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Elections locales - La réforme du scrutin départemental assez peu modifiée par l'Assemblée

L'Assemblée nationale s'apprête à adopter le projet de loi sur les élections locales qui rénove notamment le scrutin départemental. Le ministère de l'Intérieur devra mieux prendre en compte les spécificités des territoires ruraux dans le redécoupage électoral qu'il va préparer. L'objectif d'une réduction par deux du nombre des cantons reste toutefois globalement maintenu.

L'examen en première lecture à l'Assemblée nationale du projet de loi qui établit un "ticket" homme-femme pour les élections des conseillers départementaux, nouveau nom des conseillers généraux, s'est achevé dans la soirée du 22 février. Les députés se sont employés à introduire de nouvelles clauses favorables au respect de la représentation des départementaux ruraux, sans pour autant défaire le texte préparé par Manuel Valls, qui doit conduire à une réduction par deux du nombre des cantons (2.000 au lieu de 4.000 actuellement).
Inédit, le scrutin binominal paritaire a été adopté grâce aux seuls députés socialistes. Le Front de gauche a voté contre et les écologistes se sont abstenus. Très hostiles au texte, les députés UMP et UDI ont multiplié les amendements, un millier au total.
Premier à se saisir du texte, le Sénat avait refusé d'avaliser le nouveau scrutin (voir nos articles ci-contre), au motif qu'avec un vaste redécoupage électoral, celui-ci "laminera" les cantons ruraux, selon l'UMP et les centristes. De leur côté, les communistes et les verts lui ont reproché de ne pas répondre à leur souhait d'une dose de proportionnelle. A l'Assemblée nationale, ces arguments sont revenus en force sous la houlette notamment de François Sauvadet, président du groupe UDI.

Redécoupage : un petit peu de souplesse

Se disant ouverts à une évolution du texte pour prendre en compte l'inquiétude transpartisane des élus ruraux, le ministre de l'Intérieur et le rapporteur du texte, Pascal Popelin (SRC, Seine-Saint-Denis), ont également eu le souci de conserver la règle fixée par le Conseil d'Etat d'un écart démographique entre les cantons d'un département de plus ou moins 20% en fonction de la moyenne au sein de ce département. De fait, les exceptions à ce principe seront "de portée limitée", affirme toujours le projet de loi.
Au terme d'amendements déposés notamment par Frédérique Massat, députée SRC de l'Ariège et présidente de l'Association nationale des élus de la montagne, ces exceptions seront "spécialement justifiées par des considérations géographiques, comme la superficie, le relief et l'insularité, de répartition de la population sur le territoire, d'aménagement du territoire ou par d'autres impératifs d'intérêt général". Un autre amendement SRC a ajouté à l'article 23 du texte que "le nombre de communes par canton constitue à ce titre un critère à prendre en compte."
Alors que Manuel Valls a jugé l'amendement de Frédérique Massat "très pertinent", Guillaume Larrivé (UMP) a estimé que c'est un amendement "assez vide", tandis que pour François Sauvadet (UDI), "il ne nous laissera pas dupes de ce que vous voulez faire : un vaste redécoupage électoral". Plus tôt, les députés avaient donné leur accord à un amendement du patron des députés UDI ajoutant un article 1er bis énonçant que "tout projet de redécoupage devra prendre en compte la démographie mais aussi, la représentation des territoires du département".

Départements et régions : élections reportées à 2015

Les députés n'ont pas touché aux dispositions introduites lors de la réunion de la commission des lois du 6 février (lire notre article ci-contre): le nombre des cantons dans un département sera forcément impair, ce qui entraînera la création de 48 cantons supplémentaires par rapport au projet de loi initial. De plus, le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500.000 habitants ne pourra être inférieur à 15.
Le ministre de l'Intérieur a précisé lors des débats que le découpage cantonal ne sera pas soumis à une commission spécifique. C'est le Conseil d'Etat qui aura la responsabilité d'examiner et de valider, département par département, les projets qui lui seront soumis par le ministère de l'Intérieur, après avis de chaque assemblée départementale.
Pascal Popelin s'est voulu rassurant à ce sujet. "En fixant un cadre strict au pouvoir exécutif (...) nous créons les conditions pour que cet exercice, toujours regardé avec suspicion, toujours considéré comme sensible, soit irréprochable", a-t-il déclaré, alors que l'opposition de droite et du centre accuse le gouvernement de "tripatouillage électoral".
Parmi les autres dispositions importantes à retenir au terme de l'examen du texte figure le report à 2015 de la date des élections départementales et régionales, prévues en 2014. On notera aussi que les députés ont abaissé à 10% des électeurs inscrits, contre 12,5% actuellement, le nombre de suffrages que les candidats aux élections départementales doivent recueillir pour pouvoir se maintenir au second tour.

Transparence financière lors des campagnes

L'Assemblée nationale a par ailleurs complété le statut des conseillers départementaux. Pour plus de transparence financière, elle a généralisé à tous les candidats aux élections départementales l'obligation de déclarer un mandataire financier - qui réglera les dépenses de campagne et encaissera les dons - et celle concernant la tenue d'un compte de campagne. Aujourd'hui, les candidats sont dispensés de ces obligations dans plus du tiers des cantons. Les députés ont par ailleurs renforcé le régime des incompatibilités entre certaines responsabilités publiques (magistrats, inspecteurs d'académie, membres du cabinet du président du conseil général...) et le mandat de conseiller départemental.
S'agissant des indemnités des élus locaux, la commission des lois de l'Assemblée avait décidé de mettre fin à la possibilité pour une assemblée élue de répartir comme bon lui semble la part écrêtée des indemnités de ses élus, à la seule condition de prendre une délibération. En séance, les députés ont posé comme autre principe l'interdiction pour une collectivité de verser les indemnités d'un ou de plusieurs élus directement aux partis politiques et aux associations de financement de partis politiques.
A l'Assemblée, Manuel Valls a montré sa détermination à faire avancer sa réforme. "Nous irons jusqu'au bout, avec le soutien de la majorité, pour instaurer un nouveau mode de scrutin, plus démocratique, plus représentatif, et avec la parité", a-t-il déclaré le 20 février.
Les députés se prononceront ce 26 février dans l'après-midi sur l'ensemble du texte. Les socialistes détenant la majorité absolue, le texte devrait être adopté sans difficulté. La deuxième lecture du projet de loi par les sénateurs devrait avoir lieu, d'abord en commission des lois le 27 février, puis en séance publique le mercredi 13 mars.

Thomas Beurey / projets publics

Localtis reviendra dans sa prochaine édition sur le volet communal et intercommunal de ce projet de loi, en sachant que les députés ont adopté un certain nombre d'amendements, dont plusieurs assez techniques. Dans les grandes lignes, on retiendra qu'ils ont sans surprise approuvé le système de fléchage pour l'élection directe des représentants des communes au sein des intercommunalités. Ils ont aussi abaissé à 500 habitants, au lieu de 3.500 actuellement, le seuil à partir duquel sera en vigueur, pour les élections municipales, le mode de scrutin par liste avec obligation de parité. Ils ont, enfin, voté une légère modification de la répartition des conseillers de Paris entre les arrondissements.