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Politique de la ville - Plan Macron pour les quartiers : le détail des premiers engagements

Emmanuel Macron a prononcé, le 14 novembre 2017 à Tourcoing, un discours qui fera date sur la politique de la ville qu'il entend mener - en direct depuis l'Elysée - durant son quinquennat. Le président de la République a appelé à une "mobilisation nationale" pour les quartiers, autour de deux priorités : "ramener le droit commun dans les quartiers" et favoriser "l'émancipation" de leurs habitants. Pour chacune de ces priorités, il a listé la quarantaine d'engagements qu'il a d'ores et déjà pris et qui figureront dans le "plan" devant être présenté en février prochain. Détail.

"Ce que je suis venu partager avec vous, ce sont des convictions profondes, intimes, personnelles." Emmanuel Macron est en fait venu avec un peu plus que cela à Tourcoing, le 14 novembre 2017.
Avec ce discours, qui fera date, le président de la République a d'abord montré que la politique de la ville était pilotée directement par l'Elysée. Il a aussi rendu hommage aux acteurs et à la qualité de leur travail, ce qui n'est pas rien dans un contexte où la question de l'efficacité de cette politique est sans cesse remise en cause.
Le discours de Tourcoing a aussi présenté un diagnostic lucide des quartiers, une liste d'engagements et une méthode de travail. La méthode de travail débutait ce jour-là avec un "appel à la mobilisation nationale pour les villes et pour les quartiers". Une mobilisation qui "doit être celle du gouvernement, des collectivités territoriales, des associations, des entreprises, des intellectuels" (voir ci-dessous notre article du 14 novembre 2017). 

Un "plan de bataille" en février 2018

Cette mobilisation nationale a pour objet d'échafauder et mettre en œuvre le "plan de bataille" qui devra être prêt pour février 2018. Ce plan sera co-construit sur la base des deux grandes priorités et de la quarantaine d'engagements qu'il a présentés. "Cette mobilisation nationale doit en quelque sorte finaliser un plan de bataille structuré", a résumé Emmanuel Macron à la fin de son discours. "Je veux que ce plan de mobilisation générale, nous le construisions ensemble, nous l'agissions ensemble parce que c'est cela aussi, cette rénovation morale dont nos quartiers ont besoin." Objectif : "Je veux que le visage de nos quartiers ait changé à la fin de ce quinquennat (...) parce qu'on aura réussi pas seulement la rénovation urbaine mais la rénovation morale."
Au vu des premières réactions, l'appel à la mobilisation a été entendu et plutôt bien accueilli. Les plus sceptiques ne remettent pas en cause le diagnostic, ils s'interrogent plutôt sur l'efficacité des mesures, parfois sur la sincérité des objectifs (voir notre encadré ci-dessous).

Création du Conseil présidentiel de la ville

Le président de la République s'est engagé à "réunir tous les trois mois à l'Elysée non seulement ceux qui auront conduit ce travail mais des acteurs multiples de la politique de la ville, des acteurs de terrain". "Je vais m'entourer comme je l’ai fait pour d'autres politiques d'un Conseil présidentiel de la ville où il y aura des représentants des quartiers, des femmes et des hommes qui ne sont pas là pour administrer la politique des quartiers (...) mais qui y vivent." Il y aurait ainsi "une quinzaine d’engagés auprès de moi", a-t-il précisé.
Une fois le "plan de mobilisation général" défini, en février prochain, il y aura "tous les trois mois" des "réunions de chantier" à l'Elysée, avec les élus et les associations pour suivre l'état d'avancement des dossiers et des expérimentations. Dans ce cadre, "une dizaine" de quartiers "qui concentrent toutes les problématiques" seront choisis, sur lesquels des actions seront menées et évaluées deux ans plus tard "afin d'en tirer toutes les leçons".

