L’Alliance pour la cohésion s'inquiète d'une recentralisation des politiques européennes
À l’occasion du 8e forum pour la cohésion, les membres de l’Alliance pour la cohésion invitent les institutions de l’Union à renforcer effectivement la place des collectivités locales dans la gouvernance économique de l’UE ainsi que leurs capacités d’investissement. Une nécessité selon eux non seulement économique, mais aussi politique, alors qu’ils pointent un mécontentent croissant dans les territoires ruraux.
À l’occasion du 8e forum sur la cohésion qui s’est tenu ces 17 et 18 mars, l’Alliance pour la cohésion – créée en 2017 par le Comité européen des régions et qui rassemble quelque 12.000 signataires (collectivités, ONG, universités…) – a clairement mis l’Union européenne face à ses contradictions : "Le message fort [adressé par la Commission dans son 8e rapport pour la cohésion] pour renforcer la gouvernance multi-niveaux et le principe de partenariat arrive à point nommé et est rassurant. Cependant, cette reconnaissance est contredite par la récente tendance de l’Union à recentraliser la gestion de ses fonds et politiques à l’échelon des États membres (des plans stratégiques nationaux de la PAC aux plans nationaux de relance et de résilience, en passant par les futurs plans sociaux pour le climat)" (v. notre article du 26 janvier 2021). De même, l’Alliance souligne qu’alors que "l’avenir de la politique de cohésion va être étroitement lié aux discussions d’une possible réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE, il n’existe aucune reconnaissance du rôle du Semestre européen dans la mise en œuvre de politique de cohésion". Bref, si l’air joué par la Commission lui est agréable, c’est bien sur le parquet qu’elle entend juger des talents du danseur : "Il reste à voir comment le nouveau concept Ne pas nuire à la politique de cohésion, proposé par la commissaire européenne à la cohésion Elisa Ferreira, sera concrètement appliqué à l’ensemble des autres politiques de l’Union ayant une incidence sur le développement territorial et l’échelon local", insiste-t-elle.
Besoins économiques
Plus encore, les membres de l’Alliance entendent bien participer à l’écriture de la partition. "Les exécutifs des collectivités locales doivent être formellement associés à la gouvernance économique de l’Union et leurs capacités d’investissements doivent être renforcées", enjoignent-ils. Le "changement complet de paradigme" à l’œuvre concernant la dépense publique devrait leur permettre d’avancer leurs pions. Après "les exigences de limitation des investissements et dépenses des États membres qui ont prévalu après la crise économique de 2008-2009", il est aujourd’hui "généralement admis que pour réussir la relance et les transitions verte et numérique, l’Europe aura besoin d’investissements publics et privés massifs dans les prochaines années", relèvent les membres de l’Alliance. Et de vanter leurs états de service : au moment de la "contraction des investissements publics nationaux", c’est la politique de cohésion qui a "aidé à maintenir les investissements publics dans l’Union" (non sans relativiser ainsi l’argument du changement de paradigme). Non sans succès, estime l’Alliance, qui souligne que grâce à la politique de cohésion 2014-2020, "le nombre des personnes menacées de pauvreté et d’exclusion sociale a diminué de 17 millions entre 2012 et 2019", que "les disparités en matière de santé se réduisent" ou encore qu’ "en 2023, les projections économiques indiquent que le PIB par habitant sera supérieur de 2,6% dans les régions les moins développées".
Risque démocratique
Pour faire entendre leurs voix, les membres de l’Alliance ne font toutefois pas vibrer la seule corde économique. Comme d’autres, ils agitent le risque d’une sécession démocratique. Arguant cette fois du fait que la "part de la population vivant dans une région en décroissance devrait passer de 34 à 51% entre 2020 et 2040", ils relèvent qu’"un tel déclin économique à long terme alimente un mécontentement croissant", singulièrement dans les régions rurales "où les résidents sont davantage susceptibles de penser que leur voix ne compte pas et de se défier de l’UE" (lien parfois contesté – v. notre article du 4 février). "La politique de cohésion doit pouvoir apporter des solutions." L’Alliance pointe en particulier le rôle "crucial" que cette politique doit jouer dans le "renforcement des capacités administratives locales", rejoignant notamment ici un récent rapport de l’OCDE et la commissaire Ferreira (v. notre article du 2 mars).