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PLFR 2012 - L'AAH atteint le million de bénéficiaires et les crédits continuent de déraper

L'Assemblée nationale a entamé, le 3 décembre, l'examen en première lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (PLFR). Le rapport de Christian Eckert, rapporteur général, pointe à nouveau - comme chaque année (voir notre article ci-contre du 28 novembre 2011) - "la sous-évaluation constante des dépenses de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances". Les ouvertures de crédits prévus au PLFR 2012 sur cette mission s'élèvent en effet à 287,4 millions d'euros en AE (autorisations d'engagement) et 313 millions d'euros en CP (crédits de paiement).

Un écart qui se creuse

Ce dérapage s'explique presque exclusivement par le financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), avec 291,7 millions d'euros en CP. S'il n'est pas nouveau, il a en revanche tendance à s'aggraver : les crédits supplémentaires ouverts dans la loi de finances rectificative pour 2011 n'étaient en effet que de 212 millions d'euros, l'écart entre ces deux exercices correspondant à une progression de 38% de l'impasse budgétaire.
Le rapporteur général estime que cette croissance des dépenses d'AAH "s'explique essentiellement par une sous-estimation initiale de la progression des bénéficiaires qui impose une révision à la hausse du nombre total de bénéficiaires (+55.400 par rapport à la prévision), et plus particulièrement des titulaires de cette prestation présentant un taux d'incapacité compris entre 50 et 80% et une difficulté substantielle et durable d'accès à l'emploi" (voir notre article ci-contre du 24 juillet 2012).
Le rapporteur général indique ainsi que le nombre de bénéficiaires devrait franchir la barre symbolique du million et atteindre 1.000.200 à la fin du mois de décembre 2012. Cette très forte croissance du nombre de bénéficiaires - résultant pour partie de la réforme de l'AAH - explique ainsi davantage le dérapage que la revalorisation de 25% sur cinq ans du montant de la prestation, mise en œuvre par le précédent gouvernement (voir notre article ci-contre du 16 avril 2012). Le minimum vieillesse, également revalorisé de 25% en cinq ans, ne connaît d'ailleurs pas de dérapage budgétaire.

Les effets de la crise mal anticipés

Mais le rapporteur général rappelle que les travaux menés par la Cour des comptes à la demande de l'Assemblée montrent que la dépense d'AAH "est fortement influencée par les plus ou moins grandes facilités à accéder à d'autres revenus de remplacement : le RSA, les préretraites et l'assurance chômage, l'invalidité, l'allocation de cessation d'activité des travailleurs de l'amiante, l'allocation de solidarité spécifique, pour ne citer que les principaux dispositifs de solidarité". Avec l'aggravation de la crise économique, "il était prévisible de voir cette dépense encore progresser en 2012, à défaut d'une réforme d'envergure", que le rapporteur général semble ainsi appeler de ses vœux.
A cette évolution quantitative s'ajoute aussi un important changement dans la situation des bénéficiaires. La proportion des allocataires de 50 ans et plus est en effet passée de 28,5% en 2000 à près de 40% à la fin de cette année. Au final, le coût total de l'AAH pour l'Etat devrait s'élever, en 2012, à 7,8 milliards d'euros (le versement de la prestation étant assuré par les caisses d'allocations familiales).
L'impact du dérapage de l'AAH ne se fait pas seulement sentir sur les PLFR successifs. Dans un contexte de forte contrainte budgétaire, les crédits de la mission Solidarité augmentent ainsi de 5,2% dans le projet de loi de finances pour 2013, avec une progression totale de 9,6% sur les trois prochaines années, dans le cadre de la programmation triennale 2013-2015 (voir notre article ci-contre du 1er octobre 2012).

Asile : l'ATA aussi dérape

L'allocation temporaire d'attente (ATA) - versée à certains demandeurs d'asile, et notamment ceux qui n'ont pas accès à un centre d'accueil de demandeurs d'asile (Cada) - connaît, elle aussi, un dérapage conséquent, malgré le rebasage effectué dans la loi de finances pour 2012. En proportion, l'impasse est même nettement plus importante que celle relative à l'AAH. Le PLFR 2012 prévoit ainsi de doubler les crédits alloués à cette prestation, en ouvrant 89 millions d'euros en AE et 83 millions d'euros en CP. Un nouveau rebasage est par ailleurs prévu dans le projet de loi de finances pour 2013. Mais s'il salue cet effort important de relèvement des crédits initiaux, le rapporteur général "craint néanmoins l'apparition d'un besoin supplémentaire en 2013, compte tenu du niveau des dépenses passées (170 millions d'euros en 2012 et 210 millions d'euros en 2011)".

Références : projet de loi de finances rectificative pour 2012 (examiné en première lecture par l'Assemblée nationale du 3 au 11 décembre 2012).

Jean-Noël Escudié / PCA
 

 

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