"Personne ne perdra, dans les communes concernées par la politique de la ville, le moindre crédit sur 2018"

Un bonne partie du discours de Tourcoing a été consacrée aux "engagements de court terme que j’ai pris et qui sont dans les textes budgétaires en cours de négociation ou qui arriveront dans les prochains jours", ainsi que les a présentés le président de la République.
Concernant les engagements financiers, il a promis que "les acteurs associatifs verront les crédits de la politique de la ville qui financent leurs actions sanctuarisés pour tout le quinquennat". Il a aussi assuré que "les dotations spécifiques aux collectivités ayant de nombreux quartiers populaires seront maintenues, notamment la dotation politique de la ville". La dotation de solidarité urbaine sera même "augmentée cette année à hauteur de 90 millions d'euros". Il a précisé que "personne ne perdra, dans les communes concernées par la politique de la ville, le moindre crédit sur 2018".

Une vingtaine d’engagements pour "ramener le droit commun dans les quartiers"

Emmanuel Macron a surtout énoncé les deux "priorités" qui doivent guider le futur plan pour les quartiers. La première est très classique puisqu'il s'agit de "ramener le droit commun dans les quartiers". La seconde est plus originale : il s'agit de favoriser "l'émancipation des habitants", leur "mobilité" à la fois physique et "dans les esprits". Pour chacune de ces deux priorités, le chef de l'Etat a listé les engagements d'ores et déjà pris.
Pour ce qui est de "ramener le droit commun dans les quartiers", six thématiques sont convoquées (sécurité, lutte contre la radicalisation, lutte contre la pauvreté, santé, discrimination à l’embauche, rénovation urbaine) ainsi qu'une vingtaine de mesures qui correspondent à des engagements déjà pris ou précisés. La volonté de les évaluer est également exprimée.

SECURITE ET LUTTE CONTRE LA RADICALISATION

Création d'emploi de policiers et gendarmes. "Sur les 10.000 créations d'emplois de policiers, de gendarmes du quinquennat, (...) nous concentrerons les efforts dans les quartiers les plus en difficulté."

Police de sécurité du quotidien.  Elle sera expérimentée "dans les quartiers les plus en difficulté", avec "des stratégies et des solutions de sécurité négociées avec les élus, avec les associations de quartiers et qui répondent justement au sentiment d'insécurité et à la réalité connue par nos concitoyens". Le réseau des centres de loisirs jeunesse de la police nationale, qui accueillent des jeunes de 9 à 17 ans en décrochage scolaire, sera associé à l'expérimentation, ainsi que le réseau des délégués à la cohésion police-population qui se compose de policiers retraités, "chargés de renforcer le lien entre la population, les acteurs de terrain et les services de police". A noter : les conseils citoyens seront "associés" à l'élaboration du diagnostic "sécurité" territorial (voir notre article du 30 octobre 2017).

Amende immédiate pour détention de stupéfiants. Pour les délits comme la détention de stupéfiants, dont la réponse n'est aujourd'hui que pénale, les forces de l'ordre auraient la possibilité de "répondre par une amende immédiate" et par "des procédures comparables à ce que l’on fait aujourd'hui pour les délits routiers".

Procédure d'éloignement temporaire. Pour éloigner pendant une période donnée "des jeunes dont on sait qu'ils produisent des nuisances et rendent la vie des quartiers insupportable", les forces de police pourraient constituer des "dossiers" donnant, "dans un délai de 48h, au juge la possibilité d'éloigner pour un temps donné du hall d'immeuble, de la zone identifiée, tel ou tel individu qui crée des troubles répétés sans qu'il ait pu être pris en flagrant délit". Cette mesure fait partie de la réforme pénale conduite par le ministre de l'Intérieur et la garde des Sceaux.

Plans locaux de lutte contre la radicalisation. "Une quinzaine" de "plans de lutte contre la radicalisation et d’activation d’une politique de déradicalisation" seront présentés, "d’ici au début de l’année prochaine", par le ministère de l’Intérieur. Ces plans seront "négociés avec les élus", ils bénéficieront de "moyens supplémentaires" et comprendront "des fermetures de structures" et "une action résolue sur le terrain" (voir nos articles des 5 et 22 septembre 2017 sur le futur plan national de prévention de la radicalisation).

