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Politique de la Ville - Rapport ONPV 2016 : le chômage baisse (un tout petit peu) dans les quartiers

L’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV, ex-Onzus) a rendu son rapport 2016, avec tout un tas d'indicateurs sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) nouvelle génération. Les chiffres du chômage 2015, boostés par les dispositifs d'aide à l'emploi, apparaissent encourageants par rapport aux années passées, mais demeurent préoccupants. A signaler une typologie des quartiers qui exprime judicieusement la diversité des situations et invite à repenser des politiques publiques plus fines selon les caractériques des sites.

En 2015, le taux de chômage dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) est de 26,4%. C'est une bonne nouvelle dans la mesure où, l'année précédente, il était à 26,7%, soit 0.3 point de moins. "La situation s'est stabilisée par rapport à 2014 avec une diminution du taux de chômage de 0,3 %", souligne le 2e rapport annuel 2016 de l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV, ex-Onzus) remis le 6 avril, par le préfet Jean-François Cordet, son président, à Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, et à Hélène Geoffroy, secrétaire d’Etat chargée de la Ville.
Le document, de près de 150 pages, est toujours une mine statistique concernant les 435 contrats de ville, qui accueillent 5,4 millions d'habitants (8,2 % de la population française habite en QPV), dans 1.514 QPV situés dans 859 communes, et qui sont pilotés pour 70% d'entre eux à l’échelle intercommunale comme l'exige la loi Lamy de 2014*.

Une baisse du chômage plus sensible chez les moins de 30 ans et les plus diplômés

Dans le détail, le taux de chômage a plus particulièrement baissé chez les moins de 30 ans, passant de 38,4% en 2014 à 35,9% en 2015 (soit 2,5 points de moins). En revanche, il a augmenté chez les 30-49 ans (passant de 23,3% à 25,1%, 1,8 point de plus). Les chômeurs les plus diplômés ont plus facilement retrouvé du travail que les autres (le taux de chômage des personnes ayant un niveau d'études supérieur ou égal à Bac +2 passe, dans les QPV, de 18,8% en 2014 à 15,9% en 2015, soit une baisse de près de 3 points).
En revanche, le taux de chômage des immigrés (définis comme "nés étrangers à l'étranger") est passé de 27,9% à 30,1% (+ 2,2 points). Le sort de leurs enfants s'améliore (le taux de chômage des "nés en France descendants d'immigrés" a baissé de 4,3 points passant de 33,7% à 29,4%). Le taux de chômage des "ni immigrés, ni descendants d'immigré" a aussi légèrement baissé, passant de 23,3% à 22,4%.
Autre bonne nouvelle, soulignée par Hélène Geoffroy, les différences entre le taux de chômage en QPV et celui des unités urbaines englobantes tend pour la première fois à se réduire, même s'il reste extrêmement élevé (16,8 points d'écart en 2014 ; 16,3 points d'écart en 2015). Quand le taux de chômage est de 26,4% pour les actifs des QPV, il est de 16,8% pour leurs voisins de leur unité urbaine. L'écart est particulièrement élevé pour les moins de 30 ans (16,3 points d'écart en 2015), mais il est tout de même en sacrée baisse (l'écart était de 21,4 points en 2014). Là encore, les plus diplômés s'en sortent mieux, avec un écart de 9,4 points en 2015 contre 12,3 points l'année précédente. Et là encore, l'écart se creuse pour les immigrés (l'écart passe de 12,4 en 2014 à 14,3 en 2015).

Une stabilisation après la dégradation

Au final, si la diminution globale du taux de chômage "n'est pas significative pour conclure à une réelle baisse du chômage dans les quartiers prioritaires", ainsi que le reconnaît le rapport 2016 de l'ONPV, il n'en demeure pas moins que "les principaux indicateurs relatifs à l'emploi et à l'activité semblent se stabiliser en 2015, après une dégradation continue enregistrée depuis le début de la crise économique", observe-t-il.
Les explications à ces (très relatives) bonnes nouvelles viendraient des dispositifs en faveur de l'emploi, dont beaucoup ont ciblé les jeunes : emploi d'avenir, contrat aidé**, garantie jeune, dispositif seconde chance, Epide, parrainage... égrène Sébastien Jallet, commissaire général délégué et directeur de la Ville et de la cohésion urbaine du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). Et à l'entendre, le rapport 2017 affichera de meilleurs résultats encore pour l'année 2016, car "cela fait cinq trimestres consécutifs que ce taux baisse". Pôle emploi a en effet constaté une baisse de 4,2% du chômage en 2016 pour les chômeurs de catégorie A*** résidant dans un QPV, soit 27.000 personnes au chômage en moins par rapport à 2015, se réjouit Sébastien Jallet.

