La Fédération des SCoT invite à "mettre du vert sur du vert"
Loin de remettre en cause l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN), la fédération des SCoT invite ses membres à profiter de la révision de ces documents d'urbanisme imposée par la loi Climat pour bâtir une véritable "stratégie écologique territoriale" faisant la part belle à la renaturation, et pas seulement dans les espaces artificialisés. Considérant que les espaces non bâtis, naturels, agricoles et forestiers "sont à l’épicentre des transitions", la fédération appelle non seulement à "les préserver", mais bien à "révéler tout leur potentiel".
"Pour ceux qui espéraient qu’un nouveau texte législatif leur permettrait de ne pas intégrer les enjeux de sobriété foncière et de désartificialisation, je pense qu’ils ont compris que le contexte parlementaire national va figer pour quelque temps le cadre d’intervention qui est le nôtre." On ignore si le président de la fédération des SCoT, Michel Heinrich, qui ouvrait ainsi les 18e rencontres nationales des SCoT qui se tenaient ces 29 et 30 août à Arras, visait singulièrement ses collègues de l’Association des maires de France – laquelle espère toujours infléchir le cours des choses (voir notre article du 24 juillet), faisant même de "l’adaptation du ZAN" l’un des thèmes de son prochain congrès. Mais une chose est sûre : pour lui, le ZAN, il faut faire avec (voir notre article du 29 avril).
Aller au-delà des injonctions de la loi Climat
Michel Heinrich propose même d’"aller au-delà des injonctions de la loi Climat", dont il reconnaît par ailleurs qu’elle a été "un accélérateur, en venant bousculer nos habitudes", voire nos certitudes. Pour la fédération des SCoT, le mot d’ordre fixé il y a deux ans – "Choisir pour ne pas subir" (voir notre article du 17 juin 2022) – reste plus que jamais d’actualité. Cette fois, elle invite particulièrement ses membres à profiter de la révision des SCoT imposée par la loi Climat – échéance le 22 février 2027 – pour bâtir une véritable "stratégie écologique territoriale". Une stratégie qui doit selon elle évidemment intégrer "les trajectoires de sobriété foncière" et définir le pilier "transitions" (définition des trames verte et bleue, mesures de compensation, volet évitement…), désormais obligatoire, mais surtout faire de la "renaturation" son épine dorsale.
La renaturation, partout
Pour la fédération, cette renaturation doit aller bien au-delà de celle prévue au titre du ZAN – elle invite d’ailleurs explicitement ses membres à "limiter ou éviter l’utilisation de projets de renaturation dans le seul but de dégager des marges de manœuvre pour artificialiser". Mais aussi au-delà de la définition qu’en donne le code de l’urbanisme, laquelle ne vise que les seuls sols artificialisés. "Mettre du vert sur du vert", tel est le mantra qui aura été répété à l’envi à Arras ces deux jours. "N’avons-nous pas trop concentré notre regard sur les espaces bâtis et à bâtir lors de nos exercices d’aménagement du territoire et en urbanisme ?", interroge Michel Heinrich, en observant que "la France est artificialisée à hauteur de 10% ; cela signifie que 90% du territoire est donc constitué d’espaces non bâtis, naturels, agricoles et forestiers (Enaf)". Il le reconnaît : "On considérait ces espaces comme des territoires à préserver, sans penser à révéler tout le potentiel qu’ils recèlent en matière de transition écologique".
Les Enaf, "à l’épicentre des transitions"
Or, pour la fédération, il est désormais d’autant plus "indispensable que les élus construisent une véritable stratégie pour ces espaces non bâtis" que ces derniers "ont une place stratégique pour construire les réponses aux défis que nous avons à relever". Parmi lesquels "limiter le réchauffement climatique, restaurer la biodiversité, séquestrer du carbone, limiter la pression sur la ressource en eau…". "Ils sont un peu à l’épicentre de toutes les transitions", appuie Michel Heinrich. "On ne peut plus dissocier la problématique de l’eau de l’aménagement", prend-il pour exemple, au moment où la justice commence d’ailleurs à considérer qu’un maire peut à bon droit refuser de délivrer un permis de construire du fait du risque d’insuffisance de la ressource en eau (voir la décision n° 2302433 du 23 février dernier du tribunal administratif de Toulon). En ce domaine, il appelle notamment à "renforcer le dialogue et les rencontres entre les SCoT et les commissions locales de l’eau", ce que devrait d’ailleurs favoriser un décret récemment soumis à consultation (voir notre article du 2 avril). "Nous devons mieux intégrer les services écosystémiques et les bénéfices rendus par la nature et par les sols, et renforcer les solutions fondées sur le nature", insiste-t-il plus largement.
Principes et méthodologie
Afin de montrer la voie, la fédération vient de publier une étude présentant "les principes et une méthodologie" pour "renaturer", promettant "50 nuances de renaturation". Nombre d’entre elles concernent encore majoritairement les espaces urbanisés : renaturer les cours d’école, rendre les sols perméables, végétaliser tous les espaces, réhabiliter les friches… Y figurent toutefois également la restauration des cours d’eau – prévue par ailleurs par le controversé règlement européen sur la restauration de la nature (voir notre article du 17 juin), lequel est ignoré par le document (mais a été mis en avant par Michel Heinrich dans son discours d’ouverture des rencontres), comme est également occulté le projet de directive sur les sols en cours d’adoption (voir notre article du 6 juillet 2023). Ou encore la reconstitution des haies. À propos de cette dernière, on interroge : n’est-ce pas là la mission de la politique agricole commune plutôt que celle des Scot ? Que nenni, défend Michel Heinrich : "Dans un Scot, un document d’urbanisme, on peut très bien imposer aux agriculteurs des normes en matière de haies", défend-il. Même s’il faudra peut-être réussir à en franchir quelques-unes avant d’y parvenir.