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La CEDH condamne - modérément - la France pour le traitement des demandeurs d'asile

La Cour européenne des droits de l'homme vient de condamner la France pour le "traitement dégradant" de trois demandeurs d'asile contraints de vivre dans la rue en 2013.

Dans un arrêt du 2 juillet 2020, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) condamne la France pour le cas de trois demandeurs d'asile "victimes d'un traitement dégradant témoignant d'un manque de respect pour leur dignité". La Cour estime en effet qu'il y a eu "violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme", qui interdit les traitements inhumains et dégradants.

En l'occurrence, les trois requérants – demandeurs d'asile jeunes mais majeurs respectivement afghan, iranien et russe – estimaient n'avoir pas pu bénéficier d'une prise en charge matérielle et financière prévue par le droit national et avoir, dès lors, été contraints de dormir dans la rue dans des conditions inhumaines et dégradantes pendant plusieurs mois. Deux d'entre eux n'ont ainsi perçu l'allocation temporaire d'attente (ATA) qu'après des délais de 185 et de 133 jours. De plus, avant de pouvoir faire enregistrer leur demande d'asile, tous trois ont été soumis à des délais pendant lesquels ils n'étaient pas en mesure de justifier de leur statut de demandeur d'asile (durant respectivement 95, 131 et 90 jours). Précision importante : les faits en question se déroulent en 2013, donc bien avant les graves perturbations de la demande d'asile engendrées par la crise sanitaire et le confinement.

Dans son arrêt, adopté à l'unanimité, la Cour estime que les autorités françaises "ont manqué à l'encontre des requérants à leurs obligations prévues par le droit interne". En conséquence, elle considère "qu'elles doivent être tenues pour responsables des conditions dans lesquelles ils se sont trouvés pendant des mois, vivant dans la rue, sans ressources, sans accès à des sanitaires, ne disposant d'aucun moyen de subvenir à leurs besoins essentiels et dans l'angoisse permanente d'être attaqués et volés". Une situation assimilée à "un traitement dégradant témoignant d'un manque de respect pour leur dignité". La CEDH considère, dès lors, "que de telles conditions d'existence, combinées avec l'absence de réponse adéquate des autorités françaises qu'ils ont alertées à maintes reprises sur leur impossibilité de jouir en pratique de leurs droits et donc de pourvoir à leurs besoins essentiels, et le fait que les juridictions internes leur ont systématiquement opposé le manque de moyens dont disposaient les instances compétentes au regard de leurs conditions de jeunes majeurs isolés, en bonne santé et sans charge de famille, ont atteint le seuil de gravité requis par l'article 3 de la Convention".

Si la condamnation est sans appel – avec aussi 10.000 euros à verser à chacun des requérants – le jugement fait toutefois état de quelques circonstances atténuantes. Ainsi, la Cour "tient à souligner qu'elle est consciente de l'augmentation continue du nombre de demandeurs d'asile depuis 2007 et de la saturation du DNA [dispositif national d'accueil, ndlr] qui en est graduellement résulté". De même, la Cour "constate les efforts consentis par les autorités françaises pour créer des places d'hébergement supplémentaires et pour raccourcir les délais d'examen des demandes d'asile. Toutefois, ces circonstances n'excluent pas que la situation des demandeurs d'asile ait pu être telle qu'elle est susceptible de poser un problème sous l'angle de l'article 3 de la Convention".

Références : Cour européenne des droits de l'homme, 5e section, http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-203295http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-203295 sur requêtes n° 28820/13, 75547/13 et 13114/15, Affaire N.H. et autres c/ France.

 

 

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