Marchés publics - La directive sur les concessions revue de fond en comble
La Commission mène un combat solitaire en faveur d'une régulation européenne des concessions. Jusqu'ici, seules les concessions de travaux étaient couvertes par Bruxelles. En proposant une directive fin 2011, le commissaire Michel Barnier a signifié son intention d'encadrer l'ensemble des délégations de services publics (distribution d'eau, gestion des déchets, etc.) tout en introduisant des dérogations pour des secteurs-clés, comme l'énergie ou encore les services sociaux.
Près d'un an plus tard, nombre de députés européens restent sceptiques sur la démarche entamée par la Commission. Dans un contexte où "l'on est sous pression pour réduire la dette", la députée allemande Heide Rühle (Verts) redoute les conséquences d'une directive qui "va compliquer l'octroi des concessions" et le rendra "plus cher". "Ce n'est vraiment pas le moment", a-t-elle réagi lors d'un débat au Parlement européen le 6 septembre, insistant sur la place résiduelle des concessions transfrontalières en Europe (1,5% des contrats).
Profond remaniement
Le Français Philippe Juvin (UMP), rapporteur du texte, tente donc de se frayer un chemin entre ces positions antagonistes. L'objectif de transparence accrue est conservé, mais le député européen a franchement remanié la directive. Alors que la Commission voulait baliser chaque étape conduisant à l'octroi du contrat, l'élu remet la liberté de décision des autorités locales au cœur du processus.
Dans sa proposition, l'exécutif européen souhaitait par exemple que la collectivité détaille ses exigences en fonction de critères précis (prix, qualité, qualification du personnel, environnement…) rangés par ordre de priorité (principe de la pondération).
La nouvelle version de M. Juvin fait sauter cette règle et rend la hiérarchisation des critères facultative, au profit de la liberté de négociation des élus avec les entreprises candidates. Le principe de la concession est d'être un "contrat incomplet", tient à souligner Philippe Juvin, c'est-à-dire un contrat inscrit dans la durée, mais qui doit pouvoir être réajusté au fil du temps, en fonction des besoins locaux.
Avertissement
Présente lors des échanges au Parlement, la Commission a glissé un mot d'avertissement : l'exécutif européen "ne pourra soutenir le texte que s'il préserve un certain nombre de principes, comme l'égalité de traitement entre les entreprises concurrentes, l'ouverture du marché et l'utilisation efficace des fonds".
Le rapporteur s'est par ailleurs livré à un important travail de simplification, en supprimant certaines dispositions jugées trop complexes ou entretenant l'amalgame entre les marchés publics (achat d'un bien par une collectivité : matériel scolaire, alarmes incendie…) et les concessions (passation d'un contrat assorti d'un transfert des risques commerciaux et industriels vers le prestataire). Le mode de calcul du montant de la concession est ainsi simplifié et le critère du "cycle de vie du produit", caractéristique des marchés publics, est retiré du texte.
Eau et énergie
D'autres questions, autrement plus sensibles, restent à régler. A l'instar de la production et distribution d'énergie, qui continuent de reposer sur de gros acteurs tels qu'EDF et ERDF.
Dans son rapport, le député exclut la production d'électricité ainsi que sa vente en gros, comme aux particuliers, de la directive. "Cela correspond au modèle français, puisqu'il n'y a pas eu de libéralisation du secteur de l'énergie", souligne la députée allemande Heide Rühle, consciente que son pays a le même réflexe dans les secteurs qui lui sont chers.
Au Comité des régions, instance consultée pendant la négociation du texte, le rapporteur Henk Kool, social-démocrate néerlandais, réclame l'exclusion du secteur de l'eau du champ de la directive. "Cela correspond au modèle néerlandais et allemand", remarque Heide Rühle.
Marie Herbet / EurActiv.fr
Prochaines étapes
- Dépôt des amendements : 3 octobre
- Examen des amendements de compromis : 28 et 29 novembre
- Adoption du texte en commission : 18 décembre