Politique de la ville - "La France une chance pour tous" : les réactions à chaud

Le premier à se déclarer satisfait, c'est Jean-Louis Borloo. "Tous les sujets de mon rapport ont été cochés", a-t-il affirmé juste après l'allocution d'Emmanuel Macron sur les banlieues, mardi 22 mai à l'Elysée. "Les dix-neuf points du rapport y sont tous. J'ai retrouvé la cour d'équité territoriale, la fondation, le campus numérique, la cité éducative, la mobilisation de tout le monde. Je n'en vois pas un qui manque, sauf peut-être le programme 'à la rencontre de l'autre'", a-t-il dit à l'AFP. "Après c'est un art de l'exécution", a-t-il ajouté.
Avant la prise de parole du chef de l'Etat, l'ex-ministre de la Ville avait eu cinq minutes pour rappeler que "les banlieues ne demandent pas d'argent ou d'assistance", mais simplement leur "place dans la République", au même titre que "d'autres territoires de la République" que sont "les bassins industriels en crise", les "zones rurales", ou "une partie des outre-mer". "Ce dont on parle c'est d'un rattrapage ou une reconquête républicaine pour 10, 15 millions de nos compatriotes", avait-il souligné.

L'ADCF et France urbaine se sont félicitées dans un communiqué "de l’intérêt exprimé par le président de la République pour le Pacte de Dijon pour une nouvelle politique de cohésion urbaine et sociale" quand il a déclaré "Avec les métropoles et agglomérations, nous avons conclu un Pacte. J’y suis prêt". Les premiers signataires du Pacte, au nombre de 77 au moment de la rédaction du communiqué, "sont prêts à se lancer dans une nouvelle contractualisation, afin de mettre en œuvre concrètement les engagements de l’Etat et des territoires urbains", ont assuré les deux associations d'élus. Leurs deux présidents, Jean-Luc Rigaut et Jean-Luc Moudenc, se disent "convaincus que la politique de cohésion urbaine et sociale a aujourd’hui besoin d’une refondation ambitieuse et de nouvelles méthodes de travail entre l’Etat et les collectivités". Comme Emmanuel Macron, ils semblent avoir abandonné le vocable "politique de la ville", renvoyant sans doute pour eux à une "politique qui s’est parfois dispersée dans l’empilement de dispositifs et de procédures". Pour autant, "les deux associations restent vigilantes quant au suivi d’actions concrètes et effectives liées aux engagements du Pacte", ajoutent-elles.
A titre personnel, Jean-Luc Moudenc s'est félicité que le président de la République n'ait "éludé aucun des sujets essentiels qui font le quotidien des élus locaux : la sécurité, la lutte contre les trafics de stupéfiants ainsi que la radicalisation" et qu'il ait "reconnu que rien ne pourrait se faire sans les maires". Le maire de Toulouse a également estimé qu' "Emmanuel Macron a raison de vouloir laisser son costume de 'Président des villes' pour prendre celui des quartiers populaires".

"Le débat est ouvert, saisissons-le !", a de son côté réagi Villes de France, rappelant qu'en matière de quartiers prioritaires de la politique de la ville, "les villes moyennes sont en première ligne" avec 390 villes ayant un ou plusieurs QPV (soit plus de la moitié des villes "moyennes" de France). Prenant au mot le président de la République quand il appelle à poursuivre la "mobilisation en faveur des quartiers", Villes de France renouvelle officiellement dans un communiqué "sa demande de solutions pérennes en faveur des habitants des quartiers".
Elle demande que "le plan de bataille sur l’éducation et la santé annoncé (fasse) l’objet d’une large concertation avec les élus locaux". Elle demande également que les maires soient "au cœur du dispositif" pour tout ce qui concerne la sécurité, la prévention de la délinquance, la lutte contre l’obscurantisme". A ce titre, elle estime que "le protocole de collaboration annoncé par le président de la République entre l’Etat et les communes dans la lutte contre la radicalisation (Ndlr : protocole portant sur l'information des personnes fichées F) est une première étape".
Concernant la rénovation urbaine, Villes de France "attend des orientations concrètes redonnant aux bailleurs des marges de manœuvre financières leur permettant de mener à bien leurs actions".
Et d'une manière générale, elle insiste sur le principe que "toutes les solutions envisagées doivent se construire en étroite association avec les habitants, en ne plaquant pas des solutions identiques partout sur le territoire national".

