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Environnement - L'ambition énergétique de l'Europe obstruée par la crise

L'ambition initiale de la directive Efficacité énergétique est considérablement amoindrie au fur et à mesure des négociations. Les Etats souhaitent libérer les collectivités locales de l'obligation de rénover leur parc immobilier.

Depuis plusieurs mois, les Etats s’attachent à affaiblir la portée du projet européen en matière d’efficacité énergétique. Le contexte de restriction budgétaire incite au détricotage des objectifs contraignants et à la réduction du nombre de bâtiments publics à réhabiliter. Ceux qui appartiennent aux collectivités locales, tout comme les HLM, ont été sortis du champ par les gouvernements européens. L’objectif visant à rénover chaque année 3% de la surface des bâtiments publics ne s’imposerait ainsi qu’à l’Etat. Les autres entités publiques pourront bien sûr agir en faveur de la réhabilitation thermique, mais sur une base volontaire.
En France, le contexte est un peu particulier puisque des outils financiers spécifiques existent pour les HLM (Livret A, Caisse des Dépôts…) et le dispositif du Grenelle prévoit une feuille de route précise, avec un objectif de 800.000 logements sociaux à réhabiliter d’ici 2020. "On continuera de rénover 70.000 logements par an, explique Laurent Ghékière, représentant de l’Union sociale pour l’habitat à Bruxelles. Mais la crise de la dette a changé la faisabilité du projet européen. Les objectifs initiaux de la directive se chiffrent en centaines de milliards d’euros pour le logement social. Les Etats n’ont pas les moyens de financer ces obligations."
Pour justifier l’assouplissement des mesures européennes, le gouvernement avance le respect du "droit de libre administration des collectivités locales". Celles-ci seraient prises à la gorge financièrement si elles devaient se conformer à un objectif contraignant de 3% annuel. Dès le début des négociations du texte, le Conseil des communes et régions d’Europe a fait savoir que le seuil proposé "pose un certain nombre de difficultés pratiques aux collectivités locales et régionales et est source de préoccupations pour elles".
L’effort demandé aux fournisseurs d’énergie est également réduit. Si l’on s’en tient au projet initial, ils doivent réaliser des économies d’énergie équivalentes à 1,5% du volume de leurs ventes chaque année. Là encore, les Etats cherchent à en réduire la portée afin que les économies réalisées ne soient pas de 74,9 millions de tonnes équivalent pétrole mais de 29,1 Mtep.

Les fonds européens comme garanties ?

A ce rythme-là, il sera très difficile d’atteindre les 20% d’économies d’énergies à l’horizon 2020… Dans ses propositions pour la politique régionale applicables à partir de 2014, la Commission a pourtant souhaité adjoindre les outils financiers nécessaires en orientant 20% minimum de la dotation nationale de Feder à l’efficacité énergétique. Mais cette ambition est là encore tributaire de l’arbitrage des Etats européens et des choix qui s’opèrent ensuite sur le terrain. La région Ile-de-France a par exemple décidé de lancer une société d’économie mixte dont l’activité principale consiste à accompagner les propriétaires privés souhaitant rénover leur copropriété. Baptisée Energies Posit'If, elle sera opérationnelle dans les prochains mois, mais déjà "s’amorce une réflexion sur la prochaine programmation Feder", explique un responsable. Le but est de parvenir à utiliser les fonds européens comme garanties ou bonifications d’intérêts, et ainsi faciliter le montage financier des travaux. Reste à défendre le projet auprès des autorités, car les services de l’Etat sont jusqu’ici tentés de consacrer une bonne part des investissements Feder au projet du Grand Paris.
Sujet sensible, la directive sur l’efficacité énergétique a fait l’objet de discussions le 11 avril sous la forme d’un "trilogue" réunissant des représentants des Etats, de la Commission et du parlement européen, où le dossier est porté par Claude Turmes, député écologiste du Luxembourg. Elles se sont poursuivies à Copenhague, où les ministres de l’Energie se sont réunis du 18 au 20 avril. Une nouvelle discussion est prévue le 24 avril, date où il ne sera pas question d’aborder "les articles les plus difficiles du texte", fait-on savoir au Conseil de l’UE. A ce rythme, et au vu des divergences de positions entre les Etats, préoccupés par les questions budgétaires, et le parlement européen, plus enclin à défendre des objectifs ambitieux, toute adoption de la directive avant la fin de la présidence danoise, en juin prochain, semble chimérique.

 

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