Sécurité - La Loppsi 2 arrive au Sénat
Le Sénat ouvre sa session extraordinaire par l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi 2), déjà adopté par les députés en février dernier. C'est l'un des textes importants du quinquennat, préparé par Michèle Alliot-Marie, repris par Brice Hortefeux. La Loppsi 2 fixe les grandes orientations des forces de l'ordre (police et gendarmerie) et de la sécurité civile sur cinq ans (2009-2013), mais pas seulement. Le texte traite de bien d'autres domaines comme la cybercriminalité, l'insécurité routière, la sécurité des stades, l'évacuation des campements illicites... Il entend faciliter le recours à la vidéosurveillance (qui devient officiellement "vidéoprotection"). C'est lui aussi qui crée les polices d'agglomération et instaure un couvre-feu pour les mineurs de moins de treize ans non accompagnés la nuit. La Loppsi 2 traduit également le tour de vis sécuritaire de cet été avec une vingtaine d'amendements déposés par le gouvernement. Un gouvernement qui se montre déterminé dans son action mais qui aura fort à faire pour rassembler ses troupes. Le président UMP du Sénat, Gérard Larcher, a lui-même affiché ses réserves dans un entretien au Monde daté du 7 septembre, expliquant qu'il fallait "faire attention" sur les questions de sécurité et les "regarder avec raison". Gérard Larcher prend notamment ses distances sur la question de la comparution immédiate des mineurs (un amendement du gouvernement prévoit que le procureur de la République puisse saisir directement le tribunal pour enfants), les peines-planchers et "la responsabilité pénale des parents pour les délits commis par leurs enfants". "Cela me heurte", affirme le président du Sénat, expliquant que "l'arsenal législatif pour mettre en cause les parents n'exerçant pas leurs responsabilités existe déjà" (article 227-17 du Code pénal, ndlr). Cette mesure ne figure toutefois pas dans la Loppsi 2 mais doit faire l'objet d'une proposition de loi du député Eric Ciotti.
Accès aux fichiers
La Loppsi 2 contient également de nombreuses mesures relatives à la police municipale alors qu'un débat a lieu en ce moment sur la place de celle-ci dans la chaîne de la sécurité aux côtés de la police et de la gendarmerie. Elle confère la qualité d’agents de police judiciaire aux directeurs de police municipale qui pourront constater l’ensemble des crimes, délits ou contraventions. Elle donne la possibilité aux policiers municipaux de procéder à des contrôles d’identité et à des contrôles routiers préventifs. En juin dernier, la commission des lois du Sénat avait étendu cette possibilité aux contrôles de stupéfiants sur les conducteurs à la suite d’accidents. Le sénateur UMP des Alpes-Maritimes, Louis Nègre, a déposé une série d'amendements visant à accroître encore les compétences de la police municipale. L'un d'eux leur donnerait un accès direct aux "bases de données informatisées concernant : l'identification des véhicules, le fichier national des permis de conduire, le fichier des personnes recherchées et le fichier des véhicules volés". "Les terminaux installés dans les services de police municipale doivent permettre une traçabilité des recherches effectuées", précise l'amendement. Louis Nègre veut par ailleurs conférer aux policiers municipaux la "qualité encadrée" d'agents de police judiciaire (et non seulement d'agents de police judiciaire adjoints). Ils pourraient ainsi eux-mêmes procéder aux auditions des contrevenants aux infractions qu'ils peuvent constater, sans passer par la police ou la gendarmerie (l'article 21 du Code de procédure pénale ne donne aux policiers municipaux que la possibilité de "recueillir d'éventuelles observations du contrevenant"). Le sénateur propose par ailleurs d'instaurer une médaille d'honneur de la police municipale.
Vidéosurveillance, vidéoprotection ou système vidéo ?
En matière de vidéoprotection, la Loppsi 2 doit permettre la réalisation du plan national d'équipement qui fixe l'objectif d'une multiplication par trois du nombre de caméras sur la voie publique, pour arriver au nombre de 60.000. Le préfet pourra en imposer l’installation aux communes dans certains cas (prévention d’actes de terrorisme, protection d'installations et d'établissements sensibles). Mais l'un des points à trancher reste le vieux débat du contrôle de la vidéoprotection. La commission des lois semblait avoir trouvé un compromis : le contrôle attribué à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et la mission d’évaluation et d’amélioration des performances des systèmes confiée à la Commission nationale de la vidéoprotection. Mais le sénateur PS Charles Gautier (président du Forum français pour la sécurité urbaine) propose de ne retenir que la Cnil.
Par ailleurs, la querelle sémantique autour de la vidéoprotection n'est pas terminée. Plusieurs amendements visent à revenir au terme de "vidéosurveillance" ou à celui, plus neutre, de "système vidéo".
Michel Tendil