LUTTE CONTRE LA PAUVRETE ET ACCES AUX SOINS

Familles monoparentales. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une majoration de 30% du complément de mode de garde pour les familles monoparentales, soit un complément de 138 euros par mois (voir notre article du 30 août 2017).

Lancement d'un plan Crèches. Un plan d'action dédié à la construction de crèches dans les quartiers de la politique de la ville sera mis en place. Dans ce cadre, le président de la République "souhaite que les programmes Anru dans ces quartiers intègrent systématiquement la question de la petite enfance" (voir notre article du 31 octobre 2017).

(voir aussi notre article sur la concertation lancée le 17 octobre autour de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes)

Maisons de santé. Le doublement des maisons de santé déjà annoncé concernera "évidemment aussi les quartiers politiques de la ville" (voir notre article du 13 octobre 2017).

Aide à l'installation. Les étudiants se destinant aux professions sanitaires se verront proposer une aide à l'installation.

Prévention. Le président de la République a déclaré vouloir "développer, partout dans ces quartiers, la politique de prévention" (voir notre article sur les ateliers santé villes du 20 juin 2016).

DISCRIMINATION A L'EMBAUCHE

Plan Formation. "Un grand plan de formation des dirigeants publics et privés à la lutte contre les discriminations sera lancé pour faire évoluer les mentalités."

Pénaliser la discrimination. L'Inspection du travail aura pour priorité la lutte contre les discriminations à l'embauche (en plus de la lutte contre le travail détaché illégal et la lutte contre les inégalités salariales femmes-hommes). Le président de la République veut que des inspecteurs "puissent traquer" et "pénaliser" les entreprises qui ont recours à ces pratiques. La liste des entreprises "les plus délinquantes en la matière" serait rendue publique, afin de les "stigmatiser" à leur tour.

Embauche dans le secteur public. L'Etat et les collectivités territoriales devront déployer "une politique volontariste d'embauche de jeunes qui ont leur diplôme, qui ont toutes les qualifications et qui viennent des quartiers les plus en difficulté". Le recours à l'apprentissage pour l'Etat, les collectivités territoriales et la fonction publique territoriale sera "généralisé" et "ciblé" sur les jeunes des quartiers.

Appel à projets. Un appel à projets national et des appels à projets locaux seront lancés "pour profiter de l'expérience et de la compétence du tissu associatif" en matière de lutte contre la discrimination à l'embauche et en matière d'accompagnement auprès de "tous ceux qui font le pari de la compétence et de la formation".

On notera qu'Emmanuel Macron ne reprend pas l'idée des CV anonymes dont, selon lui, "on sait les limites".

Le président de la République entend aussi "mettre en œuvre un vrai travail (…) sur l'orientation, l'accompagnement des jeunes dès le collège et le lycée pour lutter contre ces discriminations qui sont aussi parfois dans les esprits" (voir plus bas).

RENOVATION URBAINE

10 milliards pour l’Anru. Pour "retrouver la force, la mobilisation de la première génération des plans de rénovation urbaine", Emmanuel Macron a redit que "l'Etat sera au rendez-vous des engagements budgétaires pour redonner une ambition à l'Anru, dix milliards d'euros sur les prochaines années, avec une mobilisation de l'Etat, la mobilisation d'Action logement et la mobilisation des bailleurs sociaux", sans préciser comment se répartiraient les contributions de chacun (voir notre article du 6 juin 2017)

Conflit sur les APL-HLM. Le président de la République s’est montré confiant quant à l’issue du conflit ouvert entre le gouvernement et les bailleurs sociaux au sujet de l’article 52 du PLF 2018 (*). "Je sais que dans les prochaines semaines et les prochains mois, la négociation que j'ai demandée au gouvernement avec les bailleurs, l'ensemble des familles de bailleurs, les élus locaux, permettra d'apaiser la situation et de trouver la solution intelligente qui permettra de faire les bonnes économies en gardant l'ambition des projets de construction."
(*) Cet article exige des bailleurs sociaux qu’ils baissent les loyers de leurs locataires bénéficiaires des APL, avec pour conséquence la perte de recettes et donc une baisse de leur capacité d’investissement et de leur capacité à rembourser leurs dettes dont les collectivités sont garantes (voir notre dernier article sur le sujet, daté du 9 novembre 2017).

