Prestations sociales - Avec deux nouveaux décrets, le dispositif anti-fraude se resserre
Sous l'impulsion du ministre du Budget, le dispositif de lutte contre la fraude aux prestations sociales s'est considérablement renforcé. Plusieurs textes sont ainsi parus depuis deux mois : un arrêté mettant en place la carte d'admission à l'aide médicale (avec photo), un décret fixant de nouvelles règles pour la récupération des indus sur les prestations familiales (tous les indus ne correspondant cependant pas à des fraudes) et une circulaire conjointe des ministres de la Justice et du Budget pour renforcer la coopération entre magistrats et directeurs d'organismes de Sécurité sociale (voir nos articles ci-contre). Deux nouveaux décrets du 20 août 2009 viennent encore renforcer ce dispositif.
Le premier habilite les directeurs d'organisme de Sécurité sociale à recouvrer les prestations par voie de contrainte. Le principe de cette habilitation a été posé par l'article 118 de la loi du 17 décembre 2009 de financement de la Sécurité sociale (LFSS), devenu l'article L.161-1-5 du Code de la Sécurité sociale (CSS). Sont notamment concernés les directeurs de CAF, de CPAM et d'Urssaf, ainsi que ceux des caisses de MSA et des Cram (qui gèrent le régime vieillesse pour le compte de la Cnav). Le décret précise les conditions de mise en oeuvre de l'action en recouvrement de prestations indues. Celle-ci s'ouvre par l'envoi d'une notification de payer précisant le motif, la nature et le montant des sommes à régler, ainsi que l'existence d'un délai de paiement et de voies de recours. A l'expiration du délai de forclusion ou en cas de refus du débiteur de payer, le directeur de l'organisme lui adresse une mise en demeure reprenant les différents éléments d'information et précisant les raisons qui ont conduit, le cas échéant, à écarter les observations du débiteur. Un article du décret traite du cas particulier du revenu de solidarité active (RSA), en permettant d'appliquer l'article L.161-1-5 du CSS à une prestation qui relève du Code de l'action sociale et des familles.
Le second décret du 20 août 2009 vise uniquement l'assurance maladie. Il met, lui aussi, en oeuvre les dispositions de la LFSS 2009. L'objectif de ce décret volumineux est moins de créer de nouvelles sanctions que de faciliter leur mise en oeuvre en simplifiant et en accélérant les procédures. Le but affiché est d'aller bien au-delà des 521 pénalités prononcées en 2008, pour un montant moyen de 1.500 euros. Le texte couvre tout le champ de l'assurance maladie et concerne l'ensemble des parties prenantes : assurés sociaux, mais aussi employeurs, professions de santé, établissements de soins, laboratoires d'analyses, maisons de retraite... Il vise également les prestations de solidarité, comme la CMU, l'aide médicale d'Etat (AME) et l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS). Outre une définition plus précise des différentes infractions, le décret du 20 août introduit plusieurs innovations. Il permet, par exemple, à une caisse primaire de mener une procédure au nom de plusieurs caisses concernées par une même fraude. Il autorise aussi les caisses, dans des circonstances bien précises (fausses déclarations, usage de faux...), à infliger elles-mêmes des sanctions financières, alors qu'elles devaient jusqu'à présent faire appel à la justice. De même, le texte introduit de nouvelles infractions, comme la fraude en bande organisée. Enfin, le décret introduit des sanctions planchers dans les cas les plus graves, auxquelles il ne pourra être dérogé. Dans ces cas les plus graves - qui continueront de relever de la justice pénale -, le texte prévoit des sanctions financières pouvant aller jusqu'à 300% du montant de la fraude.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : décret 2009-988 du 20 août 2009 habilitant les directeurs des organismes de Sécurité sociale à recouvrer les prestations indues par voie de contrainte ; décret 2009-982 du 20 août 2009 relatif aux pénalités financières prévues à l'article L. 162-1-14 du Code de la Sécurité sociale et à diverses mesures intéressant la lutte contre la fraude (Journal officiel du 21 août 2009).