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Personnes âgées - Le Conseil d'Etat assouplit les modalités d'intervention des praticiens libéraux en Ehpad

Le Conseil d'Etat a rendu, le 20 mars, une décision importante sur le décret du 30 décembre 2010 relatif à l'intervention des professionnels de santé exerçant à titre libéral dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, ainsi que sur l'arrêté du même jour fixant les modèles de contrats types (voir notre article ci-contre du 5 janvier 2011). Ces textes, qui encadrent fortement l'activité des professionnels de santé libéraux en Ehpad, avaient rapidement donné lieu à des tensions, notamment autour de l'obligation de signer avec l'établissement un contrat type imposant un certain nombre d'engagements (voir notre article ci-contre du 2 mars 2011). En l'occurrence, le conseil national de l'Ordre de médecins, le conseil national de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes et un syndicat de médecins avaient introduit des recours tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret et de l'arrêté du 30 décembre 2010.
Dans sa décision du 20 mars 2013, le Conseil d'Etat ne prononce pas d'annulation d'ensemble de ces deux textes, mais annule cependant plusieurs de leurs dispositions. La première annulation porte sur la présence d'un adverbe... Le décret du 30 décembre 2010 (article R.313-30-1 du Code de l'action sociale et des familles) prévoit en effet, dans sa rédaction initiale, que "ces contrats types fixent les engagements réciproques des signataires, concernant notamment les modalités d'intervention des professionnels dans l'établissement et de transmission d'informations relatives à cette intervention, les modalités de coordination des soins entre le professionnel de santé et le médecin coordonnateur de l'établissement ainsi que la formation de ce professionnel". Le décret renvoie à un arrêté pour fixer le contenu détaillé de ces différentes modalités. Dans sa décision, le Conseil d'Etat annule le mot "notamment", limitant ainsi strictement l'arrêté à la précision des dispositions limitativement énumérées dans le décret (ce qui devrait conduire à la réécriture de l'arrêté du 30 décembre 2010).
Le Conseil d'Etat annule également deux dispositions des contrats types fixés par l'arrêté du 30 décembre 2010, au motif qu'elles contreviennent au libre choix de son médecin par le patient. Est ainsi annulée la disposition de l'article 5 du contrat type prévoyant qu'"à compter de la date de signature du contrat, un délai de rétractation de deux mois calendaires est ouvert aux parties. Pour l'exercice de ce droit, la partie en prenant l'initiative respecte un délai de prévenance de sept jours calendaires qui ne peut pas avoir pour effet d'augmenter la durée du délai de rétractation". Ouvrir ce droit de rétraction à l'établissement revenait en effet à lui permettre de remettre en cause le libre choix de son praticien par le malade. Est également annulée la disposition de l'article 6 prévoyant qu'il pourra être mis fin à ce contrat à l'initiative de l'une ou l'autre des parties sous réserve du respect d'un préavis de deux mois. Le Conseil d'Etat juge en effet que cet alinéa "ne subordonne pas la résiliation du contrat par l'établissement au constat d'un manquement du praticien à ses obligations contractuelles ; qu'il permet ainsi à l'établissement de mettre fin au contrat, de sa propre initiative, sans que cette faculté soit entourée des garanties nécessaires au respect du principe de libre choix de son médecin par son malade".
Enfin, la décision du Conseil d'Etat donne une satisfaction morale aux requérants en annulant, dans la mesure correspondante, les décisions des ministres rejetant les recours gracieux formés contre ce décret et cet arrêté et la demande d'abrogation de cet arrêté.

Jean-Noël Escudié / PCA
 

Référence : décision n°345885 et autres du 20 mars 2013 du Conseil d'Etat statuant au contentieux (Journal officiel du 24 mars 2013).