L’Agence. L’actuel directeur général de l'Anru, Nicolas Grivel, "ne bouge pas et poursuit son travail". Le nouveau président de l’Anru est Olivier Klein (voir notre article du 14 novembre 2017).

Relogement Dalo. Le président de la République a déclaré vouloir "une politique plus fine, plus exigeante sur le terrain, qui évite dans ces quartiers, où nous rénovons, où nous investissons, de concentrer les difficultés, et toujours les mêmes publics, en particulier ceux qui sont éligibles au Dalo". Il situe cet enjeu dans le cadre du plan "Logement d’abord" qu’il a annoncé à Toulouse le 11 septembre (voir notre article).

EVALUATION

Des indicateurs permettant d’évaluer "le retour de l’Etat dans les quartiers" seront définis "ensemble". Ces indicateurs seront rendus publics, car "si c'est suivi, la pression du terrain est là, la stigmatisation existe", pense Emmanuel Macron. Au passage, il donne des exemples d’indicateurs : "postes d'enseignants créés", "bureaux de poste fermés", "médecins présents"...
L’évaluation devrait également servir à éviter de renouveler des erreurs : "Dans combien de communes nous avons financé pendant des années et des années des associations qu'on disait formidables, pour découvrir (…) qu'elles conduisaient à détourner nos plus jeunes de la République, à transformer une religion en un discours de haine et de repli, nous l'avons fait ça aussi, parce que nous n'avons pas évalué", a-t-il déclaré.

Une vingtaine d’engagements pour favoriser "l’émancipation des habitants" des quartiers

La deuxième priorité, "c'est la fin de l'assignation à résidence, c’est cette politique de mobilité que j’évoquais, parce que nos jeunes, comme nos moins jeunes, ils veulent pouvoir bouger, ils veulent accéder, ils veulent sortir de la condition où ils sont nés, où ils sont parfois enfermés", explique Emmanuel Macron. Et "cette politique d’émancipation, c'est d'abord le plein respect de la promesse républicaine".
Pour y parvenir, Emmanuel Macron évoque une vingtaine d’engagements classés en cinq thématiques (école, culture, sport, emploi, infrastructures de transport)

ECOLE

Dédoublement des classes en éducation prioritaire. Le dédoublement des CP est effectif depuis cette rentrée en REP+. Le dédoublement en CP, CE1, en REP et REP+, sera complet "dans le quinquennat". Et "ce sera intégré dans les programmes Anru".

Internats. Le président de la République souhaite "innover dans certains quartiers difficiles en ré-ouvrant des internats d'excellence et des internats de la République", sans préciser la différence entre les deux. "Nous allons multiplier les internats d'excellence dans les zones les plus rurales où les déplacements sont un problème, et dans les zones les plus urbaines où rentrer à la maison parfois menace la capacité à réussir", a-t-il également déclaré.

Le président de la République n’a pas confirmé une quelconque refonte de la carte des REP pourtant annoncée récemment par le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer (voir notre article du 6 novembre 2017).

Dispositifs de droit commun (non spécifique à l'éducation prioritaire). Le président de la République a évoqué la réouverture des classes bilangues, le lancement du dispositif "Devoirs faits", "la réforme de l'orientation dès la fin du collège, au lycée et au premier cycle universitaire, annoncée par le Premier ministre et les ministres, il y a quelques jours".

CULTURE ET SPORT

Ateliers Médicis de Clichy-Montfermeil. Généraliser cette initiative dédiée aux "émergences artistiques et culturelles" et en faire une des priorités portées par l’Anru "en cohérence avec la rénovation urbaine".

