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Social / Formation - L'Anas ne veut pas de la gratification des stages dans le secteur social

Alors que le Sénat a commencé à examiner en première lecture, après l'Assemblée nationale, le projet de loi relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche, l'Association nationale des assistants de service sociaux (Anas) s'invite dans le débat. Dans une lettre ouverte adressée aux sénateurs et intitulée "Plus de gratifications pour moins de stages ?", l'association s'oppose à l'article 15 du projet de loi.
Celui-ci prévoit en effet, suite à un amendement adopté par les députés (voir encadré ci-dessous), de modifier l'article L.612-11 du Code de l'éducation pour étendre l'obligation de rémunération des stages de plus de deux mois (consécutifs ou sur une même année scolaire) - aujourd'hui imposée aux seules entreprises - "aux administrations publiques ou association ou de tout autre organisme d'accueil". Si cette disposition devait être confirmée, le secteur public et associatif devra accorder à ses stagiaires "une gratification versée mensuellement dont le montant est fixé par convention de branche ou par accord professionnel étendu ou, à défaut, par décret" (le premier cas de figure correspondant au secteur associatif, le second au secteur public).
Pour échapper à cette obligation, l'Anas propose donc d'ajouter à l'actuelle rédaction de l'article 15 un alinéa précisant que "les formations en travail social sont exemptées des dispositions prévues par cet article". Pour l'Anas, l'article 15 du projet Fioraso est en effet "un marché de dupes, dangereux pour les étudiants et la profession".
Affirmant avoir "repéré, à travers le territoire, des critères réservés quant à la gratification des stages en travail social", l'association estime que la mise en œuvre de l'article 15 dans le secteur social aboutirait à "une réduction de l'offre de stages", à "un risque élevé de mise à mal de l'alternance intégrative par des choix pédagogiques contraints (réajustements des projets de stage en fonction des offres et non du projet des stagiaires), ainsi qu'à "la fin de l'alternance à défaut de terrains de stages".
La position de l'Anas a le mérite de la constance. Au plus fort du premier débat sur la rémunération des stages et au moment des grandes manifestations de "Génération précaire", l'association avait déjà pris la même position (voir nos articles ci-contre de 2009 et 2010). A l'époque, elle avait d'ailleurs été entendue par le Sénat. Mais rien ne dit que ce dernier suivra la même position. L'Anas se trouve en effet isolée. Outre la difficulté à justifier que les étudiants des filières sociales devraient être les seuls à ne pas être rémunérés pour des stages de plus de deux mois, d'autres filières n'ont pas pris la même position, du moins de façon aussi visible. Or les trois arguments évoqués plus haut valent tout autant pour ces filières.
Sur le plan pratique, les difficultés ne devraient pas concerner les stages dans les services sociaux des départements - l'un des plus gros pourvoyeurs de la filière - ou dans les centres communaux d'action sociale. Malgré les contraintes budgétaires, on voit mal les collectivités territoriales ne pas appliquer la loi. En revanche - et bien qu'elles n'aient pas officiellement réagi - les associations du secteur social pourraient avoir plus de difficultés pour rémunérer les stagiaires, avec le risque de voir alors se développer des "stages à deux vitesses".

Jean-Noël Escudié / PCA

Attendre le projet de loi Sapin pour en discuter avec les employeurs publics ou associatifs ?
"La loi prévoit, d'ores et déjà, une gratification obligatoire pour tout stage en entreprise. Elle ne l'envisage toutefois pas pour les stages effectués dans une administration publique – Etat, collectivités territoriales, fonction publique hospitalière – ou dans les structures associatives. Cet amendement vise donc à étendre l'obligation de gratification aux administrations, aux associations et à tout organisme d'accueil parce qu'il n'est pas concevable qu'un jeune puisse recevoir ou non une gratification, même symbolique, à l'issue de son stage, selon qu'il effectue celui-ci dans une entreprise ou dans une administration." C'est en ces termes que le député PS Jean Jacques Vlody défendait le 23 mai son amendement venant compléter l'article 15 du projet de loi Fioraso. "Que les collectivités publiques, les collectivités locales, les administrations – fussent-elles hospitalières – soient exonérées du principe de gratification des stages me paraît une étape qu'il faut certainement dépasser", avait-il poursuivi. Le gouvernement, tout comme la commission des affaires culturelles de l'Assemblée, ont toutefois émis un avis défavorable à cette proposition, estimant qu'il vaudrait mieux traiter "un tel sujet, qui n'est pas totalement neutre" dans le cadre d'un projet de loi que le ministre Michel Sapin a prévu de consacrer tout prochainement à la question des stages. Ce qui permettrait de disposer du temps nécessaire à une phase de "dialogue" avec les employeurs publics ou associatifs concernés. Mais l'amendement de Jean Jacques Vlody a donc malgré tout été adopté (sur l'adoption du projet de loi Fioraso, voir ci-contre notre article du 29 mai).
C.M.

 

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