.
Au début du mois de janvier, le ministère de l'Intérieur publiait le "Schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et d'intégration des réfugiés 2021-2023", aussitôt doublé d'un arrêté du 7 janvier fixant l'objectif du nombre de places d'hébergement au 31 décembre 2021 et la répartition des demandeurs d'asile entre les régions métropolitaines (voir notre article du 12 janvier 2021). Il s'agissait en l'occurrence de la répartition des demandeurs d'asile orientés, autrement dit de ceux orientés vers le premier pays d'accueil compétent en application du règlement "Dublin" pour statuer sur la demande d'asile. Deux régions étaient alors exemptées de l'accueil de ces "dublinés" : l'Île-de-France ("excédentaire") et les Hauts-de-France ("à la cible").
Un objectif de 119.978 places d'hébergement, réparties entre régions
Exactement trois mois plus tard, l'arrêté du 7 janvier est abrogé par un nouvel arrêté du 7 avril 2021. Comme son bref prédécesseur, celui-ci fixe à 111.978, au 31 décembre 2021, le nombre de places d'hébergement dédiées à l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés, ainsi que leur répartition par régions métropolitaines (hors Corse) et par type d'hébergement (Cada, Huda, Prahda...). Ce tableau (voir au bas de l'article) est strictement le même que celui figurant dans l'arrêté du 7 janvier dernier. Il prévoit notamment que l'Île-de-France, qui concentre 46% de la demande d'asile (voir aussi notre encadré ci-dessous), mais dispose actuellement de 19% des capacités d'hébergement dédiées aux demandeurs d'asile, devrait représenter environ 20% de l'hébergement à la fin de l'année 2021. Cette situation n'a pas seulement pour conséquence la surcharge de l'Île-de-France. Elle a aussi pour effet de priver les demandeurs d'asile de la possibilité d'être hébergés, ce qui explique pour partie les solutions précaires (squats, hôtels...) et les campements de fortune. Par exemple, si 93% des demandeurs d'asile bénéficient d'un hébergement en Bourgogne-Franche-Comté, ils ne sont que 30% dans ce cas en Île-de-France.
En termes de capacités d'accueil attendues au 31 décembre 2021, les régions suivantes sont Grand Est (13,5% du total), Auvergne-Rhône-Alpes (12,5%), Nouvelle-Aquitaine (8,5%), Occitanie (7,6%) et Paca (6,6%).
Un rééquilibrage territorial sur le flux de réfugiés
La nouveauté de l'arrêté du 7 avril réside en fait dans le tableau procédant à la répartition régionale des demandeurs d'asile. En pratique, il fixe le seuil au-delà duquel les demandeurs d'asile "excédentaires" seront orientés vers une autre région, afin de procéder à un rééquilibrage entre territoires. Contrairement à l'arrêté précédent, il n'est donc plus question de régions "excédentaires" ou "à la cible", dispensés de la répartition. Celle-ci concerne ainsi l'ensemble des régions métropolitaines (toujours hors Corse).
De façon logique, elle reflète – plus ou moins – les capacités cibles d'hébergement au 31 décembre 2021 évoquées plus haut. L'Île-de-France accueillerait ainsi un maximum de 23% des nouveaux demandeurs d'asile, à comparer aux 46% actuelle du "stock" de demandeurs. Trois régions se voient fixer un seuil autour de 10% : Auvergne-Rhône-Alpes (13%), Grand Est (11%) et Nouvelle-Aquitaine (9%). Viennent ensuite Occitanie et Pays de la Loire, toutes deux avec un seuil de 7%, ainsi que Paca (6%). Quatre régions se situent ensuite à 5% – Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Hauts-de-France et Normandie – tandis que Centre-Val de Loire ferme la marche à 6%.
Avec toutefois un bémol à ce dispositif : sa mise en œuvre devrait contribuer à réduire les tensions en Île-de-France mais elle ne fera pas disparaître la question des réfugiés "hors circuit", ni celle des déboutés du droit d'asile, qui devraient rester très largement concentrés en Île-de-France.
Référence : arrêté́ du 7 avril 2021 pris en application de l'article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des estrangers et du droit d'asile (Journal officiel du 16 avril 2021). |
Le Conseil des ministres a décidé ce mercredi 21 avril la création d'un poste de préfet délégué à l'immigration auprès du préfet de police de Paris, dont la mission consistera à coordonner la gestion des flux migratoires, particulièrement importants, en Ile-de-France. Pour donner corps à cette réforme au sein de la préfecture de police de Paris, le Conseil a examiné un décret du ministre de l'Intérieur, qui donne au préfet de police de Paris, Didier Lallement, une compétence d'animation et de coordination de cette thématique sur l'ensemble de la région francilienne. Et c'est ce même décret qui crée un préfet délégué à l'immigration qui sera placé à la tête d'une nouvelle délégation de l'immigration. Sa nomination devrait être annoncée en Conseil des ministres la semaine prochaine, la réforme devant entrer en vigueur dès 1er mai. La région Ile-de-France concentre, souligne la préfecture de police de Paris (PP), "50% des demandes d'asile nationales, 40% de l'activité nationale de primo-délivrance de titres de séjour, 30% de l'activité nationale de lutte contre l'immigration irrégulière". Elle traite 100.000 titres de séjour par an, et 50.000 usagers s'y rendent par mois. En 2020, sur près de 81.000 demandes d'asile déposées en France, 38.000 l'ont été en Ile-de-France. Plus particulièrement, les demandes d'asile selon le protocole de Dublin se sont élevées en 2020 à 26.112 en France, dont 13.672 en Ile-de-France. Un "pic historique" à près de 6.000 demandes avait été atteint en 2019 à Paris, souligne-t-on à la PP. Face à ce phénomène, explique-t-on à la préfecture de police, "le cadre administratif était dépassé" et il s'est avéré nécessaire de créer une coordination, avec un cadre commun pour tous les départements de la région. Concernant la lutte contre l'immigration irrégulière, "le sujet le plus sensible", on met l'accent sur le passage en centre de rétention, avant une reconduction à la frontière, pour lequel jusqu'en 2017, il y avait "une absence totale d'équité entre les départements" sur l'accès à ces centres. Pour y mettre fin, la direction générale de la police de la PP a créé, à titre expérimental, une cellule dédiée pour donner un cadre juridique constant en IDF, qui est donc amenée à perdurer avec la délégation à l'immigration. Avec la réforme, va disparaître cette direction générale de la police, qui partage son activité entre, d'une part la délivrance des cartes d'identité, passeports, permis de conduire, cartes grises, et d'autre part l'administration des étrangers (demandes d'asile, titres de séjour, accès à la nationalité, lutte contre l'immigration irrégulière...). Les compétences des préfets de département sont préservées et celles du préfet la région (logements, hébergement) également. Avec AFP |