Le Comité des régions prêche-t-il dans le désert (rural) ?

Dans une déclaration solennelle adoptée en Espagne fin octobre, le bureau du Comité européen des régions appelle une énième fois les institutions européennes et nationales à mieux prendre en compte les territoires ruraux dans leurs politiques. Alors que les campagnes se vident, les signataires rappellent qu’il n’y aura pas de développement durable possible pour l’UE sans une ruralité forte et résiliente.

Dans une déclaration solennelle adoptée à Logroño (Espagne) le 31 octobre, le bureau du Comité européen des régions appelle une nouvelle fois les institutions européennes à prendre davantage en considération le monde rural. 

Hémorragie démographique

Les signataires y rappellent que les territoires ruraux sont confrontés à des "défis systémiques de long terme" — vieillissement de la population, fuite des cerveaux, baisse de la main d’œuvre, manque de services essentiels, déficits d’investissements… — qui, tous, ont un impact démographique négatif. Dans son dernier rapport annuel de l’UE sur l’état des régions et des villes publié le 9 octobre, le Comité européen des régions estime ainsi que 30 millions d’habitants auront quitté les territoires ruraux de l’Europe entre 1993 et 2033, soit "la population combinée de la Roumanie, de la Bulgarie et de la Lettonie". Et ce, sans compter l’impact du changement climatique et de la perte de la biodiversité qui se fait "plus visible" et demande un renforcement des mesures d’adaptation, "en étroite collaboration avec les autorités locales".

Point de salut sans la ruralité

S’ils relèvent çà et là certaines améliorations – comme la reconnaissance du rôle des régions en matière d’innovation dans le cadre du Nouvel agenda européen de l’innovation —, les signataires déplorent singulièrement l’absence d’objectifs et d’indicateurs relatifs à la mise en œuvre de la vision à long terme de la Commission pour les zones rurales de l’UE (v. notre article du 12 juillet 2021) dans les mécanismes de reporting existants. Aussi, pour convaincre, le bureau du CdR souligne que le développement durable de l’UE ne pourra être atteint sans des territoires ruraux "forts et résilients". Le rapport annuel 2023 du CdR observe que 70% des politiques de l’UE sont mises en place par des collectivités locales ou avertit encore que "105 des 169 cibles des objectifs de développement durable ne seront pas atteintes d’ici 2030 sans les régions et les villes de l’UE".

Une année européenne de l’Europe rurale ?

Pour mettre les zones rurales en lumière, les signataires proposent notamment de lancer une "année européenne de l’Europe rurale" et un "trophée des villages européens intelligents", calqué sans doute sur le programme des 100 villes "intelligentes et neutres" de l’UE (v. notre article du 28 avril 2022). Ils s’engagent par ailleurs à développer et promouvoir un "tableau de bord de la vulnérabilité régionale et locale", en partenariat avec le Centre commun de recherche de la Commission européenne, pour en faire un "outil crucial d’élaboration des politiques". Et ils réclament à nouveau aux autorités européennes, nationales et régionales d’adopter la démarche du "test rural" dans leurs stratégies et investissements. Ils réitèrent de même leur demande d’une approche multi-fonds pour les zones rurales, avec l’instauration d’une allocation minimale de fonds pour les territoires ruraux dans les programmes de la politique de cohésion ou d’intervention directe (comme Horizon Europe, le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe ou encore Europe créative), "tout en renforçant l’utilisation et les synergies de l’approche Leader".

Prêche dans le désert ?

Ce n’est pas la première fois, loin s’en faut, que le Comité européen des régions lance un tel appel. Il l’a notamment fait dans un avis du 26 janvier 2022 (v. notre article du 31 janvier 2022), plaidant pour un agenda rural européen qui peine à émerger (v. notre article du 14 juin 2022), mais qu’il continue de promouvoir, ou plus récemment encore dans sa "déclaration de Kiruna" (v. notre article du 5 mai 2023). Pour l’heure, lancé dans des territoires en voie de désertification, il peine à trouver de l’écho.