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Emplois fonctionnels - La valse des dirigeants territoriaux bat son plein

Selon le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales, 70% des villes de plus de 10.000 habitants auront un nouveau directeur général suite au "mercato" postélectoral. Une mobilité désormais bien intégrée par les DGS et autres DGA.

Au moins 70% des communes de plus de 10.000 habitants devraient connaître un changement de directeur général dans les mois qui viennent. C'est en tout cas ce que prévoit le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales (SNDGCT) en se basant sur retours de terrain qu'il a pu recueillir auprès de ses adhérents depuis les élections municipales. En 2001, on avait certes également connu un chiffre de l'ordre de 70% en région parisienne. En revanche, en province, le "turn over" n'avait guère dépassé les 40%.
Au niveau des grandes villes aujourd'hui, sur les 49 pour lesquelles le syndicat dispose d'informations, 30 ont assisté à la réélection du maire sortant tandis que 19 voient arriver un nouvel élu (avec ou sans alternance politique). Dans la plupart de ces 19 villes, "les équipes de direction générale seront totalement renouvelées au cours de l'année", estime Stéphane Pintre, le président national du SNDGCT. En sachant que cela ne sera pas forcément synonyme d'évincement du directeur général des services (DGS) et/ou de son directeur général adjoint (DGA) par le nouvel élu. "On n'aura pas 70% de personnes remerciées. La mobilité est forcée... ou voulue. Nombreux sont ceux, en fait, qui profitent de cette période postélectorale pour bouger. Sans compter les cas fréquents de départs à la retraite, lesquels peuvent éventuellement être avancés", précise Stéphane Pintre, qui met volontiers l'accent sur l'actuelle vague de "papy out".
S'agissant des villes moyennes, parmi lesquelles le SNDGCT a recensé une quarantaine d'alternances, là aussi, beaucoup de départs sont annoncés. Si le plus souvent, tout devrait bien se passer (parfois même, le DGS devrait rester en place malgré une alternance), c'est parmi ces villes moyennes que "l'on rencontre les cas les plus difficiles, qui font suite à des combats politiques très denses", constate Stéphane Pintre. Et celui-ci de citer une ou deux municipalités dans lesquelles "dès le lendemain de l'élection, l'équipe de direction générale a été mise totalement à l'écart, mise au placard".
Quant aux petites villes, on y rencontre "des situations très diverses". En tout cas, nombreuses sont les villes de 8.000 à 12.000 habitants qui viennent de connaître un changement de maire avec alternance politique. S'agissant des communes de 2.000 à 3.500 habitants, qui n'ont que depuis très peu de temps la possibilité de recourir à un emploi fonctionnel, "il y a une grande incertitude, liée à la découverte complète du système pour les collègues concernés", rapporte le DGS d'Antibes.
Restera, dans les jours ou semaines à venir, le cas des intercommunalités. Le SNDGCT relève toutefois qu'"entre le président de l'EPCI et l'équipe de direction, la sensibilité politique est moins présente que dans une commune. On assiste plus facilement à un maintien des équipes en place".

Des DG sereins aux placardisés en passant par les angoissés

Le SNDGCT rappelle aussi que tout ne se joue pas tout de suite, la fin de détachement d'un emploi fonctionnel ne pouvant intervenir pendant les six mois suivant l'élection. "Quand le maire est un tout nouvel élu, il commence généralement par s'accrocher à l'équipe de direction en place et prend sa décision plus tard. Tel est bien l'esprit de l'article 53 de la loi de 1984 : profiter de cette période de six mois pour voir si l'on peut travailler ensemble", note Stéphane Pintre, qui juge d'ailleurs ce délai "un peu court".
"Avant, à l'issue d'élections locales, on avait deux catégories de DG : les sereins et les placardisés. Aujourd'hui, on en aurait plutôt quatre : les sereins, les tendus, qui ont six mois pour faire leurs preuves en termes de compétences, de capacité à s'adapter, les angoissés, qui ont six mois pour partir mais continuent à jouer leur rôle pendant cette période, et les cassés-placardisés." Tel est le tableau que dresse pour sa part Michel Namura, DGS de Saint-Ouen et vice-président national du SNDGCT. Celui-ci relève par ailleurs "l'importance considérable" qu'ont désormais pris les cabinets de recrutement, qui "reçoivent actuellement les CV des DG". "C'est un mercato souterrain qui se joue en ce moment, dans la mesure où les postes ne sont pas officiellement vacants. C'est de façon officieuse que l'on saura que tel ou tel poste va bientôt se libérer", poursuit-il.
"La plupart de nos collègues sont maintenant bien au fait des procédures, ce qui n'était pas le cas il y a une dizaine d'années. Ils ont intégré ce jeu de la mobilité", complète Stéphane Pintre. "Nous avons reçu beaucoup d'appels au cours des dernières semaines. En 2001, on nous appelait surtout pour nous dire : 'Aidez-moi à garder mon poste'. Aujourd'hui, ce serait plutôt : 'Aidez-moi à en trouver un autre'", constate de même Corinne Hervé, animatrice du réseau national de médiation mis en place par le syndicat pour intervenir dans les cas difficiles.
Si le SNDGCT ne dispose pas de bourse de l'emploi à proprement parler, l'effet réseau est naturellement utile. Il intervient en fait à des niveaux multiples : informations sur la législation et la jurisprudence (lesquelles ont récemment fait l'objet d'une circulaire récapitulative - voir notre article du 17 mars), dialogue avec l'élu, soutien au DG pour négocier un départ, accompagnement dans la recherche de poste avec le CNFPT, etc. Le protocole d'accord relatif à la "réinsertion professionnelle des fonctionnaires de catégorie A privés d'emploi", signé entre le CNFPT, l'AMF et la Fédération nationale des centres de gestion (voir notre article du 1er février), intervient d'ailleurs dans cette palette. Tel sera aussi le cas du futur "répertoire national des emplois de direction", en cours de préparation du côté du CNFPT.

 

Claire Mallet