Transports - L'Assemblée nationale adopte définitivement la réforme ferroviaire
L'Assemblée nationale a adopté définitivement lundi 21 juillet au soir, avant le Sénat ce mardi, le projet de loi sur la réforme ferroviaire. Le texte, issu d'un compromis entre députés et sénateurs, a été voté par les groupes de la majorité tout comme par l'UDI mais rejeté par le Front de gauche et l'UMP.
La réforme vise à mettre fin à la séparation actuelle entre Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF, qui se traduit par des surcoûts et des difficultés à coordonner les travaux ferroviaires. Elle crée un groupe public ferroviaire, qui sera constitué d'un établissement public de tête "mère" (la future SNCF) et de deux établissements "filles" : le gestionnaire d'infrastructure (SNCF Réseau) et l'exploitant (SNCF Mobilités). L'objectif est de stabiliser la dette du secteur ferroviaire (44 milliards d'euros) et de préparer l'ouverture à la concurrence du transport intérieur de passagers (en 2022 au plus tard).
Pour le secrétaire d'Etat aux Transports, Frédéric Cuvillier, "l'adoption de cette loi va envoyer un signal fort auprès de nos partenaires européens. Cette réforme en profondeur de la gouvernance prouve qu'il est possible de bâtir un système ferroviaire intégré tout en garantissant un accès transparent, équitable et non discriminatoire au réseau". Cet accès de tous les opérateurs au réseau relèvera de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires, qui devra émettre un avis conforme sur la fixation des péages et la tarification de l'accès aux infrastructures de service (gares, etc). "La réforme française va dans la bonne direction", a concédé récemment le commissaire aux Transports, Siim Kallas alors qu'il avait défendu contre Paris et Berlin une séparation entre le gestionnaire de réseau et l'opérateur historique.
Mais tel n'était pas l'avis de deux syndicats, SUD-Rail et la CGT-Cheminots, qui ont appelé à la grève le 10 juin pour réclamer la reprise de la dette de RFF par l'Etat et la création d'une entreprise publique unique. Cette grève, décidée contre l'avis de deux autres syndicats (CFDT et Unsa), a perturbé le trafic pendant près de deux semaines. La direction de la CGT, qui avait été associée à la rédaction du projet de loi selon le gouvernement, a été débordée par sa base. Au fil des jours cependant, la mobilisation, mal comprise dans l'opinion, s'est effritée et s'est achevée sans réel succès. Pour apaiser les craintes des salariés, plusieurs amendements au projet de loi ont été néanmoins votés, notamment sur l'unité de la future SNCF, la convention collective ou le statut des cheminots.
Une "règle d'or" pour freiner la spirale de la dette
Par ailleurs, les députés ont voté une "règle d'or" contraignant l'Etat et les collectivités territoriales à financer le développement de nouvelles lignes qu'ils souhaiteraient. Il s'agit notamment de mettre fin aux projets jugés "pharaoniques" de lignes à grande vitesse, en partie responsables de l'explosion de l'endettement du système ferroviaire. Sur la dette existante, le projet de loi se contente de la freiner, à 60 milliards en 2025 au lieu de 80 sans la réforme. Le gouvernement devra d'ici deux ans remettre un rapport sur la résorption de cette dette. Les sénateurs ont de leur côté voté notamment des amendements pour relancer le transport de marchandises par fret ferroviaire, en grande difficulté. Les ports pourront ainsi devenir propriétaires des voies ferrées sur leur domaine.
Le Front de gauche a voté contre le texte, notamment parce que "la question de la dette n'a pas été réglée", selon leur chef de file André Chassaigne. Le texte a été également rejeté par l'UMP, alors qu'une vingtaine de ses députés dont l'ancien ministre des Transports, Thierry Mariani, et d'autres personnalités comme Xavier Bertrand et Nathalie Kosciusko-Morizet avaient voté pour en première lecture. "C'est une réforme floue qui n'assure pas l'exercice d'une concurrence saine en ne garantissant pas l'ouverture du marché", a dénoncé l'UMP Martial Saddier.
Selon l'Association française du rail (Afra), qui regroupe des entreprises privées de transport ferroviaire, la réforme ferroviaire constitue "une première étape essentielle vers la modernisation du système ferroviaire français", et "la création d'un gestionnaire d'infrastructure unique (...) devrait déboucher sur une amélioration de la gestion du réseau ferré français". Mais cette réforme "ne permet (ni) de créer les conditions de l'ouverture à la concurrence sur le marché du transport ferroviaire des voyageurs en France, ni de résorber la dette accumulée par l'activité ferroviaire depuis de nombreuses années". Les membres de l'association "regrettent que le projet de loi ne réponde pas aux principaux objectifs fixés par les directives ferroviaires européennes", qui prévoient notamment une ouverture à la concurrence d'ici 2022. Ils proposent "la création de groupes de travail associant, sous la responsabilité de l'administration, l'ensemble des acteurs concernés pour accroître la performance économique du système ferroviaire". Concernant le cadre social commun qui doit être mis en place pour tous les salariés du secteur, les opérateurs privés se disent favorables "à l'élaboration d'un cadre social différencié entre le fret et le transport des voyageurs afin d'adapter leur organisation aux conditions spécifiques de chacun de ces marchés".