Finances intercommunales - La réforme de la TP peut-elle être remise à plat ?
Dans cette période post et pré-électorale, l'Association des communautés urbaines de France (Acuf) est la première association d'élus à demander un rendez-vous de travail au nouveau gouvernement. Le sujet au coeur de ses préoccupations est... la réforme de la taxe professionnelle ! Les autres associations sont pour le moment particulièrement silencieuses : l'annonce, il y a quelques jours, d'un futur passage du bouclier fiscal de 60% à 50% n'a provoqué aucune réaction alors que les collectivités avaient montré, lors du vote de la loi de finances de 2006, leur forte opposition à ce dispositif qui leur impose, dès cette année, de reverser une partie de leur produit de taxes locales.
L'Acuf a profité de la réunion de son bureau national, le 29 mai, pour se lancer, espérant qu'avec un changement de gouvernement, leurs revendications seraient désormais entendues. "Quand Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur, il nous a assuré qu'il avait des réticences vis-à-vis de la réforme de la taxe professionnelle mais qu'il se devait d'être solidaire du gouvernement. Devenu candidat aux présidentielles, il nous a assuré qu'il était favorable à un réexamen de cette réforme." Pour Gérard Collomb, président de l'Acuf et de la communauté urbaine de Lyon, il n'est donc pas vain d'imaginer une remise à plat du plafonnement à la valeur ajoutée.
Pour 2006, ça va à peu près
Suivant les données budgétaires de 2006, avec un budget de 8,1 milliards d'euros, les quatorze communautés urbaines connaissent une augmentation de leur investissement de près de 20%. Les ressources fiscales, qui représentent près de la moitié des recettes de fonctionnement, progressent de 4,9% en 2006. Or les contributions directes sont pour 93% constituées par la taxe professionnelle. Les données montrent que les communautés urbaines n'ont pas profité de cette dernière année avant l'application de la réforme pour augmenter leur taux de TP. Au total, pour les onze communautés urbaines en taxe professionnelle unique, les bases ont augmenté de 2,3% et les taux de 2,4% en moyenne.
"Si l'augmentation des taux est la plus forte depuis 5 ans, cela est dû à une seule communauté urbaine, celle de Marseille, qui a fortement augmenté sa TP. Si l'on enlève cette CU des statistiques, les taux de TP n'ont augmenté que de 0,4% en 2006. On peut donc dire que le ticket modérateur aurait eu, en 2006, peu d'effet sur les finances intercommunales", reconnaît le président de l'Acuf. "Mais, pour la communauté urbaine de Lyon, je peux dire que compte tenu de l'évolution des bases, dans les prochaines années, nous allons devoir trouver une alternative à la TPU", ajoute-t-il. Les communautés urbaines constatent une tertiarisation de l'économie qui a pour effet de réduire les bases de l'impôt économique. "Le secteur tertiaire s'appuie avant tout sur la masse salariale et non sur l'investissement qui détermine la TP. De plus, les entreprises industrielles font le choix de s'installer à la périphérie de nos territoires où le prix du foncier est moins élevé et la TP plus basse", ajoute Robert Grossmann, président de la CU de Strasbourg et prochain président de l'Acuf.
Charges de centralité
Quelles seraient les pistes pour réformer la TP ? L'Acuf s'appuie sur le rapport de Philippe Valletoux qui prévoit que la taxe professionnelle soit une ressource uniquement affectée aux communes et ECPI. Et la fiscalité mixte qui consiste à lever la TPU et une part d'impôts ménages ? "Ce n'est pas notre solution, précise Robert Grossmann. Nous n'y sommes pas favorables mais nous allons devoir y avoir recours pour préserver nos ressources." L'idée serait donc de permettre aux CU en TPU de prendre une part d'impôt ménages pour avoir une nouvelle marge de manoeuvre fiscale. Une solution qui depuis des mois est dans de nombreux esprits. Sa légitimité vis-à-vis des contribuables n'est pas remise en cause, les ménages profitant eux aussi des services intercommunaux, mais son impact politique auprès des communes membres est une autre affaire : le risque consiste à accroître la pression fiscale, sauf si les communes acceptent une amputation de leurs propres recettes fiscales.
"Nos communautés urbaines rayonnent bien au-delà de nos territoires institutionnel et les salariés, comme la population des communes en périphérie, bénéficient de nos investissements : quand nous engageons une politique du transport, nous le faisons dans une optique d'harmonisation avec l'ensemble de la desserte métropolitaine", illustre Gérard Collomb. Constatant un retard vis-à-vis de nos voisins européens - comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni -, les communautés urbaines demandent que soient imaginées de nouvelles entités, "régions urbaines" définies en fonction des territoires.
L'Acuf a donc demandé à Philippe Valletoux, dans la prolongation de son premier rapport au Conseil économique et social, de réfléchir à la spécificité financière des entités urbaines. Ce travail devrait être rendu aux alentours du 10 juillet prochain. L'Acuf, absente de la Conférence nationale des finances publiques jusqu'ici, a bien l'intention de faire entendre sa voix.
Clémence Villedieu