Sécurité - La rénovation urbaine n'a pas enrayé les trafics
L'un des objectifs assignés au programme national de rénovation urbaine (PNRU) lancé il y a dix ans était d'enrayer la spirale de l'insécurité de certains quartiers. Or le programme, dont 20 milliards ont déjà été dépensés sur les 45 milliards d'euros programmés au total, a suscité des appétits... Dans une enquête publiée le 28 février, Le Monde a révélé l'ampleur des rackets et intimidations dont sont victimes les entreprises du BTP. Trois agressions graves ont été recensées en trois mois en Seine-Saint-Denis. "Cela a pris des proportions inquiétantes et c'est devenu un système très organisé comme on peut le connaître en Corse", s'insurge le président de Plaine Commune habitat, cité par le quotidien.
Mais les opérations de rénovation ne semblent pas non plus avoir permis de démanteler les trafics. "Alors que les actes d'incivilités, les violences urbaines, les dégradations et incendies volontaires sont en diminution notable, les trafics illicites restent ancrés sur les quartiers et leur ampleur ne semble pas évoluer au cours du PRU", indique l'Onzus (Observatoire national des zones urbaines sensibles), dans son rapport sur les dix ans du PNRU remis au ministre délégué à la Ville, François Lamy, lundi 4 mars.
Certes, le programme a permis d'améliorer le climat général des quartiers. Les délégués du préfet constatent même de réels progrès. Alors que 15 quartiers étaient considérés comme ayant des problèmes de tranquillité publique d'une intensité "très élevée" avant le PNRU, un seul a été répertorié comme tel après le programme. Les délégués se félicitent du "rapprochement entre professionnels de l'urbain et de la sécurité" et de "la réalisation d'aménagements facilitant la prévention situationnelle".
Un risque d'échec "réel"
Auditionnée par l'Onzus, l'Union sociale pour l'habitat (USH) constate aussi une amélioration de la vie quotidienne dans certains quartiers (réduction de la petite délinquance de proximité et des actes d'incivilité, éradication des lieux les plus critiques, atténuation du sentiment d'insécurité) mais elle estime qu'entre 50 et 80 quartiers restent concernés par les trafics de stupéfiants (sur 594 quartiers concernés par le programme). Là, les phénomènes n'ont fait que se déplacer d'un secteur à l'autre. L'USH réclame un dispositif spécifique avec une procédure d'intérêt national et de solidarité, sans quoi le risque d'un échec des PRU dans ces sites est "réel".
L'Onzus note aussi un déplacement des problèmes de tranquillité dans d'autres quartiers du fait des déplacements des zones de trafic. L'IRDSU (Inter-réseaux des professionnels du développement social urbain) déplore pour sa part que la sécurité n'ait pas été suffisamment prise en compte dans les programmes. Et à l'inverse des délégués du préfet, il estime que les services de police font "véritablement défaut".
A noter enfin que le décret n° 2011-324 du 24 mars 2011 avait étendu l'obligation de mener une étude de sécurité publique à tous les projets de rénovation urbaine. Or, dans une étude de 2012, l'Anru (Agence nationale pour la rénovation urbaine) a montré que sur 173 projets, seulement dix avaient fait l'objet d'une telle étude et 20 étaient en train de le faire...
Pour en savoir plus, il faudra attendre l'étude sur l'impact de la rénovation urbaine sur la tranquillité publique, commanditée par le SGCIV (secrétariat général du Comité interministériel des villes), l'Anru et l'Acsé (Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances). Par ailleurs, un grand séminaire sur les zones de sécurité prioritaire se tiendra le 8 avril.