A l'AMF, on se sent quelque peu désemparé. "Politique de la ville : il ne peut y avoir d’ambitions sans moyens", titre leur communiqué publié en réaction aux "intentions exprimées par le président de la République dans la continuité des propositions du rapport de Jean-Louis Borloo". L'Association des maires de France "prend acte" que "la concrétisation des annonces sera précisée dans les prochaines semaines" et réaffirme sa conviction qu'"il ne peut pas y avoir d’ambitions sans moyens" financiers. "L’AMF reste en attente des précisions à venir sur la mise en œuvre des mesures annoncées dont les maires seront les acteurs incontournables", conclut son communiqué.
Un autre signé d'André Laignel, vice-président de l'AMF, estime qu'Emmanuel Macron avait "froidement douché les espoirs" qu'avait inspirés le rapport Borloo. "De fait, il a tourné le dos au travail de l'ancien maire de Valenciennes, qui avait étroitement associé les élus locaux et les associations afin de promouvoir une image renouvelée de nos territoires défavorisés", écrit-il. Il n'a pas non plus apprécié que le président de la République ait "stigmatisé" les élus de banlieues, les rendant "coupables d’un supposé 'clientélisme'".

L'association des maires Ville & Banlieue de France est encore plus sévère. Dans son communiqué, elle commence par "regretter vivement que l'approche globale attendue pour une 'nouvelle saison' de la politique de la ville ait fait long feu". Elle regrette également que "seule une poignée" des suggestions issues de la concertation ait été retenue, alors que cette concertation avait associé "des centaines d'élus, fonctionnaires, acteurs économiques, sociaux et associatifs, ayant une réelle expertise".
Elle estime qu'"on ne peut conduire une politique publique d'Etat censée faire vivre les valeurs républicaines en s'en remettant principalement au bon vouloir des seuls acteurs économiques pour lutter pour l'emploi et la formation, sans évoquer le rôle majeur des services publics comme outils républicains égalitaires". Elle aurait aussi aimé que le président de la République annonce un "calendrier de généralisation" des expérimentations menées dans un petit nombre de quartiers (elle cite : "police de sécurité du quotidien dans 30 sites, 10 opérations pour les copropriétés dégradées, projets 'cœur de quartier' pour 'quelques cibles'"...).
Comme André Laignel, les élus de Ville & Banlieue n'ont pas apprécié d'avoir "été injustement accusés par le chef de l'Etat, à plusieurs reprises, de clientélisme", ni d'être exclus du conseil présidentiel des villes "présenté comme la panacée du pilotage de projet".
Et de conclure : " Ne restera-t-il aux territoires, leurs élus, leurs associations, et surtout leurs habitants, d'autre voie que de saisir l'instance pour l'équité territoriale dont la création a été annoncée ? Il faudra qu'elle soit dotée de moyens conséquents, car elle risque d'avoir du pain sur la planche !"

Le Mouvement HLM a, quant à lui, radicalement changé de ton depuis qu'il a signé avec le gouvernement le "protocole d'accompagnement Etat-mouvement HLM 2018-2021" début avril. Ce 22 mai dans l'après-midi, l'Union sociale pour l'habitat a salué "la volonté affichée par le président de la République d’améliorer la situation dans les quartiers défavorisés" et "la volonté de retour de l’Etat dans les quartiers". Puisque chaque mot compte, on devine que l'adjectif "affichée" a été pesé et repesé.
Sinon, l'USH est d'accord avec le constat, "partage la préoccupation du président de la République de voir le monde économique jouer son rôle dans l’inclusion économique" (en rappelant au passage que les organismes HLM font déjà "leur part" avec leurs partenaires l’association NQT et la fondation Mozaïk) et "demande" sobrement que "le fonctionnement de l’Anru permette la mise en œuvre rapide du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), dans l’intérêt des habitants, aux côtés des collectivités locales".

Après l'intervention présidentielle, l'Anru se sent "plus que jamais au 'cœur des quartiers'" a-t-elle fait savoir dans un communiqué. Elle a retenu de l'allocution que "le président de la République s’est félicité que l’Anru retrouve une capacité d’action et une visibilité financière à moyen et long terme, avec la mobilisation de l’Etat, du mouvement HLM et d’Action Logement autour d’un financement du NPNRU de 10 milliards d'euros, soit 40 milliards d'euros d’investissement dans les quartiers (ndlr : en comptant sur l'effet levier)". L'Agence annonce alors que, forte de cette "confiance renouvelée", elle va "pouvoir de nouveau s’engager fortement et rapidement sur les projets".
Le déploiement du NPNRU serait accéléré via l’initiative "Coeur de quartiers", au programme de son prochain conseil d'administration, vendredi 25 mai.
A noter que le président de la République n'a pas précisé d'où viendraient les 10 milliards d'euros de financement Anru... Action Logement ayant annoncé qu'elle suspendait sa participation au sort de ses recettes discuté dans le cadre du futur projet de loi Pacte.

 

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