22,4% de CDD ou de contrats d’intérim

Reste que, lorsque l'on rentre un tout petit peu dans le qualitatif, les emplois occupés sont toujours aussi précaires (22,4% de CDD ou de contrats d’intérim en 2015 dans les QPV, contre 12,6% dans le reste des agglomérations) et moins qualifiés (72,8% d’employés ou ouvriers contre 42,8%). La part des gens qui travaillent et qui souhaiteraient travailler davantage est de 14,1%, contre 6,1% dans les unités urbaines englobantes.
Du point de vue du développement économique, 189.500 établissements économiques étaient implantés dans les quartiers prioritaires au 1er janvier 2015, soit près de 20.000 établissements de plus qu’un an auparavant. Le rapport souligne que ce sont les petits commerces de détail qui constituent le secteur d’activité le plus important parmi ces établissements (21,4%, contre 13,4 % dans les unités urbaines englobantes).

18% des enseignants en QPV ont moins de 30 ans

Le rapport de l'Observatoire fournit bien d'autres indicateurs, rendant compte de la réalité des habitants dans ces quartiers pauvres dont les contours ont précisément été dessinés sur des critères de concentration de la pauvreté. De fait, le taux de pauvreté est de 42,2 % en QPV, "un taux trois fois plus élevé qu'en France métropolitaine" (où il est 14,3 %).
Au chapitre de l'éducation, on retiendra par exemple que 18% des enseignants de collège (dans ou à proximité)**** des quartiers prioritaires ont moins de 30 ans, contre 11% pour ceux des collèges plus éloignés. Le taux de réussite au brevet est de 79%, contre 87% ailleurs. 20% des collégiens s’orientent vers une 1ere professionnelle, contre 15% pour ceux des collèges plus éloignés.
92.000 enfants ont bénéficié d’un programme de réussite éducative (PRE) sur l’année scolaire 2015-2016, dont 80% en parcours personnalisé. Les PRE concernent 58% des collégiens en REP (Réseau d’éducation prioritaire) et 69% des collégiens en REP+.

Deux fois moins de licences sportives

58.000 adolescents ont bénéficié d’une des 215 cordées de la réussite financées par le CGET sur l’année scolaire 2015-2016, dont un tiers de collégiens et deux tiers de lycéens. 3,8% des licences sportives sont délivrées dans les QPV, "soit deux fois moins que leur poids dans la population", précise le rapport. "Ce qui ne veut pas dire qu'on ne joue pas au foot dans les quartiers", a à demi plaisanté Patrick Kanner, lors de la remise du rapport.
24% des habitants des QPV déclarent se sentir "souvent ou de temps en temps" en insécurité dans leur quartier, contre 13% hors QPV. Mais seuls 19% des habitants en QPV déclarent avoir été victimes d'une atteinte à la personne, contre 23% hors QPV.
Question mixité sociale, 30% des logements sociaux en France se trouvent dans les quartiers prioritaires en 2015. Un chiffre qui devrait bouger dans les années à venir si la loi Egalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 se déploie dans les prochaines années. Et cela, même si, rappelle l'ONPV, "les locataires du parc social résidant dans ces quartiers restent plus longtemps dans leur logement".

Quoi de commun entre le centre ancien de Carpentras et le quartier Mace-Darcy de Hénin-Beaumont ?