Ouverture des bibliothèques. L’Etat accompagnera financièrement "toutes les communes qui sont prêtes à ouvrir en soirée et le week-end les bibliothèques", y compris le dimanche (voir notre dernier article sur le sujet).

Pass Culture. Les expérimentations sur le Pass Culture seront conduites "dès la fin 2018" et "commenceront dans les quartiers en difficulté".

Sport. L'Etat "pérennisera" les actions des collectivités et des associations, mais pas n’importe lesquelles : celles qui seront "évaluées comme les plus efficaces, plus pérennes et qui permettent, pour les publics les plus en difficulté, de revenir vers, pour les uns, les études, comme Sport dans la ville, ou pour pérenniser des emplois d'éducateurs, d'accompagnateurs qui sont indispensables".

EMPLOI ET QUALIFICATION

Le principe. "La bonne protection dans un monde en changement, c'est d'être requalifié pour accéder à un emploi durable, qui a un avenir sur nos territoires" et "il y a des emplois dans le numérique, il y a des emplois dans le service aux personnes âgées, comme aux publics les plus en difficulté, il y a un emploi dans l'économie circulaire, simplement, il faut former les gens pour cela."

Réforme de la formation - Le plan Formations de 15 milliards d'euros, ainsi que la réforme conduite par le gouvernement qui sera achevée au printemps prochain (voir notre article du 15 novembre 2017), "c'est la garantie de cette politique d'émancipation". "La politique d'investissement dans la formation et les compétences touchera prioritairement les quartiers de la politique de la ville", assure Emmanuel Macron.

Contrats aidés. "Un contrat aidé, c’est un contrat à court terme subventionné par l’Etat, un contrat aidé ce n’est pas la bonne solution quand il n’y a pas une formation à la clé qui permet de trouver un emploi !", estime le président de la République. Pour autant, "nous maintiendrons les emplois aidés au niveau de 200.000" pour 2018, a-t-il confirmé, au lieu des 310.000 de 2017. Les préfets doivent veiller à ce qu’ils soient "prioritairement affectés aux territoires les plus fragiles, aux acteurs associatifs et à l'ensemble des acteurs justement de ces politiques (Ndlr : de la ville)" (voir notre article du 31 octobre 2017).

Projet de loi sur l'apprentissage. La "transformation en profondeur de l’apprentissage et de l’organisation de l’apprentissage" reposera sur des principes : "simplification des règles, remise au cœur de la gouvernance des branches professionnelles, stabilité des règles fiscales, sociales et organisationnelles". Tout cela sera défini "à l'issue de la négociation menée par la ministre du Travail et le ministre de l'Education nationale pour, en début d’année prochaine, porter une loi qui donnera le cadre pour le quinquennat" (voir notre article du 9 novembre 2017) .

Parrainage. "Avec l’apprentissage, le parrainage (Ndlr : de cadres d’entreprises auprès de jeunes) doit devenir un pilier de la politique de l'emploi des jeunes en France". Emmanuel Macron a cité l’association "Nos quartiers ont du talent" et assuré que "l’Etat sera aux côtés des acteurs volontaires".

Les premiers territoires éligibles aux "emplois francs". Pour le moment, "nous avons débloqué les crédits pour permettre à près d’un quart des quartiers politique de la ville de bénéficier de ce dispositif". "Dix territoires seront mobilisés dès le 1er janvier prochain", a annoncé le président de la République. Il a énuméré en réalité beaucoup plus que dix quartiers puisque tous les quartiers politique de la ville du département de Seine-Saint-Denis sont concernés, ainsi que ceux "des agglomérations de Val-de-France et de Cergy-Pontoise dans le Val-d’Oise, du territoire Grand Paris Sud englobant Grigny et Evry dans l’Essonne, de l’agglomération d’Angers, de la métropole de Marseille mais aussi de votre territoire [la métropole de Lille]". Il a rappelé les conditions pour en bénéficier : "tous les demandeurs d’emploi, pas de critère d’âge et l’accès à un CDI ou à un CDD de plus de six mois, il n'y aura pas d'autre critère que cela" (à part celui d'habiter un quartier éligible). Dès lors, "leur employeur sera aidé de 5.000 euros par an sur trois ans pour le CDI et 2.500 euros par an sur deux ans pour le CDD de plus de six mois" (voir notre article du 10 novembre 2017)

