Le 9e rapport sur la cohésion plaide pour une plus grande implication des collectivités

Au vu de défis et de trajectoires régionales contrastées – singulièrement en France –, la DG Regio plaide dans son 9e rapport sur la cohésion pour une politique de cohésion davantage adaptée aux besoins spécifiques des territoires, notamment en impliquant plus fortement les acteurs locaux. Elle préconise dans le même temps de renforcer ses liens avec les réformes devant être conduites par les États membres et de la focaliser davantage sur la performance et les résultats.

C’est dans l’air du temps et le 9e rapport sur la cohésion que vient de publier la DG Regio de la Commission européenne ne fait pas exception : la politique de cohésion doit à l’avenir s’inspirer de la méthode mise en œuvre dans le cadre du plan de relance. Une méthode fondée sur la performance et qui "favorise l’élaboration de politiques globales en incitant les États membres à concevoir un ensemble cohérent de réformes et d’investissements, avec des livrables, qui répondent à la fois aux priorités politiques de l’UE et aux défis spécifiques à chaque pays". Et donc avec une articulation renforcée avec le Semestre européen.

Points de départ, trajectoires et défis différents

Pour autant, la DG Regio souligne que les autorités locales et régionales, les parties prenantes et les partenaires sociaux ont dénoncé leur insuffisante implication dans ce dispositif, non seulement dans sa conception, mais aussi dans sa mise en œuvre et le suivi des mesures – avec le risque d’une recentralisation rampante déjà dénoncée. Or une approche "sur-mesure" lui semble d’autant plus indispensable que les régions ont non seulement des "points de départ différents, et des voies de développement différentes", mais aussi contrastés – singulièrement entre les régions métropolitaines et les autres. Si la DG Regio souligne que "trente ans après le lancement du marché unique européen et du renforcement de la politique de cohésion, et vingt ans après l’élargissement de 2004, la tendance à long terme est claire : de nombreuses régions d’Europe ont connu une convergence économique et sociale ascendante notable", elle concède que "des disparités subsistent" et, plus encore, qu’un "nombre croissant de régions risquent d’être confrontées à de nouveaux défis". Parmi lesquels le changement climatique, qui "exacerbe les inégalités régionales", mais aussi le "piège du développement" – déjà pointé précédemment et cette fois encore longuement évoqué –, auxquels sont singulièrement confrontées les régions "en transition".

Territorialiser la politique, impliquer les acteurs locaux

La DG Regio juge en conséquence qu’"une réflexion approfondie est nécessaire" à la fois "sur la meilleure façon d'adapter davantage la politique aux différents profils économiques et caractéristiques géographiques des régions pour cibler stratégiquement les investissements" et "sur la meilleure façon d'impliquer les autorités infranationales et d’autres parties prenantes concernées et de renforcer les mécanismes de gouvernance territoriale à plusieurs niveaux". 

S’agissant du premier point, le Fonds pour une transition juste pourrait servir de modèle, puisqu’il a selon la DG Regio "illustré comment le soutien peut être adapté aux besoins de développement spécifiques des territoires". S’agissant du second, la DG Regio partant du principe que "les gens sur le terrain connaissent mieux les besoins exacts de leur territoire", c’est le "développement local mené par la communauté" (l’approche du programme Leader) qui pourrait notamment servir de guide. Dans tous les cas, elle juge que "le rôle accru des partenaires locaux requiert d’améliorer leur capacité administrative", et estime que "le meilleur moyen d’y parvenir doit aussi faire partie du débat".

Une France qui perd pied…

Au-delà, le rapport semble dresser le portrait d’une France qui perd pied. Une France dans laquelle la plupart des régions (dans leur ancien périmètre) n’avaient toujours pas retrouvé en 2021 leur PIB/habitant de 2008 ; où la croissance de ce dernier fut inférieure cette année-là à celle de la moyenne de l’Union dans toutes les régions, sans exception ; dans laquelle seules deux régions – l’Île-de-France et Paca – disposaient cette même année d’un PIB/habitant supérieur à la moyenne européenne ou encore dans laquelle seuls Paris, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis, l’Essonne, l’Ille-et-Vilaine, le Rhône, la Haute-Garonne, le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, la Guadeloupe, la Martinique, Mayotte et la Réunion ont une probabilité de connaître une trajectoire de croissance plus élevée que la moyenne européenne.

… particulièrement menacée par le "piège du développement"…

Une France où plusieurs régions sont prises au "piège du développement" (46 au total dans l’UE) ou en passe d’y tomber (36). Ainsi de la Lorraine, de la Champagne-Ardenne, de la Haute-Normandie, de la Guadeloupe et de la Martinique, qui voient leur population en âge de travailler baisser et dont le niveau d’enseignement supérieur est à la traine. Ainsi encore du Nord-Pas-de-Calais, de la Picardie, de la Basse-Normandie, de la Bretagne, du Centre, de la Bourgogne, de la Franche-Comté, du Limousin et de la Réunion, qui connaissent un solde migratoire négatif chez les 15-39 ans. Logiquement, la DG Regio préconise, "tout en continuant de se concentrer principalement sur les régions les moins développées, d’accorder de l’attention aux dynamiques de développement et aux tendances de long terme, en s’attaquant aux problèmes avant qu’ils ne s’enracinent et en aidant ces régions".

… et aux fortes et croissantes "disparités internes"

Un pays où les "disparités internes" sont fortes et ont augmenté du fait d’une "croissance très faible dans les régions en transition", et d’une croissance du PIB/habitant "particulièrement faible dans les régions les plus pauvres". Comme d’autres États membres, la France a vu le revenu moyen des ménages stagner entre 2000 et 2020. Mais, elle, "fait exception" dans la mesure où ce dernier a connu "une croissance soutenue dans certaines régions et un déclin dans d’autres", les territoires côtiers sortant notamment un peu leur épingle du jeu. Sans doute grâce à un solde migratoire particulièrement positif sur la façade Atlantique (également marqué par une forte augmentation de la population âgée de plus de 65 ans, les deux n’étant sans doute pas sans lien), alors qu’il est au contraire fortement défavorable dans la moitié nord-est de la France qui perd ses forces vives.

La DG Regio souligne ainsi que l’écart entre la région capitale et les autres régions est particulièrement grand en France. C’est singulièrement le cas s’agissant de la part des diplômés de l’enseignement supérieur (55% de la population d’Île-de-France en 2022, contre 22% en Guyane, ou 24% à La Réunion ou en Guadeloupe) ou encore pour l’accueil des capitaux étrangers (avec le sud de la France).

La France, comme l’Allemagne, fait aussi partie des États membres où la proportion de la population confrontée à de "sévères privations matérielles et sociale" a crû le plus fortement, où la proportion de personnes n’ayant pas les moyens de se chauffer de manière idoine a le plus augmenté. Des disparités que l’on retrouve encore en matière de connexion haut débit : si la France se classe en tête au niveau national, plusieurs régions y ont des vitesses particulièrement faibles, note le rapport. Point positif, la vitesse a augmenté significativement, avec 80% de la population française désormais couverte. Et les augmentations les plus fortes ont été constatées dans les territoires ruraux — la capitale n’étant, dans ce domaine, pas la mieux lotie.

 

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