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Décentralisation / Social - Handicap et dépendance : que reste-t-il à transférer au département ?

Le département se verra confier "l'ensemble des politiques du handicap et de la dépendance, hors champ de l'assurance maladie". C'est ce qu'a proposé François Hollande le 5 octobre à la Sorbonne (voir notre article ci-contre). Il s'agissait pour lui, en clôture des Etats généraux de la démocratie territoriale, de citer les compétences que l'Etat pourrait transférer aux collectivités dans le cadre de la future loi de décentralisation. Concrètement, qu'est-ce qui passerait alors des mains de l'Etat aux collectivités départementales ? Le chef de l'Etat n'a rien précisé. "Pas grand-chose", répondront sans doute certains, dès lors que l'on exclut tout ce qui relève du budget de la sécurité sociale. "Les derniers bijoux de l'Etat", résume un spécialiste des politiques sociales.
Côté handicap, "il n'y a pratiquement plus qu'une seule chose que l'Etat gère, se sont les Esat", poursuit-il. Ces établissements et services d’aide par le travail (Esat) devraient donc en toute logique faire partie du transfert. D'autant plus que cette possibilité a plusieurs fois été évoquée dans le passé, notamment en 2004. Divers facteurs plaident pour cette option, dont le vieillissement des travailleurs handicapés en Esat, qui a notamment un impact sur les foyers gérés par le département. Un tel transfert ne serait pas anodin, puisqu'il concernerait 1.400 établissements et un budget de 1,2 milliard d'euros, sans compter les aides au poste.

AAH : commencer par mieux compenser les autres allocations...

Au-delà des Esat, on songe évidemment à l'allocation adulte handicapé (AAH). Cette fois, ce sont plus de 7 milliards d'euros qui sont en jeu. Là encore, cela fait plusieurs années qu'est régulièrement proposé le transfert de l'AAH aux départements. Le rapport sénatorial issu de la mission Belot (rapport Gourault-Krattinger) de 2009, notamment, le préconisait clairement : "Renforcer les compétences des conseils généraux en matière de prise en charge du handicap en leur transférant le financement de AAH et de l'ensemble des Esat afin de former un bloc de compétences renforcé au niveau départemental en matière de prise en charge du handicap."
Mais il est probable qu'une bonne part des présidents de conseils généraux ne verrait aujourd'hui pas d'un très bon œil ce transfert, à l'heure où la sous-compensation par l'Etat des allocations de solidarité dont les départements ont déjà la charge plombe leurs budgets. "On ne peut pas envisager d'élargissement de compétences en matière de handicap et de dépendance sans que l'Etat, au préalable, ne rétablisse les compensations qui sont dues aux départements", déclarait par exemple publiquement le 5 octobre à la Sorbonne le président du conseil général du Val-de-Marne, Christian Favier, juste après l'intervention de François Hollande. En outre, comme ce fut le cas lors du transfert de l'ex-RMI, l'idée de se retrouver simple "opérateur" d'un minima social dont les règles d'attribution resteraient fixées par l'Etat ne devrait guère enthousiasmer les exécutifs départementaux.
Enfin, on peut imaginer que la réforme comprenne une "départementalisation" complète des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui abandonneraient leur statut de GIP pour devenir un service du conseil général (en sachant que dans les faits, dans certains départements, cette intégration est déjà très forte...). D'aucuns considèrent toutefois qu'il faudrait alors en profiter pour en faire partout des maisons de l'autonomie, ce qui supposerait de relancer le chantier de la convergence personnes handicapées-personnes âgées. Les associations de personnes handicapées risqueraient quant à elles de s'opposer à la disparition des GIP.
On notera d'ailleurs que l'une d'entre elles, l'Unapei (handicap mental), a d'ores et déjà réagi de façon très négative aux propos du chef de l'Etat, déclarant ce 8 octobre dans un communiqué qu'elle "refuse une telle décentralisation de la politique du handicap".

Dépendance : en attendant la vraie réforme ? 

S'agissant des personnes âgées, il ne reste en fait plus beaucoup de crédits d'Etat à décentraliser, tout ou presque relevant de l'assurance maladie. Un possible transfert revient régulièrement à l'ordre du jour, mais il ne concerne pas l'Etat : la prise en charge par les départements des GIR 5 et 6, qui relève de l'action sociale facultative des caisses de retraite.
On songe aussi aux tutelles-curatelles, que ce soit pour les personnes âgées, les personnes handicapées ou les publics connaissant des difficultés sociales. L'Etat y consacre actuellement environ 150 millions d'euros et un transfert pourrait être envisagé. En notant toutefois que la sécurité sociale y intervient aussi en partie, les CAF finançant certaines mesures.
En réalité, en matière de personnes âgées et de dépendance, le vrai sujet pour les départements serait donc davantage, sinon le transfert, du moins la délégation de compétences de crédits d'assurance maladie, tel que cela avait notamment été envisagé en 2003 dans le rapport Briet-Jamet en vue de la création de la CNSA (rapport qui entendait entre autres faire du département "l'autorité tarificatrice unique des établissements tarifés et financés actuellement soit sur crédits retracés dans le budget de l'Etat soit sur les crédits de l'assurance maladie et retracés dans l'Ondam").
Le vrai sujet reste aussi, évidemment, la réforme globale de la prise en charge de la dépendance. Est-il pertinent de traiter un petit bout seulement de la question dans une loi de décentralisation alors qu'une loi sur la dépendance est espérée pour 2014 ? La première serait-elle une bonne façon de poser les premiers jalons de la seconde ?

 

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