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Etablissements médicosociaux - Le conseil de l'Ordre s'élève contre la remise en cause du libre choix du médecin dans les Ehpad

Après avoir évoqué le problème de façon officieuse, le conseil national de l'Ordre des médecins a choisi de hausser le ton en publiant un communiqué de presse. Celui-ci, qui vient d'être mis en ligne mais remonte au 28 mai, s'intitule "Maltraitance des personnes âgées et déontologie médicale". Ce titre volontairement provocateur vise le comportement de certains établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) qui remettraient en cause le libre choix de leur médecin traitant par les résidents. Pour fonder ses affirmations, l'Ordre s'appuie notamment sur les témoignages "de médecins objets de pressions" et sur l'évolution des contrats proposés par des Ehpad. Le conseil estime qu'"il n'est [...] pas acceptable que la déontologie médicale soit bafouée dans certains établissements". Plus précisément, il estime que les contraintes budgétaires et les règles tarifaires invoquées par les établissements concernés ne peuvent justifier un certain nombre de faits relevés par ses soins, comme :
- le refus par certains établissements de permettre aux résidents d'être suivis par leur médecin traitant,
- le refus par certains établissements de mettre en oeuvre les décisions thérapeutiques prises par les médecins traitants dans l'intérêt des résidents,
- l'accès sans l'autorisation du résident et sans justification médicale aux données de santé qui relèvent de l'intimité et de la vie privée des résidents.
L'Ordre rappelle que "le libre choix du médecin, le respect de l'indépendance professionnelle des médecins intervenant à titre libéral ou salarié et la protection du secret médical contribuent à la lutte contre la maltraitance", d'où le titre du communiqué. Celui-ci laisse d'ailleurs clairement entendre que l'Ordre est prêt à aller plus loin, puisqu'il demande à tous les médecins confrontés à de telles difficultés de les signaler à leur conseil départemental.
Derrière les termes quelques peu allusifs du communiqué, se cachent notamment la question des relations - souvent difficiles - entre le médecin coordinateur de l'établissement et les médecins libéraux, et la question des modalités d'intervention de ces derniers au sein de l'établissement. Ces questions se posent dans le cadre - plus général - de la tendance à la forfaitisation des dépenses de santé au sein des Ehpad, sur le modèle des établissements de soins. Celle-ci s'est notamment traduite par l'expérimentation - prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 - de la réintégration des médicaments dans les forfaits soins (voir nos articles ci-contre). Mais la mise en place des médecins coordonnateurs - prévue par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médicosociale et par le décret du 27 mai 2005 relatif à la qualification, aux missions et au mode de rémunération du médecin coordonnateur - aurait dû s'accompagner d'un décret fixant les modalités d'intervention des médecins traitants au sein des Ehpad. Or, ce texte n'est toujours pas publié. Valérie Létard, la secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, a néanmoins mis sur pied, en 2008, un groupe de travail chargé de faire des propositions sur les conventions entre médecins coordonnateurs et médecins libéraux. Intervenant, le 22 janvier dernier, lors du colloque sur la nouvelle gouvernance des établissements et services pour personnes âgées organisé par la Fédération nationale des associations de directeurs d'établissements et services pour personnes âgées (Fnadepa), le conseiller technique de Valérie Létard avait alors indiqué que le groupe de travail avait "bien avancé". Les propositions sur l'intervention des médecins traitants au sein des Ehpad et sur les modifications aux cahiers des charges de médecins libéraux étaient normalement attendues pour la fin du premier semestre. Le communiqué du conseil vient donc opportunément rappeler que l'Ordre n'entend pas laisser franchir certaines limites.

 

Jean-Noël Escudié / PCA