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Personnes âgées - Tensions autour de l'intervention des médecins libéraux en Ehpad

Comme cela était prévisible (voir nos articles ci-contre du 5 janvier 2011 et du 12 juin 2009), le décret et l'arrêté du 30 décembre 2010 relatif à l'intervention des professionnels de santé exerçant à titre libéral au sein des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) - et la mise en place du contrat type qui en découle - suscitent des tensions.
Comme en 2009, le Conseil national de l'ordre des médecins émet de très sérieuses réserves sur la mesure, qui fait obligation, à compter du 1er avril 2011, à tout médecin ou masseur-kinésithérapeute libéral sollicité pour intervenir auprès d'une personne âgée en Ehpad de signer avec l'établissement un contrat type imposant un certain nombre d'engagements. Dès le début de l'année, le conseil national de l'Ordre a introduit un recours devant le Conseil d'Etat contre le décret du 30 décembre 2010. Tout en reconnaissant que le contenu du texte a été atténué par rapport aux premières esquisses en 2009 - qui avaient alors déjà suscité une vive réaction du conseil - il fait notamment valoir que ces dispositions "limitent voire suppriment le libre choix du patient au moment où il est admis en Ehpad". L'Ordre s'indigne notamment de la possibilité donnée au directeur de l'établissement "de résilier sans motif particulier le contrat d'un médecin intervenant, qui ne pourrait de ce fait plus donner ses soins aux patients qui l'ont désigné". Il estime "inadmissible que la résiliation par le directeur ne soit pas limitée à des situations très particulières, dans la mesure où elle va entraîner pour le patient l'impossibilité de se faire soigner par le praticien choisi".

Les établissements font profil bas

En attendant la décision du Conseil d'Etat, l'Ordre formule un certain nombre de recommandations à destination des médecins libéraux. Sans prôner ouvertement le refus de signature du contrat type, il constate néanmoins que "si les médecins ne le signent pas tout en poursuivant leurs soins aux résidents, ils envoient un signe fort aux pouvoirs publics". Pour ceux qui "hésitent à pénaliser les résidents si les établissements leur interdisent l'accès au domicile de leurs patients", l'Ordre conseille d'accompagner la signature du contrat de la mention "sous toute réserve" et de demander la communication du règlement intérieur de l'établissement, "afin de vérifier qu'il ne met pas en cause l'indépendance professionnelle". De même, il préconise de communiquer le contrat au conseil départemental de l'Ordre, afin que celui-ci s'assure de l'absence d'obligations supplémentaires par rapport au contrat type et vérifie que l'annexe sur la confidentialité des données a bien été communiquée au praticien et est bien conforme aux règles de la déontologie médicale. L'Ordre recommande également au praticien signataire d'adresser ou de remettre au directeur de l'établissement une mise au point listant un certain nombre de réserves explicites.
Face à cette levée de boucliers - dont il est toutefois difficile de mesurer l'impact réel sur le terrain -, les établissements préfèrent jouer profil bas. Saisie de nombreuses questions de ses adhérents, la Fédération hospitalière de France - qui regroupe plus de 80% des maisons de retraite et Ehpad publics - "recommande vivement aux établissements de ne pas 'se fâcher' avec les médecins et kiné libéraux à ce sujet, dans la mesure où il n'est pas envisageable que ces professionnels n'interviennent plus dans les établissements". Elle rappelle aux directeurs qu'ils sont tenus d'informer les professionnels libéraux et de les inviter à signer, mais que "vous ne pouvez rien faire s'ils refusent de le faire". La FHF va même plus loin en indiquant que "si le contexte local est défavorable (tous les médecins ou la majorité d'entre eux refusent de signer), compte tenu des enjeux, qui dépassent largement l'intervention de ces professionnels dans les Ehpad, nous vous recommandons de ne pas insister particulièrement et d'inviter ces professionnels à travailler avec vous sur des questions de qualité sans la signature de ce contrat". En revanche, si le contexte est favorable, "n'hésitez pas à signer". Dans une telle ambiance, nul doute que la décision du Conseil d'Etat sera lue avec attention.