Politique de la ville - Lamy/Valls : les préfets égalité des chances verront leur rôle renforcé, la lutte contre la délinquance aussi
"De par ses compétences dans les domaines de la sécurité publique, de l’intégration et de l’administration territoriale de l’Etat, le ministère de l’Intérieur est un acteur majeur de la politique de la ville", rappelle, en préambule, la convention triennale d’objectifs pour les quartiers populaires 2013-2015 signée par Manuel Valls et François Lamy, le 27 septembre et enfin rendue publique.
Concernant la compétence "Administration territoriale de l’Etat", la convention assure que "les missions des préfets délégués à l’égalité des chances, celles des sous-préfets chargés de la politique de la ville et celles des délégués du préfet seront renforcées". D’ailleurs, d’une manière générale, "le rôle et les fonctions des services déconcentrés de l’Etat en charge de la politique de la ville seront renforcés". Une circulaire des deux ministres précisera, avant fin 2013, leurs missions respectives, "de même que le rôle accru que les sous-préfets d'arrondissement seront amenés à jouer dans la nouvelle étape de la politique de la ville.
Et pour stimuler les vocations aux fonctions de délégué du préfet parmi les personnels de la direction générale de la police nationale (DGPN) et de la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), le ministère de l'Intérieur assure qu'à l'issue de leur mise à disposition, "les conditions de leur réintégration seront examinées attentivement avec eux afin de valoriser cette mobilité professionnelle".
Des équipes interministérielles autour du préfet de département
Une autre circulaire, également adressée avant la fin de l'année 2013, demandera aux préfets de département de constituer des équipes interservices (ou "équipes interministérielles", les deux expressions sont utilisées dans la convention) pour préparer les futurs contrats de ville. Elles seront composées de représentants des différents services de l'Etat, des délégués des préfets, ainsi que des représentants du Parquet, du rectorat et de l'agence régionale de santé (ARS). Cette équipe assistera le préfet dans l'élaboration "du point de vue de l'Etat sur la situation des quartiers prioritaires". Point de vue préalable à la négociation des futurs contrats, puis à leur suivi et à leur évaluation.
Des formations visant à "accompagner et former les services de l'Etat à la préparation de la future génération de contrats de ville" seront déployées en 2014, sur l'ensemble des sites, "y compris les territoires qui sortent de la géographie prioritaire mais nécessitant une 'veille active'". Le délégué du préfet organisera par ailleurs des échanges d'expériences et des formations communes pour les professionnels et agents publics de terrain, "notamment les enseignants et policiers", est-il précisé.
Un volet "sécurité" dans chaque contrat de ville
Concernant la compétence "sécurité publique" du ministère de l’Intérieur, qui occupe évidemment la majeure partie de la convention, il est rappelé la création des 64 zones de sécurité prioritaires (ZSP) et l'engagement est donné de "coordonner leur extension avec la nouvelle géographie prioritaire". Il est également affirmé que les futurs contrats de ville comprendront un volet "sécurité et tranquillité publiques"
Au registre de la lutte contre les phénomènes de délinquances spécifiques dans les quartiers prioritaires, les deux ministères se sont donnés pour objectif d'augmenter de 20%, entre 2011 et 2015, le nombre d'intervention de police judiciaire en matière de lutte contre les trafics et l'économie souterraine dans les quartiers (opérations GIR). Ils se fixent également l'objectif d'augmenter de 20%, entre 2011 et 2015, les avoirs criminels saisis dans le cadre des opérations de police judiciaire (sur une base de 11,5 millions d'euros saisis en 2011).
Doubler le nombre de délégués "cohésion police-population"
L’amélioration du lien police-population, notamment avec les jeunes, se traduit dans la convention notamment en termes d'effectifs. Les deux ministères s'engagent à doubler le nombre de délégués "cohésion police-population" (ils sont 59 aujourd'hui) et d'intervenants sociaux en commissariat (170) en les affectant "en priorité" dans les ZSP et dans les autres quartiers de la politique de la ville. Dans le même registre d'amélioration du lien police–population jeune, la convention incite au recrutement de jeunes issus des quartiers pour l'accès aux métiers de la police et de la gendarmerie.
Il y est aussi question de "l’adaptation de l’action des forces de l’ordre". La convention rappelle que le ministère de l'Intérieur, "afin d'éviter les contrôles d'identité répétés ou abusifs", s'est engagé dans un "plan de formation, d'encadrement hiérarchique et d'action" qui prévoit la refonte du Code de déontologie (désormais commun à la police et à la gendarmerie, est-il souligné au passage).
Enfin, un travail de refondation de la politique d’intégration, en concertation avec les collectivités locales, les associations et les acteurs économiques sera amorcé, promet la convention.
Sentiment d'insécurité : passer de 26 à 20%
La convention se donne l'objectif de réduire significativement le sentiment d'insécurité dans les quartiers (en passant de 26% aujourd'hui à 20% à fin 2015, sachant que la moyenne nationale des habitants déclarant se sentir "souvent ou de temps en temps en insécurité dans leur quartier" est de 14%).
Quant au taux de délinquance lui-même, l'objectif est des plus curieux : constatant que le taux de délinquance est en général inférieur dans les quartiers ZUS par rapport à la moyenne de leur agglomération (*) - respectivement 47,7 et 53,7 faits pour 1.000 habitants - la convention se fixe pour objectif de "maintenir globalement un niveau de délinquance plus faible dans les quartiers prioritaires que dans les agglomérations environnantes". Etrange ! On pourrait y voir un encouragement à inciter les délinquants des ZUS à pratiquer plutôt hors de leur quartier (ce qu'ils font d'ailleurs déjà)…
Enfin, une grande partie de la convention est consacrée aux recueils et traitements statistiques des données de la délinquance. A noter l'engagement de décliner la réforme de la statistique policière en prenant en compte la géographie prioritaire d'ici à la mi 2014.
On retiendra surtout l'effort en direction d'une "analyse de la délinquance qualitative et territorialisée", notamment en se penchant sur de nouveaux critères tels que le nombre d'émeutes ou d'attroupements armés, les prises à partie des forces de l'ordre, le nombre de mineurs adoptant des conduites à risque (stupéfiant, alcool, infractions graves au Code de la route, addictions), les dégradations et destructions de biens publics, les faits de violences faites aux femmes…
Valérie Liquet
(*) Très précisément : à la moyenne de la circonscription de sécurité publique dont dépendent ces quartiers.