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Economie solidaire - Le Cese veut renforcer l'information sur le microcrédit

"Le microcrédit est une opportunité à exploiter dans un contexte économique et social très difficile." Dans un avis voté le 26 mai, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) s'intéresse surtout à l'aspect "professionnel" du microcrédit, c'est-à-dire la possibilité donnée à des personnes exclues des crédits bancaires classiques de lancer leur activité grâce à des prêts de faibles montants, sans demande de garantie. Or en période de crise et de chômage élevé, tout le monde s'accorde pour dire que le microcrédit peut être une chance. Le gouvernement a récemment lancé de nouvelles mesures pour le développer (un amendement gouvernemental a ainsi été ajouté au projet de loi sur le crédit à la consommation en mars dernier pour obliger les banques à communiquer sur leur activité de microcrédit). De fait, les demandes sont en pleine croissance : 13.000 microcrédits professionnels ont été distribués en 2008 par les associations pour un montant de 35 millions d'euros et 4.000 opérations de microcrédit personnel menées, selon le rapport de l'Inspection général des finances (IGF) publié en mars dernier. Au total, d'après le premier baromètre de la microfinance publié le 25 mai par l'Agence française pour le développement et la Caisse des Dépôts, les microcrédits extra-bancaires à destination des professionnels et des particuliers ont plus que triplé depuis 2006 pour atteindre 63 millions d'euros en 2009 dans l'Hexagone. Mais le chiffre reste toutefois très éloigné des 50,7 milliards d'euros placés dans les fonds investissements socialement responsables (ISR) et des 2,4 milliards d'euros dans la finance solidaire… Le microcrédit peut donc être encore développé. Gérard Labrune, le rapporteur du Cese, propose notamment d'améliorer l'information du public. Plutôt que de créer une nouvelle structure, il suggère d'étendre les missions de l'Agence pour la création d'entreprise (APCE) au microcrédit professionnel et à la microfinance en général et d'en faire une sorte de guichet unique. "L'APCE rassemblerait toute l'information utile aux demandeurs de microcrédit en faisant appel à des bénévoles ou à des professionnels de compétences diverses : banquiers mais aussi comptables, juristes, fiscalistes, assureurs, précise l'avis de Gérard Labrune, l'APCE devrait aussi jouer un rôle d'aiguillon pour faire connaître diverses actions de formation des bénéficiaires de microcrédits." Des actions de formation qui vont dans le sens d'un meilleur accompagnement, condition indispensable de succès du microcrédit, comme l'a récemment souligné Gérard Cazabet, enseignant-chercheur à l'Ecole des dirigeants et créateurs d'entreprise (EDC) en réaction à la volonté du gouvernement de généraliser ce mode de crédit. Ces actions pourraient être financées par les régions ou Pôle emploi. En contrepartie de son prêt, le bénéficiaire s'engagerait sous contrat à suivre sa formation comprenant "les éléments nécessaires à la réussite de son entreprise" : gestion, marketing, comptabilité, rudiments juridiques et fiscaux…

 

Stimuler l'action du secteur bancaire

Autre solution : mettre en place un outil complet centralisé pour disposer d'éléments quantitatifs et qualitatifs sur le microcrédit (liste des distributeurs, nature des accompagnants et modalités de leurs interventions, taux d'intérêt pratiqués, nombre d'emplois créés dans l'immédiat et après trois ans, typologie des bénéficiaires…) et mobiliser tous les acteurs institutionnels, dont les collectivités et les chambres consulaires, pour que "l'information soit diffusée le plus largement possible". "Il serait très utile que l'Observatoire de la microfinance conçoive puis réalise et diffuse très largement un document synthétique d'information sur le microcrédit", estime par ailleurs le Cese. Or, d'après le baromètre de la microfinance, le microcrédit reste méconnu d'une majorité de Français : 58% n'en ont jamais entendu parler, 7% seulement savent de quoi il s'agit. Le Cese estime aussi qu'il faut stimuler l'action des banques et propose qu'elles créent des structures spécialisées dans l'octroi de microcrédits. "Créer un lieu d'accueil spécial microcrédit dans les agences d'affaires n'est pas très compliqué, dédier des conseillers qui ne seront pas soumis aux sévères critiques habituelles et préalables à l'affectation d'un crédit, le risque est nanométrique pour les banques", a ainsi affirmé Gérard Labrune en présentant son projet d'avis mardi, en raison à la faiblesse des montants en cause : 50 millions d'euros comparés aux 1.757 milliards d'euros de crédits bancaires, avec , à la clé, un très faible taux de non remboursement dû à l'accompagnement renforcé. Reste à savoir si les banques accepteront cette mission. Pour préserver le consensus, Gérard Labrune a renoncé à taxer les établissements récalcitrants. Une taxation qu'il avait pourtant lui-même avancée…En revanche, il propose d'imposer aux banques de consacrer un pourcentage de leurs emplois au titre du livret de développement durable au financement de l'accompagnement du microcrédit. Selon lui, un seuil de 1% représenterait près de 700 millions d'euros.

 

Emilie Zapalski