Sécurité - Manuel Valls : les ZSP ont redonné du souffle à "l'initiative locale"
Le bilan des premières zones de sécurité prioritaire (ZSP) présenté lundi 13 mai à Lyon par le ministre de l'Intérieur et la ministre de la Justice a été terni par les violents incidents survenus le même jour au Trocadéro à Paris et la polémique qui a suivi. Un bilan pourtant jugé "encourageant" par les deux ministres. "La méthode, basée sur le partenariat, est la bonne" et "les premiers résultats sont là" ont-ils fait valoir devant les responsables des quinze premières ZSP réunis pour échanger sur leurs retours d'expérience.
Les ZSP, engagement du président de la République, sont aujourd'hui au nombre de 64. Créées en deux vagues (15 en juillet 2012 et 49 en novembre), elles ont pour but de "lutter contre la délinquance ancrée dans les quartiers difficiles". Elles bénéficient donc de moyens supplémentaires. "C'est une question d'égalité des territoires", a déclaré Manuel Valls pour justifier le choix des zones décidé par le gouvernement, annonçant au passage l'affectation de "100 policiers en renfort dans une douzaine de territoires", d'ici deux mois et de 70 gendarmes en zone gendarmerie ou mixte. Au total, 270 effectifs seront déployés d'ici la fin de l'année, afin d'anticiper la création de 500 postes de policiers et gendarmes prévus chaque année pendant la durée du quinquennat, dont beaucoup seront affectés en ZSP. De fait, 500 effectifs ont été programmés pour 2013 mais ils ne seront pas déployés sur le terrain avant 2014, le temps de leur recrutement et de leur formation.
A cela s'ajoute les efforts financiers. "Les ZSP et les quartiers de la politique de la ville bénéficient de près de 25 millions d'euros sur les 37,2 millions d'euros du fonds interministériel de prévention de la délinquance", a précisé le ministre de l'Intérieur ce mercredi, dans une communication en Conseil des ministres. Il indique également que "la démarche ZSP a vocation à constituer le volet sécurité des contrats de ville 2014-2020, qui mobiliseront l'ensemble des politiques de droit commun pour améliorer les conditions de vie des habitants des quartiers".
Les violences urbaines en baisse de 32% à Amiens
Les ZSP ne reposent pas sur un modèle unique : elles se veulent un "laboratoire où les services de l'Etat, les associations, les élus, travaillent en partenariat étroit" avec une "coopération renforcée" entre la police et la justice, ont insisté les deux ministres, lundi. Dans chacune d'elles, quatre ou cinq priorités ont été arrêtées, a rappelé Manuel Valls. 60 d'entre elles ont pour objectif la lutte contre les trafics de stupéfiants, 39 la lutte contre les incivilités, 24 les vols avec violence, 15 les cambriolages, 9 les violences urbaines... Des différences qui ne permettent donc pas d'afficher des résultats globaux mais plutôt des avancées sur des axes précis. A Amiens, frappée par des émeutes l'été dernier, les violences urbaines auraient baissé de 32% en six mois, s'est félicité Manuel Valls. A Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), le démantèlement de trafics a bondi de 83%. A Vauvert et Saint-Gilles (Gard), les cambriolages ont diminué de 28%... Christiane Taubira a annoncé avoir adressé une circulaire aux parquets lundi pour articuler leur travail avec la police. Tout en rappelant l'indépendance de la Justice, elle a promis une évaluation à partir d'indicateurs qualitatifs (cadre de vie, ressenti des habitants...) et quantitatifs, comme les taux d'élucidation qui, selon elle, ont progressé de 10% dans le quartier de la Duchère à Lyon depuis la mise en place de la ZSP.
"Les maires sont très actifs et très inventifs"
Les deux ministres ont insisté sur le rôle du partenariat local. "Un des acquis des ZSP est justement d'avoir permis de redonner du souffle à l'initiative locale", a déclaré Manuel Valls, avant de présenter de nombreux dispositifs mis en place dans le cadre des ZSP, comme la cellule de lutte contre le "petit caïdat" au quartier de la Duchère... Il est également revenu sur Marseille qui avait fait l'objet de mesures spéciales, après que l'élue socialiste Samia Ghali avait demandé l'intervention de l'armée dans des quartiers classés depuis en ZSP. "De très jeunes trafiquants se livrent à une véritable guerre des territoires. Ces nouveaux barbares sans foi ni loi, guidés par l'argent roi doivent être combattus avec la plus grande détermination", a-t-il dénoncé, vantant "la méthode globale" mise en place par le préfet de police des Bouches-du-Rhône. Une méthode jugée "exemplaire" en matière de coordination des actions répressives, dissuasives et préventives et qui aurait déjà obtenu des "résultats significatifs" pour "la reconquête des 40 cités concernées". Cette politique repose sur des opérations musclées contre les trafics, suivies d'une phase de rénovation des quartiers et d'accompagnement vers l'emploi. Christiane Taubira a pour sa part salué le rôle des élus locaux : "Les maires sont très actifs et très inventifs [...]. Il n'y aura pas de succès possible sans la participation des maires." Elle a également promis des mesures pour améliorer le partage de l'information au sein des cellules de coordination opérationnelles des ZSP, dans le respect des libertés individuelles...
"Quelle réalité derrière les effets d'annonce ?"
Malgré ce bilan prometteur, les ZSP ne sont pas exemptes de critiques. D'aucuns craignent un étiquetage dont les quartiers auront du mal à se défaire, au moment même où le ministre délégué à la Ville, François Lamy, cherche, à l'inverse, à rompre avec les zonages... D'autres mettent en garde contre les risques de reports sur d'autres quartiers, ce que les criminologues appellent "l'effet plumeau". Enfin, mardi, devant les deuxièmes Rencontres de la police municipale à Roissy-en-France, le député-maire UMP de Nice, Christian Estrosi, a demandé à dépasser les effets d'annonce. "Je ne peux que regretter de ne pas avoir plus de visibilité. Où sont les effectifs et les moyens financiers qu'on nous a promis ? Quelle réalité derrière les effets d'annonce ?", a tancé le président de la Commission consultative des polices municipales. Il a également critiqué les nouvelles orientations de Christiane Taubira en matière pénale "instaurant un climat d'impunité", mentionnant l'instruction faite aux magistrats "de ne pas systématiquement appliquer les peines de moins de six mois" ou encore la suppression programmée des peines planchers instaurées en 2007 contre les multirécidivistes. L'élu s'en est également vivement pris au ministre délégué à la Ville qui le 21 mars l'a "menacé de [lui] supprimer des crédits de la politique de la ville", lui reprochant "d'en faire trop pour la police municipale".
Un bilan global des ZSP sera lancé "avant la fin de l'année", a indiqué Manuel Valls, avant de lancer une troisième vague. Un total de 120 à 130 ZSP avait été annoncé.