Le Conseil d'État ordonne le rétablissement de l'enregistrement des demandes d'asile
Dans une ordonnance, le Conseil d'État enjoint au ministre de l'Intérieur de rétablir cet enregistrement en Île-de-France. Tout en reconnaissant le caractère légitime de mesures exceptionnelles dans le cadre de la pandémie de Covid-19, le Conseil d'État a rappelé que l'accueil des demandeurs d'asile figurait au nombre des missions qui devaient continuer à être assurées. Or les guichets uniques de la demande d'asile (Guda) des départements franciliens ont suspendu leur activité dès le mois de mars.
Dans une ordonnance de référé du 30 avril, le Conseil d'État "enjoint au ministre de l'Intérieur de rétablir en Île-de-France, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la présente ordonnance et dans les conditions sanitaires imposées par le Covid-19, l'enregistrement des demandes d'asile, en priorité de celles émanant des personnes présentant une vulnérabilité particulière, et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de rétablir dans cette mesure le fonctionnement de sa plateforme téléphonique".
Des difficultés matérielles bien réelles...
Les requérants – la Ligue des droits de l'Homme, diverses autres associations et des demandeurs d'asile – avaient d'abord saisi le tribunal administratif de Paris. Dans une ordonnance du 21 avril 2020, celui-ci avait enjoint au préfet de police et aux préfets des départements de la région Île-de-France de rétablir, dans un délai de cinq jours et jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire, le dispositif d'enregistrement des demandes d'asile suspendu à la fin du mois de mars. Mais le ministère de l'Intérieur – en charge de l'immigration et de l'asile – avait alors saisi le Conseil d'État, en faisant notamment valoir qu'imposer l'accueil à bref délai des demandeurs d'asile contrarie la stratégie de confinement mise en place par le gouvernement et celle de la sortie du confinement, mais aussi que l'urgence n'est pas constituée, dès lors que l'État a mis en œuvre des mesures concrètes qui offrent des garanties équivalentes à celles dont bénéficient les personnes dont la demande d'asile a été enregistrée. De son côté, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) faisait valoir qu'il assure la diffusion des informations nécessaires sur les prestations dont les demandeurs d'asile peuvent bénéficier dans l'attente de l'enregistrement de leur demande et que ses directions territoriales d'Île-de-France tiennent une permanence physique plusieurs jours par semaine.
... mais qui ne sont pas insurmontables
Tout en reconnaissant le caractère légitime de mesures exceptionnelles dans le cadre de la pandémie de Covid-19, le Conseil d'État a néanmoins rappelé que, par une circulaire du 16 mars 2020, le ministre de l'Intérieur avait indiqué aux préfets que l'accueil des demandeurs d'asile figurait au nombre des missions qui devaient continuer à être assurées. Or les guichets uniques de la demande d'asile (Guda) des départements franciliens ont suspendu leur activité dès le 17 mars, à l'exception de celui de Paris, qui a cessé de fonctionner le 27 mars (voir l'encadré de notre article ci-dessous du 25 mars 2020).
Le gouvernement avait alors ordonné la poursuite de l'enregistrement des demandes des personnes vulnérables, sous forme de permanences en préfectures, et annoncé un recensement par ces dernières, en lien avec les associations et les structures de premier accueil des demandeurs d'asile (Spada), des personnes qui manifesteraient l'intention de présenter une demande d'asile.
Mais "il résulte de l'instruction que ce dispositif, peu ou pas connu par les personnes intéressées, mais aussi par les associations qui leur viennent en aide, ne saurait constituer la continuation de l'enregistrement des demandes d'asile pour ces personnes". De la même façon, si les difficultés de trouver du personnel disponible pour faire fonctionner les Guda sont bien réelles, "il ne résulte cependant pas de l'instruction écrite, des débats en audience publique et des éléments complémentaires fournis par le ministre de l'intérieur à la suite du complément d'instruction ordonné par le juge des référés à l'issue de l'audience qu'il serait impossible de mobiliser un minimum d'agents, notamment pour traiter les demandes des personnes se trouvant dans une situation de vulnérabilité particulière".
Dans ces conditions, et malgré diverses mesures mises en œuvre par le ministère de l'Intérieur et l'Ofii (décalage des délais, attention portée à l'hébergement, distribution de chèques services...), "la carence de l'État à mettre en œuvre l'enregistrement des demandes d'asile, et en priorité celles émanant des personnes les plus vulnérables, qui peuvent être identifiées avec l'aide des associations, est de nature à justifier [...] qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de rétablir en Île-de-France l'enregistrement des demandes d'asile, en priorité des personnes vulnérables, en coordination, pour la prise de rendez-vous, avec l'Ofii".
Référence : Conseil d'État statuant au contentieux, décisions n°440250, 440253 du 30 avril 2020, Ligue des droits de l'Homme et autres. |