Archives

Social - La fraude aux prestations sociales dépasserait les 500 millions d'euros

La parution, dans le quotidien Le Parisien, d'une note de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) sur le montant de la fraude aux prestations sociales - dont le RMI/RSA - a obligé le ministère du Travail à réagir très vite sous la forme d'un communiqué publié le 29 avril. Le sujet est d'autant plus sensible que cette publication survient alors que l'attention des médias est focalisée sur le cas d'un intégriste musulman dont les épouses ou concubines auraient perçu indûment l'allocation de parent isolé (API).

Le document à l'origine de la réaction du gouvernement n'a pourtant rien de confidentiel, puisqu'il s'agit d'une note d'information examinée par le conseil d'administration de la Cnaf dans sa séance du 6 avril. Celle-ci concerne le "bilan de l'opération nationale d'évaluation de la qualité des droits payés et des risques". Cette évaluation, basée sur le contrôle d'un échantillon de dossiers d'allocataires, a permis à la Cnaf de tirer plusieurs enseignements. Tout d'abord, elle révèle que la masse des indus - à ne pas confondre avec la fraude, puisqu'il s'agit le plus souvent d'erreurs ou de décalages dans la prise en compte de changements de situation - se situerait entre 1,66 et 1,96 milliard d'euros en 2009, ce qui correspond bien au montant total des indus effectivement repérés par les CAF au cours de cette année (2 milliards d'euros), et dont 88% sont récupérés au cours des trois années suivant la détection. Le même constat peut être fait sur les rappels, qui s'opèrent le plus souvent par compensation entre prestations (par exemple, sous la forme d'une réduction à due concurrence des versements à venir). Ceci permet à la Cnaf d'affirmer que le taux de "bon droit" sur les prestations versées est de 96,16%.

La question de la fraude est plus délicate pour la branche famille. La note relève en effet que "le taux d'allocataires qui seraient auteurs d'une fraude en 2009 est estimé à 2,15% des allocataires (incertitude statistique de +/-0,3 point), soit 200.000 allocataires. L'impact financier de la fraude serait compris par an entre 0,91% et 1,36% du montant total des prestations versées en 2009, soit entre 540 et 808 millions d'euros". Contrairement au cas des indus, l'évaluation du volume des fraudes est très supérieure aux montants effectivement détectés par les CAF en 2008, soit 9.397 allocataires et 0,14% du total des prestations servies (79,8 millions d'euros). Un rapide calcul montre également que l'évaluation du montant moyen par fraudeur (entre 2.700 à 4.040 euros) est nettement plus faible que le montant effectivement constaté sur les fraudes repérées en 2008 (8.407 euros par fraudeur). Cet écart pourrait s'expliquer par le fait que les CAF détectent davantage les fraudes les plus importantes. Comme le reconnaît la note de la Cnaf, "ces résultats pourraient mettre en évidence un problème important de détection de la fraude". De plus, il apparaît que le problème vient moins d'une mauvaise détection des fraudes que d'erreurs de qualification sur les indus, dont certains cacheraient en réalité des manoeuvres frauduleuses. Outre une remise en cause du taux de "bon droit" de 96,16%, ceci pourrait conduire certaines CAF à accorder des remises sur des indus qui seraient en fait des fraudes.

Dans leur communiqué du 29 avril, Eric Woerth et Nadine Morano rappellent que "le gouvernement a pris de nombreuses mesures pour renforcer l'efficacité de la lutte contre les fraudes". Ceci s'est notamment traduit par la mise en place du comité national et des comités départementaux de lutte contre la fraude (voir nos articles ci-contre) et par l'intégration de la lutte contre la fraude dans les axes prioritaires de la convention d'objectif et de gestion (COG) signée entre l'Etat et la Cnaf. Le rapprochement entre les données sociales et les données fiscales devrait également se traduire, dans les prochaines années, par une meilleure détection des fraudes portant sur la condition d'activité ou sur les déclarations de ressources. Avec pour effet paradoxal d'augmenter le montant de la fraude affiché par la branche famille...

 


Jean-Noël Escudié / PCA

 

 

Téléchargements

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis