Personnes âgées - La Cour de cassation limite l'intervention des infirmiers libéraux en Ehpad
Dans un arrêt du 15 mars 2012, la Cour de cassation a rendu une décision importante sur l'intervention des infirmiers libéraux en Ehpad. En l'espèce, Mme X - une infirmière libérale - intervenait régulièrement auprès de pensionnaires d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du Bas-Rhin. Dans le cadre de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médicosociale, cet établissement conclut une convention tripartite avec l'Etat et le département, prévoyant notamment l'embauche d'infirmiers salariés. La conséquence de cette évolution ne se fait pas attendre. Mme X perd sa clientèle et assigne l'association gestionnaire de la structure en vue d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, en réparation du préjudice ainsi causé.
Dans un jugement du 15 octobre 2010, la cour d'appel de Colmar donne raison à la plaignante. Le jugement s'appuie notamment sur l'attitude de l'association gestionnaire qui, au moment du recrutement des infirmiers salariés, a adressé un courrier à l'ensemble des résidents leur indiquant que, tout en conservant leur liberté de choix, "toute intervention d'un(e) infirmier(e) libéral(e) auprès des résidents de l'Ehpad [...] ne sera plus remboursée par la sécurité sociale et restera par conséquent à la charge du résident". Pour la cour d'appel, "cette présentation tronquée et erronée des conséquences de la nouvelle organisation sur les droits à prestation des patients avait conduit Mme X à la perte de la totalité de sa clientèle dans l'établissement, les résidents étant naturellement amenés à privilégier la formule qui pouvait leur paraître la plus intéressante financièrement".
Dans son arrêt du 15 mars 2012, la Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement et casse le jugement de la cour d'appel de Colmar, renvoyant l'affaire devant la cour d'appel de Metz "pour être fait droit". Sans entrer dans le débat sur l'assimilation ou non du courrier de l'établissement à une forme de pression sur les résidents, elle se fonde uniquement sur l'interprétation de l'article R.314-167 du code de l'action sociale et des familles relatif au forfait de soins dans les établissements pour personnes âgées. La Cour de cassation donne donc raison à l'établissement en observant que "le versement à l'établissement du forfait de soins excluait que les caisses primaires d'assurance maladie puissent prendre en charge en sus de ce forfait les soins prodigués par les praticiens libéraux intervenant à la demande des personnes hébergées".
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Cour de cassation, deuxième chambre civile, décision n°10-28058 de 15 mars 2012 (Journal officiel du 17 mai 2012).