Restructuration de l’Agence France Entrepreneur. Emmanuel Macron entend "favoriser l'accès à l'entreprenariat dans les quartiers" via "la restructuration de l’Agence France Entrepreneur". Cette agence "doit être la porte d’entrée unique pour accompagner les entrepreneurs des quartiers", a-t-il indiqué. "Notre ambition est d'en faire une véritable banque publique d'investissement dans les quartiers pour accompagner celles et ceux qui souhaitent investir, créer, innover sur la durée. En simplifiant les procédures, en les accompagnant avec les associations qui parfois font de manière remarquable ce travail, en les aidant à accéder au financement dont ils ont besoin, microcrédit ou début de financement bancaire indispensable pour démultiplier leur effort et ensuite aller vers un projet personnel et une réussite entrepreneuriale" (voir notre article du 22 octobre 2015, au moment de la création de l'Agence).

Généraliser le programme French Tech Diversité. Pour "encourager les start-up essaimées dans les quartiers les plus en difficulté", Emmanuel Macron entend "démultiplier", "généraliser partout en France en 2018" le programme French Tech Diversité qui portait uniquement sur l'Ile-de-France cette année. "Le programme permet à des entrepreneurs issus des quartiers politique de la ville ou bien boursiers ou anciens boursiers ou encore bénéficiaires des minima sociaux et autodidactes de se voir financer un an dans un incubateur French Tech et de bénéficier d’une aide directe de 45.000 euros", a-t-il présenté. "La première promotion de 35 entreprises a été sélectionnée parmi 270 dossiers il y a quelques semaines."

INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT

Une politique mobilité pour les quartiers. Les Assises de la mobilité qui se déroulent actuellement (voir notre article du 14 septembre) permettront de définir "une vraie ambition de mobilité pour nos quartiers avec la clarification budgétaire et un échéancier pour l’ensemble des quartiers concernés par la politique de la ville" (voir notre article du 20 septembre 2017)

Permis de conduire. "D'ici six mois, un plan national pour le permis de conduire sera parachevé qui permettra, au-delà des initiatives prises par certaines communes ou certaines régions, de financer pour tous les jeunes des quartiers politique de la ville le code et le permis de conduire." Ce plan visera à "simplifier certaines procédures, accepter de les financer et accompagner les collectivités qui se sont engagées".

Le discours d'Emmanuel Macron à Tourcoing clôturait deux jours consacrés à la politique dans l'agenda présidentiel. La veille, après un déjeuner de travail de trois heures à l'Elysée avec des représentants de maires, des parlementaires, des associations et des représentants de conseils citoyens, il était allé à la rencontre des habitants de Clichy-sous-Bois (notre photo) aux côtés du maire, Olivier Klein, fraîchement nommé président de l'Anru.
 

 
LES REACTIONS AU DISCOURS DE TOURCOING

Le Conseil national des villes (CNV) souligne le "discours fort d’Emmanuel Macron dont la conviction est de nature à rassurer, avec un diagnostic juste et bien posé, une feuille de route globale, claire, cohérente et les annonces très concrètes et structurantes pour les habitants et notamment les jeunes". Il estime que "la méthode proposée reprend bien les fondamentaux de la politique de la ville avec l’insistance sur la co-construction et la reconnaissance de la place des habitants comme acteurs locaux à part entière de leur vie et de celle de leurs quartiers" et que cela constitue "une bonne nouvelle pour les conseils citoyens". Le CNV est coprésidé par Fabienne Keller et Olivier Klein.

