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Protection de l'enfance - L'Assemblée adopte la proposition de loi sur la transmission des signalements entre départements

L'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi sur "le suivi des enfants en danger par la transmission des informations" entre départements. Roselyne Bachelot a annoncé à cette occasion l'imminence d'un décret.

L'Assemblée nationale a adopté dans la soirée du 13 janvier la proposition de loi présentée par Henriette Martinez, députée des Hautes-Alpes, et une cinquantaine de ses collègues UMP sur "le suivi des enfants en danger par la transmission des informations".
Ce texte, qui se compose d'un article unique, entend répondre à un problème récurrent auquel sont confrontés les départements, malgré les améliorations apportées par la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l'enfance. Aujourd'hui, en effet, il arrive que les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE) perdent la trace d'un enfant en danger lorsque la famille déménage dans un autre département. Ce dernier n'étant pas prévenu, il ignore tout de la situation de la famille qui vient de s'installer sur son territoire et peut mettre plusieurs mois à la découvrir, avec tous les risques que comporte cette période de latence. L'exposé des motifs de la proposition de loi précise que "cette faille de notre système de protection de l'enfance est bien connue de certaines familles maltraitantes qui trouvent dans l'itinérance un moyen d'échapper aux services sociaux départementaux dès lors qu'elles se savent signalées ou qu'elles refusent les mesures de suivi". Cette proposition de loi pallie en partie l'absence de suite à l'annonce de Nadine Morano - alors secrétaire d'Etat chargée de la Famille - qui avait indiqué en juin dernier qu'un décret viendrait organiser cette obligation de transmission (voir notre article ci-contre du 17 juin 2010). Sa préparation a donné lieu à une concertation, notamment avec les associations de protection de l'enfance, l'Assemblée des départements de France, et aux avis positifs du médiateur de la République et de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

Une meilleure articulation entre CAF et départements

La proposition de loi complète donc l'article L.226-3 du Code de l'action sociale et des familles - consacré au rôle du président du conseil général dans le recueil, le traitement et l'évaluation des signalements - par trois alinéas. Le premier indique que "lorsqu'une famille déménage dans un autre département, le président du conseil général du département de départ est responsable de la transmission des informations et des dossiers concernant les enfants faisant l'objet d'une mesure éducative ou d'une enquête sociale consécutivement à un signalement". Si cette mesure ne soulève pas de difficulté particulière lorsque la famille concernée communique sa nouvelle adresse, il n'en va pas de même dans le cas contraire. Dans cette hypothèse, la proposition de loi prévoit que le président du conseil général du département d'origine saisit, "dans les meilleurs délais", les organismes qui servent des prestations sociales (essentiellement la caisse d'allocations familiales [CAF] ou la caisse de mutualité sociale agricole [MSA]). Ces derniers doivent transmettre "sans délai" au département la nouvelle adresse dont ils disposent, celle-ci étant - en principe - indispensable pour continuer de percevoir les prestations. Le président du conseil général transmet alors - lui aussi "sans délai" - les informations nécessaires à son homologue du département d'accueil.
La proposition de loi "a donc pour objet de permettre de mener à son terme, dans les meilleurs délais, l'enquête sociale ou le suivi de la famille, et de donner au président du conseil général, qui en a la responsabilité, les moyens d'assurer la protection des enfants en danger ou risquant de l'être pour pouvoir intervenir à temps", a résumé en séance Henriette Martinez, tout en ajoutant : "Il reviendra bien sûr à chaque département de prendre les dispositions nécessaires en fonction de ses structures et de ses pratiques."

Un décret "sous dix jours"

La proposition de loi avait été examinée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale le 12 janvier. Celle-ci n'y avait apporté que des aménagements mineurs, ajoutant notamment que les transmissions d'informations pouvaient également concerner les enfants faisant l'objet d'une "information préoccupante" (autrement dit, avant l'intervention de l'enquête sociale) et pas seulement ceux concernés par une enquête sociale ou une mesure éducative. Un autre amendement, adopté sur la base d'une recommandation de la Cnil, précise la notion de "sans délai" utilisée par le texte initial pour la transmission des informations par la CAF ou la caisse de MSA. Il s'agira en pratique d'un délai maximal de dix jours. L'amendement précise également que cette transmission se fait "dans le respect des dispositions relatives au secret professionnel".
En séance, la ministre Roselyne Bachelot-Narquin a fait savoir que le décret d'application de la loi du 5 mars 2007 sur la transmission d'informations entre conseils généraux en cas de déménagement d'une famille serait publié au mois de mars, tandis que celui sur les transmissions vers les observatoires départementaux et nationaux serait "pris sous dix jours". En outre, a-t-elle indiqué, "une circulaire préparée par le ministère de la Justice est en cours de finalisation pour informer les parquets sur ces situations et leur rappeler les principes de procédure à appliquer lorsque des familles se soustraient aux mesures judiciaires". "Un dispositif existe déjà", en a conclu la ministre.

Quasi-unanimité

En partie de ce fait, celle-ci a fait adopter un amendement gouvernemental visant, d'une part, à "préciser les situations dans lesquelles cette transmission d'informations doit se faire" et à renvoyer au premier futur décret d'application et, d'autre part, à "mettre en complémentarité la saisie des services de prestations familiales avec celle des autorités judiciaires instituée par le droit actuel". Autrement dit, le président d'un conseil général pourra saisir l'autorité judiciaire et en même temps s'adresser aux organismes sociaux pour consulter les fichiers.
La députée PS Patricia Adam, favorable à cet amendement, s'est du coup demandée si un texte de loi était vraiment "nécessaire". Henriette Martinez répondant que "la consultation des fichiers par des organismes sociaux aux fins de transmettre les adresses des familles ne peut être autorisée que par la loi". Et précisant aussi que "les dispositions absentes du présent texte figureront dans les décrets d'application que prépare le gouvernement".
Le texte a finalement été adopté à l'unanimité, avec l'abstention des députés PCF. Alors qu'il s'était abstenu en commission, le PS a voté pour. Hélène Amiable a justifié l'abstention des députés PCF par des raisons dépassant le cadre de la proposition de loi : la suppression du Défenseur des enfants et le "désengagement de l'Etat en matière de protection sociale" dont témoigne la question du fonds national de protection de l'enfance. Le texte doit maintenant aller au Sénat.

Référence : proposition de loi relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations.