La mission Data et territoires incite l'Etat et les collectivités à mieux coopérer
La mission Data et territoires a rendu son rapport le 9 novembre 2023. Sont proposées 20 pistes pour améliorer la gouvernance, l'accès, la réutilisation et l'appropriation des données publiques. Avec pour priorité la mise en place d'une gouvernance Etat-collectivités qui dépasse la question de l'open data.
Le rapport de la mission Data et Territoires a été officiellement remis le 9 novembre 2023 à Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. Il est signé de Christine Hennion, conseillère municipale de Courbevoie et ancienne députée, Magali Altounian, adjointe au maire de Nice, et Bertrand Monthubert, président du Conseil national de l’information géolocalisée (Cnig). Fruit de consultations avec une centaine d'acteurs de mai à juillet 2023, le rapport fait 20 recommandations pour améliorer la gouvernance et l'accès aux données publiques, et à faciliter leur partage et utilisation.
Relativiser l'échec de l'open data local
Au rang des constats, la mission tempère l'échec de l'Open data local, une "obligation" respectée par seulement 16% des collectivités concernées, par la dynamique observée dans de nombreux territoires et l'intérêt croissant d'élus "de collectivités de toutes tailles" pour la donnée. Aussi, la mission considère-t-elle que "la question principale est davantage de savoir comment mieux accéder aux données et les utiliser pour l’action publique territoriale, plutôt que de savoir si c'est opportun de le faire". Elle souligne au passage les réussites locales en matière de mutualisation à grande échelle – Data Grand Est (portail de la coopération pour l'information Géographique Grand Est), Mégalis Bretagne ( portail qui facilite la mise à disposition des délibérations et actes réglementaires des collectivités bretonnes), Data Sud (plateforme régionale de données de la région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur)…- et appelle à s'inspirer de la gouvernance mise en œuvre avec succès dans le domaine de l'information géographique.
Relations déséquilibrées avec l'Etat
Elle note ensuite une "relation déséquilibrée" entre l'Etat et les collectivités en matière de données source de "frustrations". Les collectivités de toutes tailles croulent ainsi sous les demandes de données de la part des administrations de l'Etat, avec parfois des doublons, et sans toujours connaitre la finalité recherchée par la puissance publique. Or à l'inverse, l'accès des collectivités aux données de l'Etat et en particulier de ses services déconcentrés reste complexe. Le manque de "découvrabilité des données" (traduit de l'anglais, mesure dans laquelle quelque chose, en particulier un élément de contenu ou d'information, peut être trouvé lors d'une recherche dans un fichier, une base de données ou un autre système d'information), la facilité d'accès avec des sites multiples et des modes d'accès non harmonisés ne sont pas les seuls en cause. Les collectivités déplorent aussi que l'accès à certaines données n'ayant pas vocation à être ouvertes mais utiles à la mise en œuvre de leurs politiques publiques, leur soient refusées ou avec des délais qui atteignent parfois 2 à 3 ans. Par ailleurs, les données ne leur sont pas toujours fournies avec une granularité et une échelle pertinente. La mission appelle à une "clarification" de la gouvernance et à une approche davantage "collaborative" entre acteurs publics, voire au-delà. Une approche qui est du reste celle de l'Europe (Data Act, Data gouvernance Act) et qui devient indispensable au moment où l'intelligence artificielle exige de mobiliser de vastes bases de données.
Comités territoriaux de la donnée
Les recommandations de la mission s'articulent autour de trois objectifs :
- l'amélioration de la gouvernance,
- le développement de l'accès et de la réutilisation des données,
- le passage à l'échelle et l'acculturation.
En matière de gouvernance, elle propose d'instaurer des Comités territoriaux de la donnée associant État et collectivités. Ces instances seraient chargées de définir des priorités de collecte et d'exploitation des données au niveau territorial. Au niveau national, la mission appelle à s'appuyer sur les feuilles de route data ministérielles pour mieux prendre en compte les besoins des territoires. Le rapport met aussi l'accent sur "l'industrialisation des standards" qui restent une des clefs essentielles à la réutilisation massive des données. Des standards qui pourraient notamment être imposés aux éditeurs de logiciels métiers avec lesquels la mission incite à utiliser, si besoin, le levier réglementaire.
Soutien à la mutualisation
Autre levier suggéré pour favoriser l'accès aux données des administrations : accélérer la résolution des demandes d'accès aux données (les collectivités sont aussi concernées) pour lesquelles la Cada a été saisie et instaurer des sanctions pour les administrations récalcitrantes. Au titre du "passage à l'échelle", la mission insiste sur le nécessaire soutien financier aux structures de mutualisation et la transformation des appels à projets en "appels à communs" pour lutter contre les effets délétères de la concurrence entre territoires. Elle propose aussi un nouveau mécanisme de financement inspiré de la recherche, dit de "préciput", en affectant une part des financements de projets à des actions de mutualisation. L'ajout de clauses favorables à la mutualisation dans les marchés publics est également cité comme un moyen de faire baisser le coût du partage des données. Mais toutes ces mesures n'auront un effet que si les élus, les administrations et les citoyens acquièrent une véritable culture de la donnée, objet de plusieurs propositions comme l'encouragement des chartes éthiques de la donnée et le soutien aux dispositifs de crowdsourcing.
Metéo France rend gratuit l'accès à ses données Parmi les données de l'Etat encore difficilement accessibles aux collectivités figuraient celles de Méteo France, l'un des derniers bastions des données publiques soumises à redevance. Après l'IGN en 2021, Méteo France vient en effet d'annoncer la gratuité de l'accès à l'ensemble de ses données à compter du 1er janvier 2024. Dans le détail, sont concernées : - les données d’observation en temps réel (stations sol, radars de précipitation), - les données de prévision avec l'accès aux modèles de prévision numérique jusqu’à 4 jours d’échéance, - les données climatologiques intégrant les observations passées, - les projections climatiques jusqu’à la fin du siècle, au niveau global et local. Cette décision était attendue depuis la circulaire du Premier ministre du 27 avril 2021. L'objectif de l'Etat est de "multiplier les usages" et de développer "l'innovation", une communauté des utilisateurs des données météo étant lancée pour accompagner ce mouvement. |