Nouveauté 2016, le rapport distingue trois typologies des QPV au regard de trois thématiques correspondant aux trois piliers des contrats de ville : cohésion sociale, cadre de vie et emploi. Le premier intérêt de cet exercice, est de donner à voir la diversité des QPV. Quoi de commun en effet, mise à part la concentration de pauvreté, entre le centre ancien de Carpentras, le quartier Mace-Darcy de Hénin-Beaumont, la cité HLM des Oliveaux à Loos (Nord) éloignée de tout, le quartier ségrégé de Pontcarral à Toulon, le petit quartier de la Verrerie à Amboise (Indre-et-Loire), le QPV Jeanne d'Arc-Clisson dans le 13e arrondissement de Paris et le quartier Gély à Montpellier en décrochage ?
Ce découpage en trois thématiques a été construit avec l'objectif de fournir un cadre à l'évaluation des contrats de ville. Il pourrait également nourrir la réflexion sur les orientations des politiques publiques, qu'elles soient locales ou nationales. Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois et président du Conseil national des villes invite par exemple l'Anru à tenir compte de ces spécificités lors de l'élaboration des nouveaux protocoles. Si l'on prend les cinq "classes" composant la thématique "cadre de vie", on voit bien que les enjeux de renouvellement urbain sont différents et demanderont non seulement des moyens financiers plus ou moins lourds, mais aussi une ingénierie spécifique.

Un outil de lecture pour les politiques publiques

Quoi de commun cette fois, en termes de "dysfonctionnement urbain" (puisque c'est le critère retenu par l'Anru 2 pour la sélection des 216 quartiers d’intérêt national du nouveau programme 2014-2024), entre le "centre ancien" de Béziers (il y a 98 "centres anciens" parmi les QPV, ils représentent 9% des habitants des QPV), les "quartiers HLM de petites unités urbaines" (358 quartiers, 17% des habitants des QPV), les "quartiers périphériques de petites adresses" (158 quartiers, dont entre autres les "corons" du Nord, 8% de la population des QPV), les "quartiers HLM périphériques de grandes unités urbaines" (384 quartiers, 36% de la population des QPV) et les quartiers HLM de banlieues éloignées de grandes unités urbaines (334 quartiers, 30% de la population des QPV) ?
De même, en termes d'emploi, les mêmes dispositifs ne seront pas efficaces selon que le quartier "profite d'un environnement dynamique" (ils sont 514 dans ce cas, regroupant 43% de la population des QPV), est "en décrochage (398 quartiers, 33% de la population des QPV) ou "en difficulté dans un environnement industriel" (381 quartiers, 25% de la population des QPV).

* Les contrats demeurant à l’échelle communale sont situés en outre-mer, en Ile-de-France et dans des communes rattachées à des communautés de communes n’ayant pas la compétence "politique de la ville".
*** 54.000 résidents des quartiers prioritaires (soit 8% de la population active française et 13% de celle des habitants des quartiers prioritaires) ont bénéficié d’un contrat aidé (contrat unique d’insertion ou contrat d’avenir) en 2015.
** Les demandeurs d'emploi de catégorie A sont les "personnes sans emploi, tenues d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi, à la recherche d'un emploi quel que soit le type de contrat (CDI, CDD, à temps plein, à temps partiel, temporaire ou saisonnier)", selon la définition de Pôle emploi.
**** Les établissements scolaires relevant de la politique de la ville sont définis à partir d’un critère de distance (moins de 300 m entre les établissements scolaires et les quartiers prioritaires) et concernent les données de l’année scolaire 2013-2014.

Le 2e rapport de l’Observatoire national de la politique de la ville
Le second rapport de l’Observatoire national de la politique de la ville intègre, pour la première fois, des études évaluatives sur le programme national de rénovation urbaine (PNRU) et sur un état des lieux de la mise en place des conseils citoyens. Comme chaque année, il propose une analyse de la situation des résidents des quartiers de la politique de la ville. Une troisième étude s’attache à caractériser, à l’aide de typologies, la diversité des nouveaux quartiers de la politique de la ville. Il rend aussi compte des principales mesures mises en œuvre au sein de ces mêmes quartiers au travers de fiches de synthèse, ainsi que des moyens financiers engagés. A compter de 2017, le rapport de l’ONPV deviendra thématique. La première édition sous cette nouvelle formule sera consacrée à la mobilité résidentielle.
Pour rappel, l’ONPV est né de la fusion, suite à la loi Lamy de 2014, de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) et du Comité d’évaluation et de suivi de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.