Ville & Banlieue s'est félicitée qu'Emmanuel Macron ait "manifesté une volonté d’écoute des inquiétudes et des enjeux républicains pour les 5 millions de résidents des quartiers populaires". Lors du déjeuner de travail du lundi 13 novembre, "tous les sujets ont été librement abordés", affirme-t-elle. Et, "si le président n’a rien annoncé de concret (...), il a néanmoins manifesté une volonté de prendre lui-même en main les enjeux républicains de la politique de la ville, indiquant sa décision de co-construire avec ses hôtes du jour, dans la durée, les politiques publiques en ce domaine, ouvrant un chantier qui fera l’objet de points trimestriels de fonctionnement sous sa propre autorité".

L’ADCF "accueille avec beaucoup d’intérêt la feuille de route" et "les principes qui l’animent". Elle a jugé la politique de la ville version Emmanuel Macron "plus ouverte, moins stigmatisante, tendant vers une politique de cohésion des territoires ambitieuse et partagée". Son président, Jean-Luc Rigaut, a assuré lors du déjeuner de travail du 13 novembre que "l’intercommunalité démontre, peu à peu, sa pertinence et plus-value dans le pilotage des contrats de ville". Qu'elle était bien l'"échelle de solutions pour réduire durablement les écarts entre quartiers en difficulté et reste du territoire, en agissant sur les questions de développement économique, d’emploi, des mobilités (résidentielles, physiques, psychologiques et des entrepreneurs), de logement ou de transition énergétique".

Pour France urbaine, Emmanuel Macron a prononcé "un discours fondateur sur la politique de la ville qu'il entendait mener pour le quinquennat". L'association des élus urbains y voient a priori d'un bon œil cette "impulsion" mais "sous réserve de mesures concrètes et d'engagements à confirmer, notamment dans le PLF en cours de discussion au Parlement". Lors du déjeuner de travail du 13 novembre, son président Jean-Louis Moudenc a de nouveau exprimé "ses vives réserves quant à la politique logement du gouvernement, au regard en particulier de l’article 52 du PLF 2018, qui organise la baisse concomitante des APL et des loyers du parc social".

Ni la Fédération des OPH ni l'Union sociale pour l'habitat ne se sont officiellement exprimées. Mais dans le cortège motorisé organisé le 15 novembre par des bailleurs sociaux d'Ile-de-France pour protester contre le plan Logement du gouvernement en général et la réforme des APL en particulier, l'AFP a recueilli des avis évidemment très tranchés. "J'ai écouté le président nous expliquer qu'il fallait réinvestir les quartiers populaires et je me suis demandé si c'était un cynisme de plus", a par exemple déclaré Carine Delahaie, présidente de l'Opaly, OPH qui gère 5.500 logements à Arcueil et Gentilly (Val-de-Marne). Quant au doublement promis des crédits Anru, "si les offices sont à terre, ils mettront zéro euro (dans la rénovation urbaine)", a prévenu Anthony Daguet, président de l'OPH d'Aubervilliers (8.000 logements).

Stéphane Troussel, président PS du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, a publié un communiqué intitulé "Monsieur Macron : Docteur Jekyll dans les quartiers populaires, Mister Hyde sur le budget ?". Malgré tout, il répond "chiche" à l’appel à la mobilisation nationale.

Martine Aubry, maire PS de Lille, s'est interrogée : "Comment peut-on prononcer un discours sur la politique de la ville quand on casse le logement social et les emplois aidés ?"

Bruno Beschizza, maire LR d'Aulnay-sous-Bois (93), estime qu’ Emmanuel Macron a "réalisé un bon diagnostic sur la faillite de la République dans les quartiers populaires" et fait "de nombreuses annonces intéressantes". Il "espère que ce grand discours fondateur n'est pas juste un écran de fumée" destiné à "faire oublier que depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron a pris des mesures (...) contre les quartiers populaires" comme "la baisse des APL", "la saignée des offices HLM les plus pauvres" ou "la diminution drastique des emplois aidés".

V.L. avec AFP 

 

 

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